D'Or et de Noir

La mort signifie délivrance

Les hennissements se rapprochent de plus en plus. Jiamin arrache la flèche de son ventre, tout en pressant la blessure qui paraît douloureuse à la crispation de son visage. Peut-être empoisonnée. Inutile de fuir. Les archers sont positionnés et les cavaliers arrivent dans les dix secondes. Jiayi n'est pas surprise de voir Pang Yun s'écarter. Les hommes de l'Empereur les encerclent très vite, si bien que Jiaxang ne sait pas comment réagir et la tirer de droite à gauche, ne voulant pas relâcher sa prise sur ses cheveux. En même temps, il raffermit sa poigne sur son épée, et même Jiacheng est sur la défensive, prêt à en découdre. 

Jiayi soupire lourdement. Entre ses cheveux que son frère est décidés à arracher, le fait que l'Empereur les ait retrouvés et le désordre ambiant, elle non plus ne sait pas quoi penser de tout cela. Elle jette un regard interrogatoire à Pang Yun et il lui renvoie un clin d'œil amusé. De toute évidence, voilà le grand événement de ce matin, celui qu'il a déclenché avec son coup de pouce afin d'aider Jiacheng à se sauver d'une catastrophe et dans lequel elle joue un rôle crucial. Il aurait pu la prévenir que cela impliquerait les soldats impériaux, de la sorte elle aurait trouvé un moyen de décamper coûte que coûte. 

Les cavaliers les cernent, lances en main et pointées droit sur leurs têtes. Les montures des frères Qi leur sont enlevées. Les archers se postent contre les troncs, arcs bandés, flèches en place. Si Jiacheng fait preuve de réserve et préfère jauger la situation, les deux autres frappent le fer des soldats avec l'acier de leurs épées, et le poing de Jiaxang refuse encore de la libérer, et Jiayi doit littéralement le suivre dans chacun de ses mouvements. La frustration grimpe en elle, à deux doigts d'exploser, et sa peau chauffe. Il faut qu'elle se calme à tout prix, avant qu'un drame ne se produise. 

Malheureusement, ses peines ne s'arrêtent pas là. Car voilà que trois autres cavaliers s'avancent au milieu d'une haie créée par les soldats. L'Empereur s'est déplacé en personne, tout d'armure vêtu, scintillant d'un doré pur, son fidèle garde Cheng Fen à sa gauche et son Général Cang à sa droite. Quand leurs yeux s'accrochent, les lèvres de Long Zhelan s'étirent en un rictus mauvais. Il semble particulièrement satisfait à l'idée d'avoir rempli sa promesse de la retrouver. Jiayi fulmine, le crâne en feu à la main de son frère et la peau brûlée par l'énergie démoniaque qui ne cesse de gronder en elle. La jeune femme s'évertue à ravaler toutes ces émotions négatives, mais cet air narquois la rend hors d'elle.

— Sur ordre de sa Majesté impériale, abandonnez vos armes ou abandonnez la vie, décrète le Général Cang. Vous serez conduits à la capitale où vous serez jugés pour haute trahison envers l'Empire et tentatives de coups d'état. Si vous implorez la miséricorde de sa Majesté impériale, peut-être que votre jugement sera clément. 

Pour toute réponse, Jiaxang crache au sabot de son cheval. En revanche, l'un de ses frères hésite. Elle se doute que Jiacheng ait été entraîné dans cette histoire et qu'il n'était pas forcément enclin à trahir l'Empereur. Les deux autres l'ont sûrement convaincu après de nombreux débats interminables. Et puis, elle connaît bien son aîné. Ils l'ont tiré de la résidence à Heilong, il a dû paniquer à la pensée de revenir auprès de Long Zhelan ou du Général Ye ; ils ont dû lui répéter que Jinlong le tuerait pour avoir déserté et perdu dans ses incertitudes et ses convictions ébranlées, il leur a permis de le manipuler. Elle n'oublie pas que sa famille lui a tout appris en matière de fourberie et de mensonge. 

— Vous savez ce que nous lui répondons à sa Majesté ? 

Le ton insolent de Jiaxang ne laisse aucun doute sur les insultes qui menacent de s'extirper de sa bouche répugnante. Les cavaliers pressent leurs lances dans les dos de ses frères ; pourtant, ils n'abaissent pas leurs armes et se préparent à se battre. Jiacheng pivote légèrement vers Pang Yun, confus et déboussolé. À qui donner sa loyauté ? À son royaume, au Dragon Noir et à sa famille ? Ou doit-il respecter son serment à l'Empereur et vivre une vie tranquille ? Lorsque Jiamin l'a délivré de la résidence Qi, pavillon détaché du reste du palais de son père, il a d'abord cherché à le convaincre de se plier à Long Zhelan, de se ranger pour le bien de tous, mais il a naïvement écouté les paroles enjôleuses de son cadet.