Un lancer de trois pièces suffit

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Dès qu'ils descendent de la calèche, l'Empereur tendant sa main à la Dame Qi pour l'aider, ils voient au loin un homme s'avancer d'un pas décidé. Si elle s'écarte quelque peu, consciente que le retour au palais signifie une perte totale du peu de liberté obtenue à la Secte Xiaolan, Long Zhelan, lui, a du mal à oublier ces quelques jours de paix loin de la capitale de Jinlong. Certes, il se souvient encore très bien de sa mésaventure pour voler l'Amulette de la Dévotion Solitaire, son adversaire cruel qui l'a laissé pour mort et qu'il n'a pas réussi à capturer. 

Cependant, il se remémore aussi à la perfection l'arrivée en fracas de Jiayi, alors qu'il se tenait au bord du trépas, sa magie sublime et impétueuse qui s'est propagée tout autour d'eux, qui s'est infiltrée en lui, pour lui sauver la vie. Il se rappelle de leurs petites confidences, de son sourire radieux sous le ciel blanc d'hiver, son rire enjoué et son espièglerie. Pour une fois, il avait l'impression d'exister pour lui-même, et non pour incarner le meneur charismatique et froid que son peuple connaît. Il a goûté au fruit défendu de la sérénité, de la tranquillité d'esprit et maintenant qu'il regagne les tourments de son règne, il en est déjà exténué. 

Il s'agit du Général Cang. À qui il a confié la communication entre Jinlong et Heilong, associé avec le Général Ye. S'il se précipite sur lui dès son retour, cela indique forcément une excellente ou une terrible nouvelle. De son air habituellement renfrogné, Long Zhelan ne peut déterminer auquel des deux il se confronte. Jiayi patiente un instant que l'homme se stoppe net, s'incline, et qu'ils se saluent. Un bref compte rendu vague plus tard, il hésite à s'exprimer davantage et l'Empereur s'en agace.

— Eh bien ? Tu semblais tellement pressé de me faire ton rapport. Qu'y a-t-il de plus ?

Le Général Cang bouge d'un pied à l'autre, mal à l'aise, et il glisse une œillade méfiante vers Jiayi qui s'en surprend, et qui se place un peu plus en retrait. Long Zhelan intercepte chaque mouvement, le front plissé, et réclame des explications. 

— C'est que, votre Majesté, je préférerais en discuter au calme.

— Non, tu me le rapporterais tout de suite si un détail ne te déplaisait pas. Serait-ce Dame Qi qui te perturbe ? Elle est initiée à la plupart des tactiques du palais. Quelle information voudrais-tu lui cacher ? Laisse-moi deviner. Cela concerne les frères Qi. Qu'est-ce que ses diables ont fait ? Nous causent-ils toujours autant d'ennuis ?

— Sa Majesté est perspicace. En effet, les frères Qi nous posent problème, mais pas pour la raison que vous imagineriez. Ils ont disparu. Tout bonnement volatilisés ! Depuis votre départ pour Xiaolan et leur dernier assaut sur le marché de la capitale de Heilong, ils n'ont plus rien tenté. Puisqu'ils n'ont fait aucune apparition, nous n'avons pas repéré la moindre trace d'eux et la traque a ralenti. Nos hommes, dans tout l'Empire, retournent le territoire entier à leur recherche, en vain. 

— C'est pour cela que tu m'as envoyé cette lettre en toute hâte, pour que je reçoive des renforts à Xiaolan ?

— Oui, votre Majesté. Nous redoutions qu'ils aient eu vent de votre absence et qu'ils en profitent pour vous attaquer en chemin. 

Le Général a l'air soudain irrité par un souvenir récent. Jiayi en déduit que l'Empereur a refusé ces renforts, puisque ceux-ci ne sont jamais venus à Xiaolan ou sur leur route, ce qui a contrarié les projets de Cang, inquiet quant à la sécurité de sa Majesté. Long Zhelan est un homme fier. Il a sûrement décrété être en mesure de se protéger seul, avec sa garde rapprochée actuelle. 

— J'ai également réarrangé la défense du palais et de la capitale au cas où ils décideraient d'attaquer les alentours. Avec les marécages gelés, l'accès est moins restreint. Je vous montrerai les positionnements de l'armée et des gardes. 

D'Or et de NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant