D'Or et de Noir

Naviguant dans le brouillard

Jiayi se réveille dans un environnement qu'elle ne reconnaît pas tout de suite, la faute à sa vision floue et à sa migraine fulgurante. Elle essaie de se redresser, mais son corps la tire en arrière. Il lui faut au moins une minute pour s'apercevoir que, hormis la lourdeur de ses membres, elle est aussi attachée par des fers à son poignet droit. En suivant la chaîne, elle découvre un lit confortable sur lequel elle est allongée, les draps la couvrant des pieds au cou. Elle en déduit qu'elle est considérée comme une menace, une prisonnière, mais qu'elle est bien traitée. Il est évident que Jiacheng ne s'est pas enfui avec elle, ainsi qu'il l'envisageait, et que l'Empereur les a ramenés à la capitale. Elle se recouche un long moment, n'étant pas décidée quant à ce qu'elle compte faire à partir de maintenant. Elle convoite toujours l'Amulette, mais celle-ci est hors de sa portée et elle ignore comment fusionner avec. 

Réfléchissant à son avenir incertain, elle s'aperçoit assez tard qu'une autre personne se trouve dans la pièce. Dès que sa vision redevient normale, elle laisse courir ses yeux sur les meubles et les estampes qu'elle identifie sans peine. La voilà de retour au pavillon des orchidées. Le soleil brille haut dans le ciel, et ses rayons chauds s'infiltrent dans sa chambre. L'hiver est doux. Les préparatifs pour le Nouvel An se rapprochent à grands pas. Moins d'une semaine. Dans un coin, assis sur la chaise où Ning Ning la prépare d'habitude, se tient son Shīfu, digne et impassible. Pour la première fois de sa vie, Jiayi n'ose pas affronter quelqu'un. Elle se détourne et roule sur le côté, dos à lui. Elle perçoit un léger son amusé de sa part. Comme à une enfant, il s'avance et prend place sur le bord du lit, posant une main délicate sur son épaule. 

— Je suis content que vous vous réveilliez en étant vous-même. Long Zhelan s'inquiétait que l'accumulation de votre énergie démoniaque ne vous ait trop impacté et qu'il n'y est plus de retour possible pour vous. 

— Qui vous dit que je suis moi ?

Sa voix faible ne trompe pas l'immortel. Elle n'est ni renfrognée, ni ne refuse de lui parler. C'est la honte qui la pousse à se cacher sous ses draps. 

— Parfois, pendant toute votre période d'entraînement à Xiaolan, j'avais l'impression d'admirer une jeune fille insouciante et innocente qui s'égayait à faire des promenades dans les bois, qui partageait ses connaissances avec les plus faibles, qui riait avec ses frères et sœurs martiaux... Et puis, parfois, vous me rappeliez à quel point vous êtes vicieuse et calculatrice. 

— Je vous ai déçu ?

— Pas vraiment, non. J'étais curieux de savoir la raison d'une telle motivation. Vous n'étiez pas au courant pour l'enchantement de protection mortelle de l'Amulette. Pourtant, vous avez foncé tête baissée et vous êtes revenue sauve. J'ai pensé, qu'avec une détermination pareille, vous étiez susceptible de vaincre cet enchantement. C'est ce qu'il s'est produit. Heureusement. Sinon, j'aurais été très peinée de perdre une disciple aussi talentueuse. Vous avez même réussi à vous emparer de l'artefact et vous l'auriez rapporté avec vous, si Long Zhelan n'était pas intervenu contre vous, ce jour-là. J'ai été très impressionné de l'apprendre. Vous vous êtes battue avec lui, un praticien de la guerre, et vous avez gagné. C'est dommage que le nombre ait joué en votre défaveur. 

— Donc, vous ne m'en voulez pas d'avoir menti et trahi votre confiance ? Vous saviez dès le début, comme l'a prétendu Pang Yun ?

Il lâche un ricanement à la mention de l'expert en divination.

— Vous avez rencontré Pang Yun... Long Zhelan m'a brièvement raconté vos mésaventures, il n'est pas entré dans les détails. Cela ne m'étonne pas que ce Xiansheng se soit immiscé dans cette fâcheuse affaire. Il a tendance à se montrer trop curieux pour son propre bien. Un jour, il se retrouvera dans une difficulté de laquelle il n'en ressortira pas indemne...