Inutile de faire durer l'attente, inutile de tourner en rond dans le palais ou dans son pavillon, inutile d'esquiver une confrontation entre elle et l'Empereur. Jiayi n'a pas médité ces dernières heures. Elle n'a pas montré le moindre signe de vouloir éradiquer son énergie démoniaque pour le moment. Cela ne peut signifier qu'une chose, et Ning Ning en a parfaitement conscience malgré son jeune âge. Elle s'est évertuée à la dissuader, à l'implorer de quitter la capitale sur-le-champ et de ne pas se retourner, mais sa maîtresse a refusé. Étrangement, elle l'a remerciée, l'a enlacée et s'est avancée en direction de la salle du trône, passant devant un Cheng Fen impassible. Juste avant qu'elle n'y entre, il l'arrête.
— Dame Qi, je désapprouve ce que vous êtes et ce que vous avez fait, ce que vous pourrez faire dans un avenir proche, et je déteste que sa Majesté vous soutienne et estime que vous êtes encore en mesure de prendre les bonnes décisions, ce dont je ne vous pense pas capable. Mais, je dois tout de même vous remercier d'avoir pris soin de A-Ning. J'ai eu tellement peur pour elle, quand vos frères l'ont enlevée.
Il jette un regard plein de tendresse à la jeune servante, qui patiente plus loin, fixée sur sa maîtresse.
— Elle vous aime beaucoup, continue-t-il. Vous l'avez protégée, en dépit de votre attitude sans scrupules. Merci.
Jiayi ne s'en émeut pas, bien que la tension dans ses muscles, la contraction de sa mâchoire et la brume dans ses yeux indiquent le contraire.
— Dites-lui que vous l'adorez et que vous la chérirez longtemps. Un jour, épousez-la et avec votre argent, offrez-lui une maison décente où elle ne travaillera plus pour les autres, mais pour elle-même, pour son foyer et pour les gens qui comptent. À mon départ...
— Je ne me suis donc pas trompé. Vous n'envisagez pas une seconde de rester ici.
— Non. À mon départ, veillez à ce que l'Empereur ne la confie pas à un énième Seigneur de guerre. Ce qui va se produire l'attristera. Elle ne doit pas se retrouver seule ou à servir un homme grossier et ingrat.
— Je ne le permettrai pas... Devrais-je vous empêcher d'entrer dans cette salle, Dame Qi ?
— Sa Majesté a-t-il ordonné à ce que je n'entre pas ? rétorque-t-elle. Ce qui doit arriver arrivera.
— « Tuer un homme pour sauver le monde, ce n'est pas agir pour le bien du monde. S'immoler soi-même pour le bien du monde, voilà qui est bien agir. » Sa Majesté ne vous laissera pas repartir avec l'artefact, qu'importe combien il a pitié de vous. Renoncez-y. Je commanderai aux gardes d'ouvrir les portes de la capitale pour vous. Allez-vous-en avant de commettre l'erreur de trop.
Jiayi serre les poings. L'espace d'un battement de cils, elle hésite sincèrement à tourner les talons et à disparaître dans les profondeurs des Plaines Centrales. Mais, elle ne possède rien et n'a nulle part où se rendre. Dans cette salle du trône, elle obtiendra les réponses à tous ses points d'interrogation.
Cheng Fen n'est pas surpris qu'elle ne l'écoute pas et il pousse les battants, oubliant ses réticences pour suivre les ordres de l'Empereur. Il prie au fond de lui pour qu'elle lui fasse seulement ses adieux et qu'elle parte enfin. Jiayi s'élance avec une conviction plus ou moins feinte ; d'un côté, son objectif est clair et prédéterminé, elle veut l'Amulette ; d'un autre, elle n'est pas certaine de vouloir blesser Long Zhelan et tout son Empire dans son entreprise. Scindée en deux, elle s'approche de lui, l'homme au visage indifférent sur son siège doré. Elle s'incline, il n'ose pas la regarder. Il réfléchit à ses paroles.
— Souhaitez-vous toujours entendre mes confidences ou aurez-vous l'impression que je vous utilise pour me décharger de mes pressions ? scande-t-il.
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D'Or et de Noir
FantasyLong Zhelan devient l'Empereur des Royaumes des Plaines Centrales. Par son règne, il unifie les deux territoires rivaux, ainsi que toutes les tribus environnantes. Il est voué, par sa naissance et par ses nombreux pouvoirs, à entrer dans l'Histoire...