Prendre rendez vous

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Guilhem, mon plus jeune frère, m' appelle rarement.
Journaliste de guerre, on ne se refait pas dans notre famille, il vient de rentrer de je ne sais où.
Détruit. Je reconnais chez lui un choc post traumatique. Il ne veut pas en parler.
Je lirais son article dès sa parution. Je peux comprendre.

Il voudrait l' Annexe. Je n'y vais plus. Il aimerait rester un peu plus longtemps. Il a besoin de se retaper. Il a aussi fait une rencontre. Entrer et sortir du château ressemble à une opération commando.
Entre les escaliers qui grincent, la porte qui claque  en résonnant dans tout le hall, sans compter l'énorme clé  à tourner, l'oreille de lynx de Nanny…. Il n' ose plus bouger.

Hum….hummm….
Je ramène discrètement une cantine chez mon Homme, puis une autre, mes vélos, mes skis….

A chaque fois, il me sourit, m'embrasse au coin de la bouche.
Je voudrais plus, tellement plus.

Je ne peux pas encore lui  laisser accès à la pièce au crucifix. Trop de souvenirs.
Pas de soucis, il n' a pas besoin de beaucoup de place, aller et venir à son gré. Poser son ordinateur, ses appareils photos; comme moi, il a peu de choses, juste un pied à terre pour ses séjours à Paris.

Je dé-tes-te ses chats.
Ils me détestent tout autant.
Pas la peine de me demander leurs noms, je les ignore autant qu'ils m'ignorent.

Le gros siamois, la queue tarabiscotée, adore porter le fruit de sa chasse nocturne sur la table de la cuisine.
Mulots, oiseaux, bestioles indéterminées.
A chaque fois, donc tous les matins, Dandy le félicite.
Et vas y que je te caresse, l' autre creuse son dos, ronronne, pousse la tête dans sa main, me colle un coup de griffe si je m' approche trop.
Bien sûr, il y a mille excuses.

La chinchilla, imaginer une persane, colle ses longs poils blancs partout dans notre lit.
Ses yeux bleues bordées de noir le badent depuis MON oreiller.
Si je veux la pousser, elle me croque un doigt.

L' autre, un matou à la race indéterminée, se prend pour le roi du monde.
Il défile, la queue en l' air sur MON plan de travail dans la cuisine.
Monsieur ne chasse pas, il vole.
Toujours à l' affût du moindre morceau gourmand , il m'épie depuis une chaise, l' air méfiant.
En douce, je le chasse d'un coup de torchon.

Mais arrête, ils ne te font rien.
Eux? Je ne suis pas sûr, la guerre est déclarée depuis le premier jour.
Lui ne me fait rien, c'est une certitude.
Il m'offrirait le quart des caresses qu'il donne aux chats, je m' en contenterai.
Enfin, un peu plus…

Je lui ai proposé plusieurs fois de prendre rendez-vous avec le futur sexologue.
Il  a toujours un prétexte pour dire non.

Je me souviens de ma découverte, des jouets dans les tiroirs.

Il court sur son tapis, puis il va faire ses exercices pour ses mains, ses vocalises, ses copies de mots…
Il va en avoir pour bien deux heures.

Mathilde ne viendra que cet après- midi.
Je cherche, je finis par trouver un mécanisme simple.
Je m'y attendais, un pan de placard se déplace doucement, révélant un escalier raide et étroit.

J' aboutit dans une chambre rouge, poussiéreuse.
Non, je ne fais pas le ménage, je ne fais pas le ménage.

Je dois être au sous-sol . Un lourd rideau rouge dissimule un soupirail.
Beaucoup de rouges. Dans la gamme de tous les rouges. Du rouge clair, presque rose, au pourpre intense.

Un grand lit à baldaquin, avec une télécommande, je joue un peu avec.

Une table en cuir blanc, un truc bizarre avec des étriers, des sangles, une télécommande qui fait ressortir un coussin genre prie dieu au sol.
A quoi ça peut servir un truc pareil?

Je m' assois sur un grand fauteuil Emmanuelle, le grand fantasme des ados dans les années 70. Il y en avait un chez Lionel. Chaud.

Oups, oups, oups….
Le fauteuil ,pile en face de la table, me révèle à quoi elle peut servir.

Écarlate, je me relève rapidement, j' hésite, j' ai encore un peu de temps.

Un placard avec des …..martinets????
Oui, et des menottes à plumes roses, des à plumes noires, des bandeaux pour les yeux….

Dandy ne serait pas Dandy sans ses fringues.

Une grande cape noire doublée de rouge, des bidules en latex, un pantalon , avec un ….gros trou?... derrière. J' imagine son cul blanc qui émerge de tout ce noir.

Non, Jean-Michel, tu n' imagines rien du tout….

Pourquoi il ne veut pas avec moi? Pourquoi il n' essaye pas au moins d'entendre ce que propose le jeune sexologue?

Je remonte en vitesse.
Je me jette sur le lit, je prends son coussin contre moi, avec son odeur.
J' ai tellement , tellement envie de lui.

Les images de cette chambre , de ses accessoires défilent dans ma tête.
Je me fais jouir vite, salement.

J' ai de la colère envers lui.
Il a eu une sexualité épanouie, il me refuse le minimum.
Il ignore les manifestations de mon désir, il tourne la tête dès que je veux l' embrasser.
Va donc caresser tes chats, je cogne dans l'oreiller.

Je ne dois pas, il est malade, je ne dois pas le désirer.
Je dois prendre soin de lui.
Je suis un pervers de désirer un malade.
Je refais le lit au carré, je plie la serviette dans laquelle j' ai jouie, je n' aurai pas dû, je suis un vieux dégoûtant.
Les livres sur la table ne sont pas bien alignés.
Non, tu ne dois pas toucher à ses livres.
Je suis tellement obnubilé par lui que je sens même son parfum dans la salle de bain.
Je descends les serviettes à la buanderie. Derrière la machine à  laver, il y a la chambre rouge.

Les jours deviennent difficiles. Il ne se rend compte de rien.

Il ronronne avec ses maudits chats, il colle sa cuisse contre la mienne sur le tabouret du piano.

J' essaye de m' éloigner.
Je suis sale.
Je suis un pervers.
Non, c'est le conditionnement.

La guerre éclate de nouveau dans mes neurones.

J' appelle Patrick qui me renvoie vers Simon.

Je suis en train de décompenser ,me disent-ils dans leurs jargon.

Je dois aller chercher des médocs en urgences, tout de suite. Simon a envoyé l'ordonnance à la pharmacie.

Je ne veux pas en parler à Philippe, il nage dans son bonheur, dans son cocon. Il en a besoin.

Je vais au marché.
Il est étonné.

Le pharmacien m'informe. Ce sont des neuroleptiques. Je dois être prudent avec, je dois, encore et encore devoir, respecter les posologies. Pas d' alcool.

Je m' arrête dans un bar.
J'hésite.
A quoi vont-ils me servir?
Je me suis toujours débrouiller seul.

J' entends la voix de Simon.
Vous allez être tenté de ne pas les prendre. Prenez-les, immédiatement.

J'achète un peu n'importe quoi au marché.

Ce sale chat à encore poser une souris morte sur la table.
Je la récure.

Je range mes courses par catégorie.
Nanny dit les commissions.
Je trie les sachets.
Je pourrais faire des choux à la crème.
Il aime bien les choux à la crème du dimanche.
Je ne dois pas penser à ça.
Je dois, je ne dois pas, je dois, je ne dois pas…

Il m'interpelle.
Oui?
Je ne l' écoute pas, je lave mes légumes, mes fruits, tous les paquets. Je les essuie, plus une trace d'humidité, ah…une tâche….

Je recommence à trier, je relave, j' essuie bien pour ne laisser aucune trace d'humidité.
Je ne dois pas le contaminer. Il est malade.

Il me regarde, consterné.

Tu as le numéro de téléphone du sexologue?
Mon cerveau  fait un bug.
Pour quoi faire?
Prendre rendez-vous , bêta.

💐💐💐💐💐💐

Les derniers chapitres sont écrits.
Je dois encore les corriger, les vérifier.
Je vais donc les publier assez rapidement.
Bonne lecture

























T'es qui toi?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant