25. Réparation provisoire

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ELYO

- Et je te promets que je ne ferai rien. Ce serait d'ailleurs franchement avantageux si tu acceptais qu'on se sépare. On pourrait s'occuper de ce gars sans risquer de se faire remarquer et passer par l'escalier extérieur pour l'intercepter avant même qu'il ne rentre à l'intérieur du club. Si tu me suis, on-

- D'accord, le coupai-je dans son monologue qui commençait à sérieusement tourner en rond.

Jess écarquilla exagérément ses paupières et je le considérai, blasée, étouffant un soupir.

- C'est pas à toi que j'ai promis d'apprendre à contrôler ma méfiance ? Arrêtes d'avoir l'air surpris.

Bizarrement - et à juste titre -, il ne semblait franchement pas convaincu.

- Alors on fait ce que j'ai dit ? avança-t-il, lentement, suspicieux.

Un franc éclat de rire me secoua à la suite de ses mots, le laissant se murer dans une totale incompréhension.

- En vérité, je n'ai rien écouté. Mais tu as l'air si motivé à l'idée de travailler que je vais te donner le plaisir de mettre tes manigances à exécution pendant que je bois un verre.

Ma précision terminée, je plantais son corps paralysé de surprise au milieu de la foule pour venir me diriger vers le bar, y commandant de l'alcool tout en laissant mes doigts pianoter sur le comptoir, les yeux rivés sur les écrans qui s'étendaient en face de moi. Lorsque ma commande arriva, mes ongles se mirent cette fois à frapper contre le verre, accompagnant le bruit assourdissant du club d'un tintement discret qui s'étendait au rythme de mes angoisses.

Le liquide transparent se retrouvait alors secoué par mes coups et l'unique glaçon à l'intérieur ballotté comme un radeau perdu en plein milieu d'une tempête.

Actuellement, j'avais la forte impression d'être cette embarcation, me sentant moi aussi prise au piège de l'ouragan que s'amusait à créer mon esprit. 

Me décidant finalement à boire quelques gorgées, je portais le verre à mes lèvres. Ce mouvement ne pu cependant détourner mon attention des retranscriptions vidéos qui s'étendaient sous mes yeux.

Parce que je suis incapable de faire autrement.

Tout à l'heure, devant Jess, j'avais fais mine d'être à l'aise et détendue, voire complètement nonchalante. Pourtant, je me révélais être franchement nulle lorsqu'il s'agissait de gérer ce qu'il me demandait. Désormais, le temps semblait s'écouler au ralenti, angoissant au point de me faire commander de nouveaux verres que je m'enfilais en laissant mon genou tressauter.

- T'es sérieuse, Elyo, vraiment ?

Et, à l'entente de ce soupir exaspéré, ma panique pu enfin s'arrêter.

- Il y a des putains de caméras ! Partout ! s'indigna Jess en désignant les écrans qui diffusaient les vidéos de surveillance que j'avais utilisées pour le garder à l'œil durant les vingt dernières minutes. 

Je lui répondis dans un souffle, le laissant s'installer à mes côtés :

- Si tu avais trahis, contrairement aux autres fois, tu aurais pu t'enfuir.

Peut-être que cette simple idée de distance lui paraissait insignifiante, mais pour moi, elle constituait un acte inimaginable, dangereux, risqué, et avant tout extrêmement traumatisant. Pour quelle raison ? Parce qu'elle me forçait à admettre le fait que Jess commençait à se frayer un chemin dans mon cerveau, réussissant peu à peu l'exploit de parvenir à détraquer une chose qui était progressivement devenue mon principe le plus solide : plus de confiance, exclusivement de la méfiance.

CARELESS WITH MEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant