Chapitre 9

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Je remontai à l'appartement, les sacs de course me pesant sur les bras. Les jointures de mes doigts étaient irrités et j'étais pressée de poser cette lourde charge.

J'essayai de poser les sacs sur le tapis pour ouvrir la porte mais vu comment prenait la tournure de la situation, je savais que tout’allait dégringoler en dehors des récipients.

Je testai ensuite toutes les postures possibles, avec l'épaule, avec le pied, même avec la tête. Voyant que je n'y arriverai pas, je criai. Avec un peu de chance, Mael était là.

J'eus peur de déranger les voisins donc je baissai la voix et refis une tentative d'appel. On allait pas me faire croire qu'il ne m'entendais pas galèrer depuis tout à l'heure

-Mael heu !

Mes doigts étaient en feu. Le prénom devint comme une chanson que je n'arrêtais pas de chantonner, mais je n'avais inventé que le refrain.

En ayant assez de ce jeu, je finis par hurler un bon coup, espérant que je n'avais pas réveillé le pépé d'à côté.

J'entendis ricaner. Je sus qu'il m'avait entendu, sûrement dès le début. Il m'ouvris

-Ouais ouais c'est bon !

Tout sourire, il se posta devant l'entrée, m'empêchant de rentrer. Je fis mine de ne rien voir, et le poussai.

-Qu'est ce que tu foutais ?! Tu t'arrachait les poils des oreilles ou quoi ? pestai je, en rentrant dans l'appartement et en me dirigeant vers le frigo

-Ho ça va, t'as pas attendu beaucoup de temps non plus !

Je ne me retournai même pas, ne voulant pas lui donner ce qu'il cherchait. Il se foutait de moi ouvertement mais est ce que ça changeait de d'habitude ?

-Bon viens m'aider au lieu de dire des conneries

Il s'avança, me pris le sac, l'ouvris et enfourna sans se poser de questions son contenu dans le frigo.

-Ah ouais dit donc, quelle logistique ! Ironisai je

Il me regarda, mi intrigué mi ensomeillé.

-Mael, tu viens de mettre le dentifrice, ton gel et ton shampooing dans le frigo

Il sembla se réveiller. Il ouvrit la porte de réfrigérateur et commença à rassembler ses produits, me regardant d'un air soupçonneux comme si j'allais les lui voler.

Je levai les yeux au ciel. Peut être qu'il était somnambule. Comme il n'avait pas l'air d'avoir l'intention de m'aider, je fis des pâtes, efficaces, sans prises de tête.

Quand je les versai dans nos assiettes, je ne pus m'empêcher de sourire à la vue du ketchup. Je le pris et  lui fis un smiley, comme à un enfant.

Je l'appelai et il descendis, toujours aussi lunaire. A la vue de son assiette il fit le petit sourire craquant dont lui seul avait le secret.

-Ha ha ha, très drôle, dit il ironiquement

Puis il rajouta

-Dis moi, c'est souvent que ça te prend ces gamineries ? Parce que préviens moi, je serai même pas surpris

-Je te préviens, souriait je

Il rigola

-Hum...d'accord, change rien

Sa réponse m'etonna grandement. Je l'avais interpreté comme un compliment mais ça ne collait pas, la bouche de Mael n'était pas formé pour en formuler.

Est ce qu'il venait de me dire qu'il aimait bien ma personnalité enfantine ? Est ce qu'il venait de me dire, au final, qu'il m'aimait bien, moi ?

Je le fixait et lui fixait son assiette, comme si ces mots s'étaient échappés et qu'il les regrettai, qu'il avait honte d'eux. Mais, étrangement, il finis par reformer son sourire rêveur.

Je n'en savais pas la raison et je n'eprouvais pas le besoin de le savoir. Ce sourire me suffit.

Si on y réfléchissais, si on l'analyasait, on remarquait que le sourire était simplement une forme, tordu d'un sens ou de l'autre alors, pourquoi avait il autant d'importance, ce sourire à l'endroit ? Si on l'analysait, un sourire n'est qu'une façade pour exprimer une joie, mais sans la joie derrière, sans la raison, il ne sert à rien et nous pouvions, en le regardant de plus près savoir si il était réellement sincère. Et celui ci était sincère.

Je me mis à l'observer librement et constatai qu'il mangeait le contour des pâtes pour ne pas déformer le smiley. C'était le signe que je comptais pour lui ? Que ce que je faisais ne le rendait pas indifférent ?

Je l'aimais, ce sourire, je l'aimais, cet air rêveur, il me faisait dépasser les horizons de la façade qui cachait tous ces souvenirs, ces sentiments, son véritable être.

Si cela le rendait heureux, je serai prête à faire des smiley tous les jours dans ses pâtes. J'espérais un jour, qu'il me sourirait comme ça. "Toi non plus, ne change rien".

Colocation écourtéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant