21. Plum

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ELYO

Je crois que j'avais trop bu. Bien trop bu. Surtout pour en être arrivée à me retrouver pratiquement collée à Jess, ses mains posées sur mes hanches, les miennes passées autour de son cou, nos visages assez proches pour que je sente son souffle alcoolisé se mélanger au mien. Je dansais sous son regard brûlant lorsque ma tête commença doucement à me tourner et, bien que je sache pertinemment que l'alcool en était la cause, je ne pouvais m'empêcher de penser à autre chose.

Peut-être que j'allais bientôt m'écrouler ? Et si j'avais une tumeur ? Ou n'importe quelle autre chose d'ordre cérébral ? Une maladie grave qui se repérait aux symptômes que je développais et me mènerait doucement à la mort sans que je ne puisse rien faire pour l'en empêcher ? C'était possible, non ?

Mes mouvements se firent de plus en plus lents jusqu'à venir s'arrêter complètement, contrôlés par mes pensées paniquées. Les yeux perdus dans le vide, je ne remarquai même pas Jess qui essayait vainement de capter mon attention, s'étant rendu compte que quelque chose n'allait pas. 

L'alcool décuplait mes ressentis, diminuant ma capacité - déjà très limitée - à porter un regard objectif sur la situation, et laissa ma respiration se saccader. Je paniquais, certaine que j'allais bientôt finir par m'évanouir.

J'allais étouffer ici et mourir.

J'allais mourir.

Je vais mourir.

Désormais, ce n'était plus seulement ma tête mais la salle entière qui tournait. Mes mains devenaient peu à peu moites alors que je sentais mon ventre commencer à se tordre sous mes angoisses persistantes, mes doigts à trembler, mes yeux à me piquer. Dans ma panique, les bruits m'apparaissaient lointains et étouffés, comme si mon anxiété était une bulle dans laquelle je venais de m'enfermer, coupée du monde, seulement exposée à mes problèmes. 

Je sorti de ma transe lorsque Jess me prit par les épaules et me secoua. Le retour à la réalité fut pareil à une explosion. Je remarquai à nouveau les lumières aveuglantes, les odeurs d'alcool et de drogues, la fumée, les cris et toutes les sensations qui s'étaient presque effacées durant mon « absence ».

C'était beaucoup trop fort. Ça m'agressait.

J'avais encore la tête qui tournait.

J'allais encore mourir.

Je vais mourir.

Cette dernière idée se mit à tourner sans interruption dans mon esprit, comme un disque rayé répétant la même phrase en boucle. Mon cerveau devait certainement être pareil. Cassé. Rayé.

Défectueux.

Pour stresser autant, c'était sûr qu'il devait y avoir un problème. Et pour y échapper, je fis ce que je savais faire de mieux : fuir. Comme si quitter cette salle était la solution pour que tout s'arrange. Que tout disparaisse. Mes sensations comme mes pensées.

Me faufilant donc entre les danseurs grâce à ma petite taille, je réussis à atteindre une porte débouchant sur un couloir et me laissa m'écrouler sur son sol froid au carrelage noir et blanc dès le moment où l'entrée se referma derrière moi.

Si j'avais fait ça devant tout le monde, j'aurais eu l'air faible, non ?

Mes pieds poussèrent sur le sol pour faire reculer mon corps jusqu'à ce qu'il cogne contre un mur. J'étais entrée à l'intérieur d'un placard dont la porte avait été maintenue ouverte par le manche d'un balais que je venais de heurter dans ma démarche pathétique, laissant le battant retomber pour m'enfermer. Des larmes se mirent à couler le long de mes joues, se perdant dans mes boucles noires.

CARELESS WITH MEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant