Les épreuves se poursuivent

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Le lendemain matin, Qi Jiayi se lève à l'aube et appelle Ning Ning à ses côtés. Celle-ci l'apprête en quelques minutes, un record sûrement, et la conduit aux cuisines du palais. La Princesse de Heilong a opté pour la tenue la plus simple de tous les ensembles prêtés par Zhang Xinyi, le temps que des habits à sa taille ne lui soient achetés. Des couleurs fades, sans fioriture. Sa servante s'est questionnée sur ce choix, puisqu'elle doit ensuite déjeuner avec l'Impératrice douairière et elle n'aura probablement pas le temps de se changer. 

À son arrivée dans le pavillon réservé aux cuisines, ce choix mûrement réfléchi au cours de la nuit lui vaut des regards surpris de la part des domestiques. Ils s'inclinent, tout en la détaillant avec soin, ne s'attendant pas à la rencontrer ainsi – sans bijou, sans ornement, un simple chignon sans boucle. Ils ont l'air à la fois décontenancés et admiratifs. Cette Dame du royaume ennemi ne cherche pas à briller ou à s'imposer ; au contraire, elle accepte son nouveau rang au sein de ce palais et sourit malgré tout. Voilà ce qu'ils se disent. Ils l'accueillent tout de même avec un respect digne d'une Princesse et elle leur assure immédiatement qu'ils peuvent abandonner le protocole avec elle. 

Ning Ning voit bien ce que sa maîtresse est en train d'accomplir et elle n'en revient pas. Ces serviteurs sont pourtant si compliqués à satisfaire ; ils critiquent la moindre personne dans ce palais et sont devenus peu à peu amers, au plus Zhang Xinyi renvoyait leurs plats. Jiayi a réussi, rien qu'en jouant sur les apparences et sur une simplicité feinte, à les attirer sous ses charmes. La jeune servante en reste estomaquée sur le pas de la porte, les regardant se pousser les uns les autres pour lui faire de la place.

— Aujourd'hui, l'Impératrice douairière Zhang m'a demandé de lui préparer son déjeuner. 

— Bon courage, marmonne une petite servante.

Elle se prend une gifle sur le bras et baisse la tête. Jiayi réprime un gloussement narquois.

— Oui, j'ai cru comprendre que ses goûts sont très précis et difficiles à contenter. Je ferai de mon mieux. Ah, et il ne faut pas m'avertir de ses préférences. 

— Mais... Dame Qi, elle porte une grande importance à ses repas et déteste que l'un d'eux soit gâché par quelque chose qu'elle n'aime pas. Elle peut se montrer...virulente, dans ces cas-là.

— Tant pis, je prends le risque. 

Les domestiques hésitent à bafouer son interdiction, mais la respectent finalement. Jiayi lorgne un moment sur les différents ingrédients réunis et commence à composer les plats. Bien sûr, elle prépare du riz et l'agrémente d'épices pour le parfumer. Ensuite, elle fait sauter des nouilles dans une sauce qui lui donnera chaud. Elle parie que cette femme préfère l'épicé aux saveurs douces. Une intuition qui lui provient sûrement du caractère de Zhang Xinyi. En parallèle, elle coupe des légumes et les fait cuire en les assaisonnant, puis elle verse des rondelles de concombre pour une touche de fraîcheur. Pour la viande, elle se tient devant du porc, du bœuf et du poulet, et elle médite longuement. 

Derrière elle, les domestiques s'agitent. Elle en déduit que sa décision altérera le résultat de son épreuve. Au final, elle opte pour une spécialité de Heilong. Elle saisit le poulet et des gémissements retentissent alors. Donc, il s'agit d'un aliment qui la répugne. Parfait. Elle prend le pari. Jiayi le hache en fins morceaux, le broie tant bien que mal et le submerge d'herbes et d'épices, tout en ajoutant quelques dés de légumes. Elle forme des boules et les cuit. Pour les accompagner, elle assemble tous les condiments pour confectionner une sauce délicieuse et elle contient son envie de goûter. 

Apprécie-t-elle les desserts ? Elle a pris suffisamment de risque avec le poulet et s'en tient à découper des fruits juteux, laissant de côté des sucreries trop audacieuses. Elle sélectionne elle-même le vin parmi toutes les cruches. Les domestiques arborent des mines dépitées, mais elle est confiante. De toute façon, Zhang Xinyi peut-elle l'éjecter du palais, ou au moins, du pavillon des orchidées, uniquement parce qu'elle s'est trompée dans ses préférences culinaires ? Peut-être bien. Elle ne sait pas trop. 

D'Or et de NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant