Bien. Bien dans les bras l'un de l' autre.
On a pris une douche ensemble, je lui ai mis sa crème. On a fait les fous, encore. Il y a de la crème partout dans le lavabo, sur le miroir.
Je nettoie, un peu partout dans les pots, les palettes. Je les rince.
Par habitude, j' aligne tout.
Je reviens dans la chambre.
Par réflexe, je range les dictionnaires sur la table.Il explose.
Tu fais quoi là ?
Pris la main dans le sac.Euh…je range???
C'est pas possible ! Tu ranges où tu veux, mais pas mes livres.
Un chat bondit de sous les draps, me griffe le dos…
Je le jette à l' autre bout du lit.Parbleu, tu arrêtes cette guerre avec les chats, vas te chercher un chien!!!
Il va à la salle de bain.
Respire, bloque, expire …Sapristi de sapristi…
Tu as fait quoi avec mon maquillage ?
Ça ne se lave pas!!!! C'est foutu maintenant.
Il tient une palette , je reconnais que les poudres sont un peu ….bizarre….Il y avait de la crème….
Jean-Michel….
Je déteste quand il m'appelle comme ça….
Je bouscule le chat, je sors en trombe…
C'est ça, va te chercher un chien.Marie me suis des yeux, désolée.
Je charge mon VTT dans le coffre, direction le téléphérique.
La montée le long de la falaise m' apaise.
Je me sens toujours peiné en survolant la carrière de gravier qui grignote petit à petit la montagne.Je file dans les sentiers, je dois être vigilant, parfois je frôle le bord de la falaise dans le vrombissement des roues. Tout en bas, le lac scintille dans la fraîcheur du matin.
J' ai un petit inconfort sur ma selle.
La colère se dissout.S'ouvrir. M'ouvrir.
Pas seulement mon corps.
M'ouvrir à la vie. La recevoir, la prendre à plein coeur.Je vais m'excuser, il a raison, je n'ai pas à toucher ses affaires
J'ai plus agit par réflexe.
Pas comme d'habitude.L' air fouette mon visage, la terre se réchauffe, sent les arbres, l' herbe fraîche. Pas le désinfectant.
Je suis vivant.J' ai oublié mes galets.
Un drôle de bruit me stoppe.
Un gémissement.Je suis ulcéré.
Un jeune chien est attaché à un arbre avec une corde usée.
Devant lui une gamelle.
Hors de sa portée un sac de croquettes éventré.
Un renard occupé à le vider me montre les dents avant de s'enfuir.Pauvre petit, tu as faim.
Ils n' auraient pas pu te mettre les croquettes près de toi.
Il ne reste pas grand chose dans le sac.
Il grogne quand je me rapproche de sa gamelle .
Tout doux mon beau, je te donne à manger.
Il avale vite, en grognant de plaisir.
Je lui verse l' eau de ma gourde.
Il la lappe à grand bruit.
Je retire mon casque, je rapproche mon vélo.Ses grands poils sont emmêlés. Deux billes noires méfiantes suivent tous mes gestes.
J'essaye de le caresser.
Il claque des dents, mauvais.
Décidément, je n'ai pas de chance ce matin…
Ils veulent tous me mordre.Il couine quand je m'éloigne.
Je vais juste chercher un couteau dans ma trousse à outils pour couper la corde.
Je ne vais pas t' abandonner là.Depuis hier au soir, j' entends la cloche des jésuites.
Celle des exercices d' alarme.
J' ai loupé quelque chose de très important.Je m' assois sur un tronc d'arbre, face au lac.
Tu te rends compte, il me dit: Jean-Michel ,va te chercher un chien. Et te voilà.
Tu viendrais avec moi à la maison?
La grosse tête aux oreilles tombantes s'incline à droite, à gauche.
Une patte gratte ma cheville, suppliante.
Tu as encore faim.
Je lui donne une barre protéinée.
Il n' en fait qu'une bouchée.
Je lui montre mon sac vide.
Je n'ai plus rien, mon pauvre.
L' air désolé, il pose sa tête sur ses pattes avant.Je me sens si bien.
Ma tête est vide.
Plus de dialogue intérieur.
Ils sont partis, vraiment partis? Dis le Chien, tu crois qu'ils sont partis pour de bon? Que je ne les entendrais plus jamais.
Un couinement.
Merci de me le confirmer.
Nouveau couinement approbateur.Chien, je vais devoir m' habituer à ce silence.
Il m'approuve.
Je ne sais pas trop qui je suis.
Wafff…wafff…
Tu as raison, je vais me découvrir.
Wafff.
Les oreilles se dressent pour m' écouter.
La dernière fois que j'étais seul dans ma tête , j' avais 15 ans.
J'en ai 61....
Je l' ai retrouvé muet. Lui m' a reconnu , pas moi.
Wafff….waffff…waffff ….
Ça n'a pas dû être facile pour lui.
Waaaaffff….
On est bien d'accord.Quand il m' a appelé J'yM ….
La cloche sonne à toute voléeIl m' a appelé, Chien , il m' a appelé!!!!
Putain…je suis toujours en retard…
Même pour entendre…Je bondis sur mes pieds, je remets mon casque, je range la gamelle cabossé et le sac vide dans mon sac, j' attrape la corde.
Viens Chien. J' aime pas bien t'y laisser seul dans la montagne.
Je file à la gare du téléphérique.
Mon nouveau compagnon court en tirant la langue près de moi.
Je prend garde à ne pas l'étrangler.Mick, tu sais bien que le règlement interdit les chiens.
Je l' ai trouvé dans la montagne, ficelé à un arbre.
Pauvre bête, y en a qui mériterait qu'on leur fasse pareil.
Allez, montez, tu es tout seul. C'est bon.
Je ne suis pas tout seul.
J' ai mon Chien.Il ne veut pas monter dans la voiture, je parlemente.
Il menace de me mordre.Chien, je comprends bien, ils ont dû t' emmener en voiture là -haut.
Wafff…grrr….
Je te promets, je t'emmène dans une jolie maison où ils adoptent les chiens errants comme nous.
Wafff???
Juré, craché, si je mens je vais en enfer.
Wafff ????
Ouais, je connais bien l' enfer.
Wafff !!!!Tu sais là-bas, il y a des chats.
Waaafffff !!!!
Tu aimes les chats?
Wafff.En plus , ils ont plein de bons trucs à manger. Il doit y avoir au moins 3 sacs de croquettes.
Il fait trois tours sur lui, tente de sauter dans la voiture .
Je l' attrape au vol, je l'installe sur le siège.
Il n'a que la peau sur les os.Je suis sûr qu'il me sourit.
J' enclenche une vitesse.
On rentre vite à la maison.💐💐💐💐
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T'es qui toi?
RomanceJean-Michel, jeune retraité sportif, se retrouve hospitalisé à la suite d'un accident de vélo. En plein mois de Juillet, il va devoir partager sa chambre avec un inconnu aphasique à la suite d'un AVC. Comment échanger au delà des mots ? Ces deux là...