Je pile des deux mains dans la chambranle de la salle de soin.
Il a un nom , Philippe Marin.
Il a tenté de manger seul.
Je lui nettoie le visage, tendrement.
Je suis certain qu'il va avoir de la visite
Il n'aimerais pas être sale.Ma gorge se serre de plus en plus.
Il est là, il est là, devant moi, j' ai si honte, je ne l' ai pas reconnu.Je sors ses lunettes, son casque.
Les premières photos.
Je me sens si ému, si ému...
Je prends une inspiration profonde....
Mme Neuville entre, dans sa tenue de jardinage. De grandes bottes vertes, un tablier à bavette avec un sécateur dans une poche, de la ficelle et du raphia bleu dans l' autre.
Elle pose un sac de voyage bien rebondi.
Un iel l' accompagne.
Au moins presque deux mètres de haut, heu...un peu moins sans les plateformes de dix centimètres, bottines à boutons de cuirs et de tulle.
Tout en noir.
Slim qui lui fait un cul d'enfer, t-shirt soyeux, barbe noire, crâne rasé, l'eye liner dessine des yeux orientaux.Et argent.
Des yeux gris, des bagues tête de mort à tous les doigts, une chaînette fait un arc de cercle sur la cuisse droite, un corset souligne sa taille fine, ses pectoraux puissants. Lacé serré par une cordelette à l' arrière, maintenu à l' avant par cinq boucles de ceinture.
Iel lui met son casque, rejoint le pied du lit, malgré sa masse, il se déplace avec grâce jusqu'au pied du lit.
Où vient le rejoindre un ancien ouvrier en pantalon de travail bleu, impeccablement repassé, une chemise à carreaux grise et blanche, manches longues soigneusement boutonnées sous un veston assorti.
Une casquette plate, grise.
Une jolie femme, jupe courte, chemisier à froufrou pleure sur son épaule.
Quand je crois le défilé terminé, arrive ensemble un surprenant mec ordinaire, déjà vu je ne sais où et un jeune joueur de rugby, certainement un pilier.
J' appelle Nanny :au secours
Ils vont me le tuer avec leurs embrassades, leurs exclamationsJoshua? Je sursaute, je découvre Simon en pleine conversation avec un gamin détrempé, ratatiné à mes pieds.
Forcément , Nanny m' abandonne pour sauver ce chiot gémissant.Il est quand même bien fichu le Simon!!!!
Reine Mère, dans sa posture impériale, vide la chambre en quelques secondes.
Il me fait un peu peur, l'infirmière le fixe d'un air inquiet. Il est pâle, les lèvres livides.
Non, Mme, je ne partirai pas. Enfin, je le pense très fort. Histoire sans paroles.
Elle soupire ,tourne les talons.Je sors LA photo.
Presque comme celle de la clinique.
Nous sommes tous les deux, assis sur un banc , genou contre genou, les yeux dans les yeux.
Pour la discrétion , on a fait fort!!! C'était la photo de classe.
Il a enlevé les autres étudiants.Je la pose sur la table de nuit.
Je suis toujours incapable de prononcer un mot.
Tout ce que je pourrais dire serait si banal, si trivial .
Je crois comprendre ce sacré dont il me parlait dans la chapelle.
Je l'installe sur son côté préféré, j'ai besoin de me coller à lui, de tout mon long, je remonte la barrière dans mon dos. Je l' encercle dans mes bras
Pour la première fois de nos vies, sous le plaid rouge ,nous allons dormir ensemble.Un bruit discret , métallique, l'infirmière de nuit me réveille.
Bientôt il recevra ses soins, sa douche, ses rééducations.
Il serre ma main. Je blotti mon visage dans son cou, souffle doucement dans ses cheveux. Il glousse.J'essaye de me lever.
Bordel, j' ai oublié mon âge, après avoir dormi coincé contre une barrière, mon corps proteste.
J'ai des courbatures partout, des démangeaisons à l' entre -jambe.
Je couine, ça le fait rire .
Ses yeux pétillent.Mon Homme.
Ommmm.L' aide soignante, la larme à l'œil, me vire de la chambre.
Papounet, t'as pas vomi?
Petits cons...On est si contents pour toi, Hey! pleure pas, on t'a jamais vu pleurer.
C'est mieux qu'un bl coréen.
Tu vois pas qu'il pleure de joie.
Dis, tu crois que nous aussi on aura un grand amour?
Bien sûr, gros bêta, tu vois bien que nous aussi on peut être heureux.Je les aime mes gamins.
Dis, Papounet, tu le fais quand ton coming out ?
Petits cons....On s'observe, intimidés, nos 15 ans sont si loin. Et pourtant, nous sommes les mêmes.
Les papillons oranges se posent sur mon coeurUn dimanche nous étions partis en excursion, il écrivait avec mon stylo, assis sur un rocher, face à une ravine.
Une nuée de papillons oranges voletait autour de nous.Un téméraire était venu se poser au bout du stylo.
Il n'osait plus bouger, plus respirer.
Je t' aime.Voilà, je venais de lui dire je t' aime pour la première fois.
Le papillon a déménagé au bout de mon nez. Pendant que je louchais, j' ai entendu.
Je t'aime.Il venait de me dire je t' aime pour la première fois.
On se souvient , ensemble, sans mots.
Ce jour où on a fait l' amour pour la première fois, sur le plaid rouge, toutes nos premières fois.
Il avait découvert ce vieux pigeonnier dans ses pérégrinations solitaires, on devait avoir une dizaine d' années.
On y avait goûter de chocolat et de biscuits qu'il chipait à sa mère.
On se racontait nos rêves, je serai médecin , il serait écrivain.
Tu crois qu'on pourrait voler un jour?
Tu aimerais être astronaute?Tu sens, dans l' église, ce truc?
Quel truc?
Je ne sais pas, j' ai l'impression d'être très grand, mon cœur est immense. Surtout quand on est à côté l'un de l' autre.Dis? oui? On essaye comme Paul et Jacques ?
On avait baissé nos pantalons.
Je me souviens encore de la forme claire, presque imberbe entre ses cuisses.
Je peux toucher? Oui.
J' ai pris son sexe, ses testicules dans la paume de la main.
Si tendre. Je l' ai senti se redresser, durcir dans un mmmm... a peine audible. J' ai exploré le lisse de son gland, les replis de son prépuce.
Dans une explosion d' odeurs, d'humidité.
Sa main avait aussi explorée le mien.
Comme lui j' avais chanté mes premiers mmmm....
On est venu plus souvent au pigeonnier.
Un plaid rouge avait été abandonnée sur le banc , devant la porte, au soleil.
Tiens ,un loquet?
Déjà vu? Bof, pas fait attention.Tu crois que ça fait mal?
Je déteste le thermomètre.Tiens, j' ai piqué de la vaseline au frère Antoine.
J'ose pas trop, j' ai un peu peur.
Trouillard.Dans le livre, il disait qu'il fallait faire fort
Heu ....non....On a tâtonné, cherché. Là , tu trouves comment?
Je ne suis pas prêt.Et là ? Ton cul s'ouvre tout seul maintenant.
On y va?
Tu as envie?
Oui.Je crois que je voudrais essayer.
Quand?
Bientôt.Ouh là là, il fait déjà nuit!!!
Je vais me faire punir par le frère Antoine.Alors Monsieur, vous avez bien révisé votre cours de math avec Mme Marin?
Vous auriez dû me prévenir.
Je me suis inquiété.Je crois qu'on avait des anges - gardiens.
J' ai envie de reprendre notre exploration, nos découvertes interrompues il y a 45 ans.
Tu m' as reconnu quand?
Tout de suite???? Mmmmm
Aux urgence?Mmmmmm
Comment ????
Il pose sa main sur mon oeil droit, en suis le contour avec tendresse.Je l' entends me dire : j' aime la petite tâche plus claire dans ton oeil droit.
Je t' aime.
Mmmmmm....tttttmmmmmm....
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T'es qui toi?
RomanceJean-Michel, jeune retraité sportif, se retrouve hospitalisé à la suite d'un accident de vélo. En plein mois de Juillet, il va devoir partager sa chambre avec un inconnu aphasique à la suite d'un AVC. Comment échanger au delà des mots ? Ces deux là...