Comme elle l'a promis, Qi Jiayi est agenouillée, non pas sur les marches du palais de feu son père, mais sur la tour, bien en hauteur et exposée à la vue de tous. Long Zhelan a bien insisté pour que le peuple de Heilong se rassemble dans la cour intérieure, sûrement pour humilier sa famille et elle-même après leur défaite écrasante. Cela ne la gêne pas. Après tout, ils ont perdu. Le Dragon Noir n'existe plus. Et elle, elle a juré fidélité à un autre Roi. Elle compte s'y tenir. Ses gens, blessés pour certains, pitoyables pour les autres, attendent la sentence de l'ennemi victorieux.
Long Zhelan s'est paré de sa plus belle armure, pas celle qu'il utilise pour se battre, mais sa tenue officielle de militaire, celle dans laquelle il parade, les cheveux cascadant de son casque doré, une tenue plus scintillante que le soleil. Il est debout, à côté d'une Qi Jiayi encadrée par des gardes qui ne la menacent pas. Il s'agit plutôt d'une précaution, au cas où elle inciterait à un soulèvement, mais le Dragon d'Or n'y croit pas. L'armée de Heilong a été vaincue, ils ont été temporairement emprisonnés, jusqu'à ce qu'il décide quoi faire des insurgés. Les tuer ? Ou les bannir des Plaines Centrales ? Il l'ignore encore. Ne reste que le peuple, pauvre et misérable, presque anéanti par la guerre et quand il les regarde, son cœur se pince d'un sentiment étrange. Il voit ses propres gens à leur place et il serait enragé de constater leurs souffrances. Désormais, ils lui appartiennent tous et il prendra soin d'eux. Autant qu'il le pourra.
Si Jiayi a retenu un fait indubitable sur le Dragon d'Or, c'est qu'il gouverne bien et avec bonté. En fait, peut-être que son peuple vivra mieux sous son règne à lui. Surtout que la guerre est terminée et qu'ils pourront se relever tous ensemble. Voilà pourquoi elle n'a pas sourcillé une seconde en prononçant le monologue dicté par l'Empereur, auquel elle a rajouté ses inspirations. Long Zhelan remarque bien qu'elle ne dit pas mot à mot le discours écrit par les soins de son Haut Ministre, mais il ne s'en formalise pas. Au final, elle l'aide dans son entreprise de paix, quoi qu'elle leur raconte, puisqu'elle prend un malin plaisir à détruire la réputation de l'ancien Roi, son père.
— N'ayez plus peur du lendemain, peuple de Heilong. Laissez ces temps de tourmentes et de chagrins derrière vous, car la guerre n'est plus. Le Dragon d'Or, Long Zhelan, vous a libérés du tyran qui volait vos richesses et pillait vos terres. Le Roi de Heilong a échoué à vous protéger. Il ne méritait pas son titre de Dragon Noir et les Cieux se sont vengés de son oisiveté ! Dès lors qu'il a pris note du triste tournant que prenait la bataille pour lui, et pour lui seulement, il n'a pas hésité à se détourner de vous, de son peuple, de son royaume, pour fuir à la Baie des Vagues Silencieuses. Il a péri dans sa fuite et vous voici consolés de sa lâcheté. À présent, faites confiance au Dragon d'Or. Lui sait ce qui est bon pour vous. Il nous guidera vers la reconstruction. Heilong et Jinlong unifiés, plus personne n'osera s'attaquer à nos territoires. Une ère de paix s'annonce, sans plus de batailles et de misère, plus de pertes et plus de deuil. Malgré mon amour pour mon père et malgré mes nombreuses supplications pour qu'il reste et se batte pour vous, je n'ai rien pu faire pour l'arrêter et le sauver de sa couardise. Moi qui suis si filiale, moi, Qi Jiayi, pitoyable Jeune Demoiselle de Heilong, la désespérée Princesse du Dragon Noir, moi, je paierai seule pour les crimes de mon père ! Alors, je vous implore de me pardonner et que les Cieux m'en soient témoins, je vous garantis la prospérité sous le pouvoir du Dragon d'Or. Dans l'instant et que Caishenye écoute mes mots ! Je promets de servir Long Zhelan pour lui payer la dette de mon père. Que son règne ne connaisse pas d'ombre, ni d'adversité et qu'il demeure incontesté pour des décennies. Longue vie à l'Empereur !
Puis, elle se courbe trois fois d'affilée, son front cognant presque contre la pierre dure de la tour du palais. Quand elle se redresse, elle a la satisfaction de distinguer le regard félin de Long Zhelan, braqué sur elle et ravi de sa performance. Tandis que le peuple répète ses paroles, déboussolé et désireux de se rattacher à n'importe qui capable de les sortir de la ruine, elle lui adresse un sourire en coin qui se veut complice. Il n'y répond pas. Elle lui donne envie de la contempler sans répit, de se noyer dans son regard plein de malice et de manipulation, dans l'unique but de percer à jour tous ses secrets, mais il ne déroge pas à son attitude stoïque, forte et ferme.
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D'Or et de Noir
FantezieLong Zhelan devient l'Empereur des Royaumes des Plaines Centrales. Par son règne, il unifie les deux territoires rivaux, ainsi que toutes les tribus environnantes. Il est voué, par sa naissance et par ses nombreux pouvoirs, à entrer dans l'Histoire...