14. Sous surveillance

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ELYO

Je regardais l'assiette posée en face de moi d'un œil méfiant, comme pour surveiller que le tas de spaghettis ne prenne pas soudain vie et vienne s'enrouler autour de moi jusqu'à m'étouffer. D'habitude, j'avais assez d'appétit. 

Alors pourquoi je n'avais pas faim aujourd'hui ? J'étais malade ? C'était grave ? J'allais-

Mes ongles s'enfoncèrent dans ma peau pour couper ma réflexion. Surtout celle-là, qui revenait si souvent dans mes pensées que c'en devenait étouffant.

« Je vais mourir. »

Malgré les nombreuses fois où je l'avais pensé, ça n'était encore jamais arrivé. C'était d'ailleurs risible d'y croire pour ce genre de choses futiles. Un soupir quitta mes lèvres, je me laissais trop facilement envelopper par mes pensées angoissées. 

Pour y remédier, j'enroulai une poignée de pâtes autour de ma fourchette, déglutis en l'amenant à ma bouche, et me forçai à l'avaler. Ça me donnait envie de vomir. Et par conséquent-

Ta gueule.

Vomir et mourir ça rimait t'as tout cassé.

Dans ma tête, vomir était synonyme de mort - comme pratiquement tous les problèmes de santé existant sur Terre. C'était une des choses qui m'angoissait le plus, et surtout le plus rapidement. Je détestais ça, mais malheureusement, ce sentiment venait m'habiter très fréquemment.

Personne n'aimait vomir, bien sûr, mais j'étais définitivement émétophobe.

Ne parvenant finalement pas à manger, je me levai pour débarrasser mon assiette, priant pour que cette sensation de mal-être disparaisse rapidement. Habituellement quand je ne me sentais pas bien, je me couchais, fuyant, implorant pour que je ne ressente plus rien de bizarre à mon réveil. 

Et généralement, ça marchait : lorsque j'émergeais, j'étais tranquille. Tout du moins jusqu'à ce que je me rappelle de mon ancien état et recommence à stresser, même si je me sentais parfaitement bien une seconde avant.

Mais cette fois, je ne pouvais pas me poser en attendant tranquillement que ça passe. Pour essayer de me changer les idées, je décidai donc de mettre de la musique, laissant mon téléphone se connecter aux enceintes bluetooth après avoir lancé l'une de mes playlists favorites, me détournant vers ma chambre en fredonnant l'air de la première chanson. 

Ayant été blessée lors de l'intervention sur les hangars de Perry - j'avais encore mal mais guérissais doucement et sans douleur grâce à la crème que Navalia m'avait conseillée -, on m'envoyait aujourd'hui remplacer une équipe de surveillance.

Easy.

Il me fallait donc adopter un style neutre auquel les gens n'accorderaient aucun regard appuyé. Je sortis un jean et un tee-shirt blanc de mon placard, me dépêchant de les enfiler. Passant ensuite devant mon miroir, je soufflai avant d'arranger rapidement mes cheveux.

J'avais une tête horrible aujourd'hui, non ?

Je ferais mieux de mettre de l'anticerne ? Du maquillage ?

Ces habits ne faisaient pas trop ressortir mes hanches creuses ?

Mon regard parcouru rapidement mon reflet, déçu, dégoûté. Je n'aimais vraiment pas mon corps et tout ce qui le composait. Mes hip-dips étaient un de mes plus gros complexes. Avec mon ventre, mon nez, ma silhouette trop droite et sans forme, mes poils.. Bref, à peu près tout.

Pourquoi je ne ressemblais pas à toutes ces filles absolument magnifiques que je croisais dans la rue ? Pourquoi elles et pas moi ? Pourquoi est-ce que j'avais parfois l'impression d'être si égoïste en pensant cela mais en même temps victime d'une telle injustice ? 

CARELESS WITH MEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant