Le dernier couvercle de cuivre rejoint la batterie de casseroles.
Tout y est passé, de la plus petite à la plus grande.
Il s' attaque à la cuisinière à bois, la tire un peu pour accéder à l' arrière.
Gants roses sur les mains, il brique la cuisine, dans son moindre recoin, depuis six heures du matin.Mme Neuville en reste stupéfaite.
Flop, flop, flop….
Notre nuit à fait flop.
Après la petite fête organisée par mes amis ,nous nous sommes retrouvés seuls.Quelle joie de me poser chez moi, dans mes meubles.
Surtout avec une grande découverte: si je ne sais plus reconnaître les lettres, les notes sont toujours là.
J' ai joué de la main gauche et c'était déjà le bonheur.On a passé du temps sur la terrasse.
Il m'a installé dans le hamac, crise de fou rire…
Comment allonger une moitié d'hémiplégique dans un filet qui remu au moindre mouvement.Nous nous sommes bercés, l'un contre l' autre, dans le balancement paisible.
Douche ou pas douche ce soir? Pas douche.
L'infirmier m' accompagne aux toilettes.
Il était temps.
Je ne me vois pas du tout lui demander de l' aide pour ça.
Je finis en pyjama, bien confortable.Mme Neuville a laissé un plat au micro-onde.
Je me sens fatigué.
Trop de stimulation.On se cale dans le grand lit neuf.
Un film? Action? Pourquoi pas.
Je m'endors contre lui, dans son odeur.Comme d'habitude, depuis mon enfance, je me réveille à l' aube.
Juste avant le jour.
J' entends le froissement du drap.
Lui aussi.On regarde le ciel bleuir, rougir.
Il pose sa tête sur ma poitrine.
J' ai retrouvé beaucoup de sensations.
J' aime sentir son poids contre moi.
Je suis bien.J'entends sa respiration s' accélérer.
J'entends son désir surgir, dans son battement de cœur, un petit bruit de bouche, son souffle.
Sa main remonte ma veste de pyjama.
J' aime qu'il ait envie de moi.Avant de partir j' ai demandé à l'interne, il semblait à l'aise avec le sujet.
Pas de soucis, tout dépend de moi, de ce que je veux, de ce que je ressens, je pourrais avoir une difficulté avec l' érection.Je m' amuse à gratter ses quelques cheveux en couronne .
Je pouffe, il dit toujours qu'il a les tempes dégarnies.
Coquetterie bien masculine.Tu crois qu'on peut? J'ai tellement envie.
L'interne avait raison.
Je le sens dur contre moi.
Il n'est pas très adroit, pas très expérimenté.
Pas très exigeant non plus.
Tu ne bandes pas?
Non. Je repositionne sa main sur mon sexe. Elle ne sait pas trop quoi faire.
Pourtant, dans l'immobilité, sa chaleur me traverse, me grise un peu.J' aime tant le jeu en amour.
Peut être en souvenir de nos jeux d' adolescence, rapides, nous n' avions jamais eu plus d'une heure devant nous. Avec la hantise d'être surpris.Tu veux vraiment ?
Je veux vraiment.
Tu aimais tellement ça.
Il me prenait vite, sans douleurs, tartiné de vaseline.
De sous l' oreiller il sort du lubrifiant et un préservatif.
Je réclame sa bouche.
Les baisers restent étranges.
Avec ma demi bouche au trois quart anesthésié.
Tu veux toujours? Il me gave à encore et encore me demander mon accord.
On fait comment.
Il est empoté, incertain, hésitant.
Il finit par m' aider à pivoter sur le côté.
Il me prépare, il vient en moi.
Sa main se crispe sur ma hanche.
Je ne ressens rien.
Rien du tout.
Rien de rien.Je n' ai pas forcément besoin d'érection pour jouir. . Merci sainte prostate, découverte avec mon Danseur.
Sapristi, ma pensée part vers ailleurs, s'ennuie un peu.
Son souffle s'accélère dans mon cou.
Je fais quoi?
Semblant?
Je ne peux pas, je ne peux pas nous trahir ainsi.
Il arrive à ce point de non retour où l'éjaculation est inévitable.
Amour, amour, tu n' as pas de plaisir.
Je pousse un peu mon bassin en arrière pour l'inviter à retrouver son mouvement.
Il m'étreint fort, mord ma nuque.
Il s'effondre.
Je suis désolé, si désolé, pardonne moi, je suis si désolé.
Il va chercher un gant, une serviette.
Il me nettoie.
Il tire les draps, me borde au carré.
Je voudrais tant lui dire ce n'est pas grave, je suis bien, j' ai aimé ton désir,
Je suis désolé, je suis désolé.
J' entends les casseroles, les portes de placards claquent.
Je ne peux pas me lever , d'abord coincé dans ces draps trop serrés, puis le lit est trop bas, je n'ai nulle part où m'accrocher.Au bout d'un moment, je trouve la télécommande de la télé, je pousse le son à fond.
Il pointe son nez, inquiet.
Aide moi à me lever.
J' ai réussi à activer le mode parole de la tablette.
Tout contrits ,il me soutient sous les aisselles, boutonne ma chemise, m' accompagne aux toilettes.
Je claque la porte du bout de ma canne.
Et depuis, il astique.L'infirmier arrive, me fait ma piqûre d' anticoagulantp.
Allez on va à la douche.
Instant de flottement, la salle de bain est à l' étage.
Mme Neuville tient la solution.
Le bac à laver les légumes à côté du potager.
Il y a un tuyaux d' arrosage et de l' eau chaude.L'infirmier s'esclaffe, ce sera bien la première fois qu'il va laver un patient au jet d'eau dans un potager.
Fou rire .
Sauf l' air consterné de mon Homme.
Malgré son perfectionnisme, il n' a pas pensé à la salle de bain.Il ne nous accompagne pas.
On le découvre, juché sur l' escabeau, en train de faire les carreaux.
Mme Neuville se penche vers moi:
Il fait une crise d' angoisse? Oui.Julie arrive en milieu d'après-midi, désolée elle aussi, avec des dossiers à régler, des annulations à finaliser.
Elle m'a accompagne jusqu'au piano.
Elle masse mon bras.
Je lui montre merci, elle n'est pas obligé.Tu sais Philippe, je n'aurai jamais cru pouvoir rembourser ma dette.
Tu es un homme si autonome, si puissant.
Elle me remercie d' avoir choisi un centre de désintoxication qui n'utilise pas le dégoût comme thérapie, elle y a découvert l'empathie, la tolérance, l' art, le dessin, la méditation, les cercles de paroles, le non jugement, à commencer par ne pas se juger elle-même.
Dans l' été, elle a fait un stage d'art-thérapie. Un bon moment.
Elle aimerait peut être en faire un métier, s'occuper à son tour de drogués.
Il faudrait qu'elle se forme, dans une bonne école.
Je serais d' accord?
On devrait déniché une bonne remplaçante.
Mais on a le temps.Ému. Un de mes oiseaux va s'envoler loin du nid.
Elle soutient mon bras droit au dessus du clavier.
Il fait une crise d' angoisse ? Oui. Ah.Une voix du passé résonne dans ma tête. Votre main gauche, monsieur, votre main gauche peut être aussi adroite que la droite.
Merci, Père Antoine.
Il fait reluire la maison.Je l' accompagne au piano.
💐💐💐💐💐💐
Je me suis fait traiter de sadique par ma petite fille.
Pauvre Dandy, je lui fais encore des misères.
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T'es qui toi?
RomanceJean-Michel, jeune retraité sportif, se retrouve hospitalisé à la suite d'un accident de vélo. En plein mois de Juillet, il va devoir partager sa chambre avec un inconnu aphasique à la suite d'un AVC. Comment échanger au delà des mots ? Ces deux là...