Les premiers crocus percent la pelouse.
Bientôt , l' allée des rhododendrons enchantera mes yeux.Après son fantastique coming out, pas si secret, mon Homme apprend à être moins secret.
Il partage un peu plus ses ressentis, ses émotions.Nous continuons nos thérapies et nos stages.
La thérapeute m' a parlé de mon père.
Je découvre ce père si peu présent , et en même temps si aimant.L' abandon me poursuit, la maladie, les morts violentes ont fait de moi un homme méfiant.
J' attend le prochain drame, je ne m' engage pas.Nous avons été séparés 45 ans.
45 ans durant lesquels nous avons forgé une histoire, des peurs, des joies.Rien n' avance.
Il faudrait peut-être tenter les petites pilules bleues.
Pas trop envie.Ma main commence à bien fonctionner, je l' entraîne au piano.
Je m' ennui un peu.Nous avons cessé, de mon fait, l' exclusivité en stage.
Les autres hommes progressent, moi? Rien.
Je préfère qu'il pratique avec d' autres, qu'il découvre la beauté de son corps, d' autres corps.
Il a tenu à faire l' exercice du massage de périnée avec moi. Je n' ai rien ressenti,
Même si on ne recherche pas l'excitation sexuelle, le désir frémit à fleur de peau chez lui.Arrête, arrête …
Je lui obéit.
Il utilise toujours la même technique de respiration pour bloquer une émotion trop forte.Il inspire, bloque,expire , bloque, plusieurs fois de suite.J' exprime ma détresse dans le cercle.
Si seulement j' avais envie….Il passe ses jambes autour de moi, je m'appuie dans le creux de son bras, le dos contre son buste. Je ferme les yeux, je me laisse bercer par le brouhaha des voix.
On s'embrasse, souvent.
Sinon …toujours rien…
J' ai l'impression d'être dans un cocon, hors du temps.
Il me masse tous les jours.
Il suit scrupuleusement les indications.
Il ne cache plus son désir.
Je le regarde se masturber près de moi.
Toujours rien.Il m' a emmené dans un de ses vols de parapente.
J' ai hurlé de peur.
Pas vraiment mon truc.La guerre avec les chats connaît une trêve.
Ils se méfient les uns des autres, quelques coups de pattes contre quelques coups de torchon.Guerre de territoire me dit la psy.
On dirait bien.
Le siamois tente toujours de transformer la cuisine en morgue, on trouve les petits cadeaux sur le pas de la porte.
Ça le fait hurler.
Mimine a déserté la chambre.Je n' ai aucun projet.
Vide et silence.
Je rythme mon temps avec ses activités, le matin tôt, il part pour quelques heures de vélo.
Il voit toujours deux fois par semaine son groupe de mômes .
Il a un nouveau psy, sur les conseils de Patrick, un hypnothérapeute.
Il rend souvent visite à ses parents.Il rentre le soir. Il sent le vent, il me raconte de menus choses en faisant la cuisine.
Simon fait tourner ses bagues.
Venez avec moi.
Il me tire à l'extérieur de la maison.
Pas de demande de consentement cette fois.
Attachez votre ceinture.
Il m' emmène ou?
En tournée, avec lui.
On commence par la maison de retraite pour grabataires.
Je l' attend dans une grande pièce sinistre. De petits vieux attendent la mort, d' autres divaguent.On continue vers l' orphelinat, celui où travaillait Nanny, on dit foyer maintenant.
Insupportable.
Il y a un piano droit, poussiéreux , contre un mur.Je m' ennuie. Je tapote sur une touche, il a besoin de la visite de l' accordeur.
Tu sais jouer monsieur?
Un petit, le nez plein de morve, me fixe, les yeux plein d' espoir.J' essaye une comptine.
Il sourit, heureux, très vite mon fan club nous entoure.
Un morceau, un autre.Dandy on y va?
On passe à l'église
Il doit voir un malade, le curé.
Dans l' église, le prêtre nous explique fièrement .
L'orgue a été restauré, hélas, il n'y a personne pour en jouer.Je le vois venir ,le Simon.
Il m' emmène là où il voit du besoin, pour me sortir de chez moi, me relancer dans la vie.
On pourrait accorder le piano du foyer.
Ils ont besoin de bénévoles a la maison de retraite.
Quant à l'orgue, quel dommage qu'un tel instrument ne serve plus.On finit à l' auto -école, un ancien patient.
Je voudrais pas reprendre la conduite?
Du moins un peu, en étant accompagné.Merci Simon, je raconte ma journée.
Il prépare un gratin.
Tu m' aides? Je voudrais faire un gâteau de Savoie.Il pose sa tête sur mes cuisses.
Je caresse sa tête ,son visage.
Mimine ronronne. Lui aussi .Simon a raison, tu devrais te trouver une occupation.
Tu restes là, à ne rien faire, ta rééducation, ton piano, ta rééducation, ton piano …
Ouais, mais Simon c'est la misère, j' aime la fête, le jeu….
Il t'emmène dans son monde, si tu mettais de la joie dans le sien?
Tu as vu la Grande récemment ?
Les activités festives de l' association?
Tu faisais partie des organisateurs de la pride.
Il cherche, me propose.
Flop, ça fait flop.
Je veux écrire. J' ai une histoire dans ma tête.
Dicte là.
J' ai essayé, j' ai besoin de sentir les mots au bout de mes doigts.Dandy, tu vas faire une dépression, tu te laisses aller.
Bouge un peu, je t'emmène au guérir .
La Grande m' empoigne le bras.
Attache ta ceinture.
Elle m' attire dans son univers.Ils se sont passés le message, on a des billets pour le match de rugby Oyonnax Toulouse.
Mon petit ouvrier vient me demander des conseils, il ne sait plus quoi faire avec mon hikikomori.
Je ne voudrais pas redevenir son chuchoteur?La garçonne vient transformer mon jardin, elle me montre des plans.
Elle doit rendre un mémoire l' an prochain sur la création d'un jardin japonais.
Je lui laisse un coin de pelouse?
Je l' aide? Elle a besoin d'aide pour tenir le bout du mètre.Moi, ce que je veux, ce sont mes mètres de mots, la chanson des phrases, je veux lire les histoires des autres.
Qu'à cela ne tienne, une minuscule poupée noire, la tignasse emperlé, viens me faire la lecture.
Ce soir, travaux pratiques.
Massage du cerf .Je m'ennuie.
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T'es qui toi?
RomanceJean-Michel, jeune retraité sportif, se retrouve hospitalisé à la suite d'un accident de vélo. En plein mois de Juillet, il va devoir partager sa chambre avec un inconnu aphasique à la suite d'un AVC. Comment échanger au delà des mots ? Ces deux là...