Au cœur de la montagne du Sud

49 4 0
                                    

« Qi Jiayi,

Que le temps m'a paru long jusqu'à ce que je reçoive de vos nouvelles par le plus heureux des événements. Les Vénérables Immortels interviennent si rarement que je n'espérais pas des négociations de votre part et je ne vous avais pas demandé cette faveur. Que je suis ravi de votre obstination et de vos initiatives. Lorsque vous rentrerez au palais, pour le Nouvel An, vous serez accueillie en sauveuse des Plaines Centrales, soyez-en assurée. Réfléchissez déjà à ce que vous désirez le plus. Je vous l'offrirai.

Ne réclamez pas quelque chose de trop extravagant, néanmoins. »

Pas besoin de signature avec le sceau impériale. Jiayi ne peut s'empêcher de rayonner à sa lecture, si bien que les autres disciples, assis tout autour d'elle dans la grotte qui leur sert de salle commune de leurs dortoirs, se regardent entre eux avec des mines confuses. Elle se lève d'un bond et trottine à l'étroite petite table qui occupe la fonction de bureau pour chacun d'eux. Elle attend qu'une fille termine d'écrire sa lettre, sûrement à ses parents, en trépignant d'un pied à l'autre avec impatience. Quand elle lui laisse la place, la jeune cultivatrice raille, à voix haute pour que leurs camarades profitent de sa plaisanterie :

— Pour qui sembles-tu aussi enthousiaste ? Cela fait plusieurs mois que tu t'es jointe aux disciples de Xiaolan et tu souris très peu... Jiayi shīmèi, se serait-elle trouvé un prétendant avant de venir ici ? Tu t'es à peine présentée ! En tant que Princesse de Heilong, tu dois bien avoir quelques garçons et Seigneurs sous tes charmes. Oh ! Se pourrait-il que notre Jiayi shīmèi soit fiancée ?

Les disciples masculins rechignent à cette idée et les filles gloussent. Jiayi fait mine de ricaner avec eux, avant de perdre son sourire et de décaler la cultivatrice pour s'asseoir au petit bureau.

— Je ne suis pas fiancée et je ne dispose d'aucun prétendant.

— À qui écris-tu, dans ce cas ? Laisse-moi voir.

La jeune femme, répondant au nom de Wen Hua, se penche au-dessus d'elle, alors que Jiayi débute sa lettre par de formelles salutations. En voyant à qui elle s'adresse, la disciple blêmit et se dégage rapidement, en regagnant ses occupations. Les autres insistent pour savoir et elle tente de les faire taire, le doigt collé à la bouche en signe autoritaire. La Princesse de Heilong aime leur rappeler qui elle est, de temps à autre, pour éviter qu'ils ne la taquinent trop et que Cheng Fen ne réagisse avec précipitation. Cela est déjà arrivé qu'il saute sur des cultivateurs familiers avec elle et qu'il les neutralise, selon son propre terme. Ce matin, il flâne quelque part avec Ning Ning dans la montagne.

 — J'écris à sa Majesté impériale, si vous tenez à savoir.

Résultat escompté, ils ne posent plus aucune question et elle peut rédiger sa lettre dans le calme absolu.

« Votre Majesté impériale,

Je me réjouis de vous lire. Ces semaines passées loin du palais, bien qu'elles soient nécessaires, se sont associées à une morosité constante. Au début, je dois l'admettre, je me languissais de vous et de nos sessions d'étude qui, vous le savez puisque vous avez étudié ici, étaient bien plus tolérantes et agréables que l'apprentissage à Xiaolan. À force de m'ennuyer jour après jour, j'ai décidé de jouer quelques tours aux Vénérables Immortels et si je ne me suis pas tout de suite rendu compte du poids de mes mots, il m'est apparu que ces Shīfu hésitaient sérieusement à s'immiscer dans les affaires mortelles avant que je ne titille cette envie pour de bon. Voyez-vous, ils aiment la vie et le monde, et ils souffraient en le voyant sombrer dans le chaos. Certains sont déjà partis pour les terres qui subissent le plus la sécheresse. Votre Empire se redressera en un rien de temps. Dans dix ans, vous régnerez sur une prospérité incontestée et incontestable.

D'Or et de NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant