26. Paye

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ELYO

Les gouttes de pluie s'écroulaient de façon régulière sur le bitume, créant un bruit apaisant qui contrastait avec la désagréable sensation de l'eau se mêlant à mon visage. Quelquefois, ponctuant ma balade nocturne - qui avait pour but de me reconduire chez moi -, des éclairs illuminaient la rue, laissant mon ombre grossière apparaître soudainement sur les devantures des magasins fermés. Je quittais l'immeuble après avoir enfin réussi à convaincre Camilo de prendre un somnifère, qu'il n'avait uniquement accepté que parce que la foudre frappait encore et qu'il ne voulait pas l'entendre.

Les souvenirs sont notre prison, et lui le savait mieux que personne.

Mais avant de pouvoir retrouver mon appartement, il fallait que je fasse un détour. Un détour qui, pour moi, s'appelait Swan.

Cet homme que j'avais rencontré quelques mois plus tôt à la sortie du Mantex lors d'une de mes périodes les plus critiques était devenu mon dealer attitré. Je lui avais proposé de se spécialiser pour moi en échange d'un prix plus que généreux et il avait immédiatement accepté de me fournir les médicaments que je prenais en trop grosse quantité dès que le stress me jouait des tours en me donnant l'impression d'être malade.

Parce que flemme de cambrioler des pharmacies.

Avec l'heure tardive, les rues étaient désertes. Le quartier - déjà habituellement peu fréquenté - se retrouvait à être totalement vide en raison de la météo qui n'encourageait personne à sortir de chez soi, hormis mon fournisseur toujours à l'affût d'argent, que je rejoignis dans une ruelle insalubre et exiguë. Ce trafiquant inexpérimenté - que j'avais spécialement choisi en sachant qu'avec lui, Camilo ne risquait pas d'apprendre notre arrangement - n'était pas au courant du lien privilégié que j'entretenais avec les personnes qui faisaient entrer dans le pays les produits qu'il revendait illégalement. Il pensait simplement avoir affaire à une grosse hypocondriaque complètement folle et pétée de thunes.

Et dans un sens, il n'avait pas totalement tord.

- Rajoute un extra pour la livraison de dernière minute, exigea sa voix cassée. J'avais pas de carton, mais je pense que ça devrait passer pour aujourd'hui.

Pour toute réponse, je lui tendis consciencieusement une liasse de billet. Après avoir rapidement vérifié la somme - sans pouvoir empêcher de laisser ses lèvres de s'étirer -, Swan rabattit sa capuche sur son visage et disparu dans la nuit.

Sans plus attendre, je repris mon chemin. Mais, alors que je dépassais un panneau publicitaire tombé à terre en me faisant la réflexion qu'une chance inouïe semblait m'avoir mystérieusement accompagnée pour ne croiser le chemin d'aucune autre entité humaine, un bruit de roulettes sur le bitume cabossé me fit relever la tête.

Vers la seule autre personne assez stupide pour être présente dehors par ce temps et cette heure : Jess.

Évidemment. Ça n'aurait pas été drôle, autrement.

Ses mains encombrées comme les miennes - mais dans son cas par la poignée d'une valise qu'il traînait derrière lui - et ses yeux tournés vers le sol, il ne semblait pas m'avoir vu arriver. Je priais donc pour que l'on se croise sans qu'il ne relève la tête et remarque ma présence. Pour la première fois, je préférais ne pas avoir de réponse à mes interrogations sur ses agissements nocturnes hasardeux plutôt qu'il ne finisse par s'en poser sur les miens.

Sauf que, bien évidemment, ses iris bleus finirent par se poser sur moi.

- Qu'est-ce que tu fais là ? attaqua-t-il aussitôt, fronçant les sourcils tout en m'inspectant de haut en bas, l'air méfiant.

CARELESS WITH MEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant