Je cherche mes clés, un peu tendu.
Les cartes à jouer sont bien rangées sur la table à jeu, proche d'un mouchoir blanc avec une trace de baiser au rouge à lèvre écarlate.
La pièce est impeccablement rangée.
Mon ange gardienne a laissé la trace discrète de son passage.
Je soulève l' antique téléphone à grosses touches fixé au mur.
Plusieurs numéros de téléphone sont barrés. Avec différents indicatif.
Le dernier sera un 06.
Quel âge a-t-elle?
Je recopie la suite de chiffres.
Bientôt, j' aurai le courage de l' appeler pour la remercier.L'organisation du château fonctionne telle une horloge atomique .
Mes deux sœurs jumelles Alice et Alicia, gèrent la maison, leurs maris, tout aussi jumeaux ont repris les fermes, le haras.
Les trois Anciens sont dans le salon.
Oui, Jo le taxi m' a accompagné.
Oui, je suis à l'hôtel ,à quelques'k mètres de l' hôpital.
Je viens récupérer mon vélo.
Un peu tôt pour la voiture.
Un copain du club de parapente me l' amènera plus tard.
Pfffftttt, dans la remise, couvert de poussière,mon petit bolide m' attend.
Je -ne-supporte-pas-la -saleté.On le charge dans le taxi, direction l' asso de réparation de cycles
Il me faudra un autre équipement de sécurité.Un si gros paquet cadeau pour moi?
Les gamins de l' association me fixent, les yeux plein d'impatience,
Les lèvres ouvertes sur de grands sourires.
Un pot chinois blanc avec des dragons bleus ?
Je les regarde, surpris
Un immense éclat de rire quand l'une d'entre eux fait semblant de vomir dans la poubelle.
-Le nouveau, Lionel, ne supporte pas le vomis dans la poubelle.J' étrenne aussitôt le joli pot chinois.
En goguette avec les collègues de l' école militaire, on se retrouve chez une Madame réputé .
-Tu ne pars jamais avec une femme.Tu ne bois jamais d' alcool.
-Non Madame. Je conduis pour le retour.
- Je crois que j' ai ce qu'il faut pour toi.Une porte discrète derrière un tout aussi discret paravent, un autre appartement, plus masculin.
Elle me demande d' attendre dans une chambre rouge et noire.
J' entend une voix grave
-Bonjour mon Beau. Je suis Lionel , pour te servir.
Un homme mince, un corps d' adolescent blond, un visage mature, tout en fossettes.
Le sang roule dans tout mon corps.
Il me rappelle un autre corps.
Je ne me souviens pas.
Je ne dois pas me souvenir.Si je ne me souviens pas, je peux être pervers.
Si je ne me souviens pas, personne ne lui fera de mal.Tu veux une capote?
Ok.
Le corps de Lionel est chaud, accueillant.
Cadeau pour la première fois dit la Madame.Je reviendrai, discret.
La folie joyeuse de Lionel éclaire mes permissions.Il est un peu sombre: à la sortie de chez Michou, un de ses amis a été assassiné.
Je reviens de mission, pressé de retrouver Lionel.
Il est à l'hôpital, la peste des gays vient d' arriver des Amériques.
Je le trouve au fond d'un couloir.
La chambre sale, le lit défait.
Mon Lionel, mon joyeux drille, pleure en me voyant.Je bondis dans le carré des infirmières.
Je hurle.
Je menace.
Refus de soin.
Personne ne veut s'occuper de lui.
Seules quelques volontaires inconscientes font les soins de ces mauditsJ' appelle Félix, il fait des études de droit.
Il doit bien y avoir une solution, des droits à faire respecter.Je m' empare de gants, d'un seau, de produits de ménages, j' astique sa chambre, je change les draps, je le lave.
Il se fout de moi.
Me dit que je suis son légionnaire qui sent bon le sable chaud.
-Tu as quel grade maintenant?
-Capitaine
Je reviendrai tous les matins, tôt, avant de prendre mon service.
Un de ses amis vient l' après-midi.Je repars .
Il pleure.
On ne se reverra plus jamais.Je porte des fleurs sur une tombe.
Chaque fois que je rentrerai de mission , je viendrai porter ses fleurs préférées, de fines ancolies bleues au printemps, d' orgueilleux glaïeuls en été , des pensées en automne et en hiverJe me retrouve au centre d'un nid de bras.
Ce devrait être moi, le plus vieux, le plus solide qui console.Je suis triste, si triste.
Il fait tourner ma bague.
Une envolée de papillons oranges bordés de noir envahi mes pensées.J'appuie sur mes pédales.
Il a raison.
Je suis ivre de vent, de soleil.Je prend mon pot bleu et blanc.
Le psy me parle de tocs de compensation. Des ménages compulsifs.
Je dois bien le gaver avec mes lingettes!De quoi je ne dois pas me souvenir?
D'un visage.
Pourquoi?
Ils lui feront du mal, comme pour moi.
Ce sont des monstres.
Un jour, ils ont mis une photo de lui sur le mur avant la piqûre.
Ils voulaient que je dise qu'il était sale, mauvais, immoral, qu'il devait être dans une maison de redressement.
C'est eux les mauvais, les immoraux.
Je crée une petite pièce dans ma mémoire.
Je le range dedans, dans un beau parc.
Je lui dis adieu.
Je ferme la porte à tout jamais.
Je l'oublie.
On me montre un visage blond.
Qui t'es toi?💐💐💐💐💐
VOUS LISEZ
T'es qui toi?
RomanceJean-Michel, jeune retraité sportif, se retrouve hospitalisé à la suite d'un accident de vélo. En plein mois de Juillet, il va devoir partager sa chambre avec un inconnu aphasique à la suite d'un AVC. Comment échanger au delà des mots ? Ces deux là...