T'es qui toi?

S' envoler

  Je n'ai pas pu le quitter.
Besoin de le tenir, de l' entendre respirer, de sentir son odeur, d' être contre lui.
Nous sommes restés main dans la main jusqu'au matin.
Deux aides soignants , pressés, viennent nous emmener dans un autre service.
Sacs, dossiers.
Nous quittons cette pièce qui a vu notre rencontre.
Un petit serrement au coeur.
Une autre chambre d'hôpital, ordinaire.
Il va y être seul.

Je range.

Un vrai moulin à vent cette pièce, le docteur Firmin vient s'assoir près de Dandy.

Je le regarde, stupéfait.
-Vous êtes pompier?

Plus de dentelles, dans son uniforme, il ne semble plus aussi gringalet.

Il semble épuisé.
-Oui, pompier volontaire.
Il a eu un accident au même col que vous.
Un cycliste, encore.
Un monchu ( ndla: péjoratif. Un monsieur d'ailleurs qui se croit tout permis) a pensé que la ligne blanche était inutile.
Le cycliste n'a pas eu la même chance que vous.
Vous ne vous souvenez pas. J'ai fait partie de l' équipe qui vous a pris en charge.

Machinalement, il a posé sa main sur celle de Dandy. Je vois ses doigts faire tourner la bague d' anxiété du docteur.
Ça ne me plaît pas.

-Comme j'étais à l'hôpital, je suis venue voir comment se passe le transfert.

Une de ses montres sonne.
-J'y vais si je ne veux pas rentrer à pied. Les collègues m' attendent et mes consultations aussi.

Il part, un peu voûté, le pas lourd.

Puis  mon Homme part vers ses multiples rendez-vous de la journée.
-Je viens ce soir. Bonne journée
-Mmmmmm

Prendre mon sac.
Faire les papiers administratifs.

Jo le taxi  m' attend dans le van
devant la sortie.
Je jette mon sac dans un coin.
Je suis ému. Il y a la nacelle pour handicapé.

-On se retrouve tous là haut.
Prêt ? On a eu peur ,tu sais.

J'ai besoin d'eux, de vibrer.

-On t'a trouvé du matos à ta taille, Cédric a pensé que tu ne voudrais pas passer par l'Annexe.

-Putain non!!! Je me ferai tuer.

Le van grimpe allègrement la pente lacet  après lacet.
Je cherche Indila dans ma play liste.
Elle s'envole ,vole, vole, vole.

-Elle est tout de même triste cette chanson. On a jamais compris pourquoi tu l' écoutes avant de partir.

Je hausse les épaules.
Elle me rappelle mon ami, celui de mon adolescence. Il vit au fond de moi.
Pas un jour sans que son prénom ne vienne effleurer ma bouche.
Je l'ai abandonné, lâchement.
Et elle vole, vole, vole.

La camionnette stoppe.
A peine le temps de descendre et des mains amicales tapent sur mes épaules.
Hey Capitaine, heureux de te voir.
Moi aussi.
Prêt ?
Oh putain oui.

Je cours avec mes béquilles.
Ils se marrent.
Ils me sanglent sur le fauteuil, Cédric accroche  les harnais.
Tu as tout? Casques? Caméra ?
Gants? Lunettes?
Jo le taxi file, je te retrouve en bas…

Deux mains me poussent . Cédric court, je sens la voile se tendre.
On bondit dans le vide.
Je vole.

De la Forclaz, il nous faudra quelques 40mn pour atterrir.
Le lac scintille en bas.

J'entends Cédric dans mon casque.
Tu as de la chance, on a un  super courant ascendant aujourd'hui.

Je hurle, je hurle au vent, à la vie.

Cédric a pris sa voile rainbow.
Il clame haut et fort son amour des hommes dans le ciel.

Elle claque au vent quand il prend un virage.
Les cordes vibrent sous la tension.

-Pas trop déçu de ne pas tenir les commandes ?

Non, je vole.
Je pense à lui, là bas, dans son lit, immobile dans son corps cercueil.
Je l'emmènerai voler.

Prêt ?
Je lève mes pouces.
Il a trouvé un ascendant.
On grimpe vers le ciel en tourbillonnant, on tourne autour du soleil
 
Quelques nuages dessinent leurs ombres au sol.
Je me sens libre.
L'air froid, piquant , me lave des odeurs d' hôpital.
Je ne supportais plus d'être enfermé.
Je ne supportais plus de suivre ce rythme lent.
J' ai besoin de vitesse, de me soûler d'oxygène, d' adrénaline.
Courir, bondir, pédaler, nager…
J'ai besoin d'intensité, de prendre des risques.

Il part à 180 degrés, descend ,monte.
Je vole.
-Regarde! A droite.

Deux milans ( ndla: petits aigles)
planent un peu plus loin en larges cercles.
L'un d'eux plonge en piqué, ailes repliées, affleure le sol, remonte avec sa proie.
Sa queue se déploie, s'abaisse à droite à gauche.
Le second vire sur son aile, plonge à son tour, remonte.
Ce sont des jeunes de l' année encore un peu maladroits.
Ils filent vers leur nid, quelque part vers un sommet .
Ils nous ont montré le bon courant.
On les suit

J' espère que la caméra a bien enregistré.
Je me réjouie par avance de lui montrer les deux rapaces.

Le lac se rapproche, les champs tournoient tout en bas.

Cedric prolonge le plaisir, il saisit chaque courant, nous fait flotter.

Le plaisir est intense, violent.
Presque aussi bon qu'un orgasme.
Je bande. Fort.
Il me manque l'effort.
J'aime tenir les poignées  des suspentes, diriger, contenir, plonger, remonter, devenir léger, souple, flotter, m'appuyer, tirer, pousser, escalader…
Cédric a pris les manettes, il joue entre la portance et la traînée pour nous mener de plus en plus loin.
Tout en finesse.

Le sol court vers nous.
Il ploie ses jambes, mon fauteuil se pose en douceur.
Jo vient vers nous ,mes béquilles à  la main. Avec d'autres .

Vous avez pris votre pied?
Je reprend mon souffle.
On me désangle. Cédric retire son harnais.

Je perd un peu l'équilibre.
Tout tourne encore.
Je me pose contre lui.
Lui aussi bande.
Il glisse rapidement son bras sur mon bas ventre.
Il chuchote.
-Capitaine, on finit ça chez moi?

Mon cœur bondit.
J'ai honte.
J'ai horriblement honte.

Je lui retourne un non sec.

Il s'excuse, il croyait que j'étais..
Je l'interrompt, vite.

Cédric, je ne suis pas gay.

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Les érections en sport intense : voir  l'excellent article de Europe1
"Pourquoi les sportifs bandent en pleine action?"

Les milans sont protégés à Genève, rapaces migrateurs, ils arrivent en avril et repartent à la mi août. Ils viennent fréquemment chercher leur nourriture en ville, sur les grandes places, dans les banlieues.

Depuis quelques années, des clubs de parapente proposent des vols en binôme pour personnes en situation de handicap.
Là aussi, quelques excellentes vidéos à voir