Chapitre 14

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Au réveil, Mael avait été froid, distant. Il n'avait pas ete comme hier. Je commençai à m'habituer par ces changements mais cela ma pinçait tout de même le cœur.

Pendant cette journée, j'eus tout le temps d'observer que toutes les personnes qui m'entouraient "voulaient paraitre" mais "n'était pas". Et c'était une bien triste observation.

Avaient ils peur qu'on se moque d'eux si ils montraient leur vrai visage, qu'on les rejette ? Ou alors, comme Mael, avaient ils trop souffert avec leur véritable personnalité qu'il ne voulaient plus la montrer ?

L'humain est compliqué à déchiffrer. Le monde aussi. La vie encore plus. Mais c'est ce qui nous permet de tenir. Des questions, des doutes, des espoirs. Si tout était déjà accompli, à quoi servirait notre existence ? Encore une question sans aucune réponse. Et il n'y en aurait jamais. À quoi servons nous ? Du plus petit enfant, au sage monsieur scientifique, personne ne pouvait la déchiffrer, cette question.

Je marchai sous le préau pavé de pierre grisatre, usé par le temps, pour aller à mon prochain cours.

Je tremblais un peu, le froid transpercant mes habits et se propageant dans tous mes muscles. Mes bottines à talons claquaient sur le sol dur, choc qui ponctuait ma démarche.

Aussi bizarre que cela puisse paraître, j'étais à présent contente de venir. Une fois lancée, on ne pouvait plus m'arrêter. Cette phrase était valable pour beaucoup de situations.

Les cours passaient maintenant à une vitesse folle, comme si c'était le temps qui avait un problème, un mauvais réglage. J'étais heureuse. Je vivais dans le moment présent, je profitai de chaque moment. Je n'avais toujours pas fait une seule connaissance, à part Mael, et c'était la seule chose qui m'attristai. L'année n'était pas fini !

Je réajustai mon manteau, pas assez chaud à mon goût, et entrai dans le bâtiment.

L'heure de la récréation sonna et je m'assis sur le banc, mon banc quotidien, celui où je me pausai à chaque moment libre. Et comme toujours, je regardai les gens, guettant leur moindre mouvement, fixant leur connaissance, leur regard, essayant de trouver qui étaient ces gens.

Je voulais m'avancer vers eux, aller leur parler mais je savais, en connaissance de cause, qu'ils allaient clore leur discussions, me regarder comme si je n'était qu'une intruse, et pas une possible amie. Ils allaient peut-être même s'éloigner, croyant que je n'allais rien ressentir et s'en fichant éperdument.

Alors je restai assise, là, sur ce gros bout de fer tordu en utilité. Et pour une fois, ce n'était pas des inconnus que je regardai. Non, c'était Mael, "le splendide et populaire Mael" comme pensait tout ces gens.

Mais ils ne voyaient pas sa froideur, sa distance, sa douleur, ou encore son côté rêveur. Pour eux, il était fun, fêtard. Il paraissait comme cela, effectivement, au premier coup d'œil.

Il était assis sur le banc, en face, mais il me paraissait loin, il ne me vint pas à l'esprit qu'il pouvait me voir lui aussi.

Et alors il me prendrait pour une fille sans utilité, qui préférait la solitude et sans aucune originalité. Ou alors il aurait pitié de moi. Dans tous les cas, il me prendrait pour son inférieur et ne manquerai pas de me le faire remarquer tous les soirs.

Il avait des mouvements souples, mais pas amples, sa bouche marquait un sourire, narquois, qu'il ne quittait jamais, mais qui était aussi faux que froid, puisque ses yeux affichait une douleur profonde.

Il avait l'air à l'aise, avec tous ces gens autour. Quand il parlait, tout le monde l'écoutait avec attention, buvant ses paroles, se pationnant. Pour eux, c'était un objet, une utilité : si on traînait avec lui, on paraissait important et cool.

Ses pieds posés bien à plat, sans aucune vie, aucun mouvement, me firent penser à un pantin. Il devait se faire un style, mettre tout à sa place, chaque meche de cheveux.

Il devait le faire de sa tête haute, méprisant chaque passant, jusqu'à la position de son doigt posé sur le dossier du banc. Il devait être quelqu'un d'autre pour plaire.

Une question me vint en tête et j'allai donc me lever pour aller la lui demander quand une fille, sûrement tout aussi populaire que lui, s'installa sur ses genoux. C'était sûrement sa copine pourtant...cela me dérangea un peu. J'en ignorais la raison. Tant pis, ce n'était pas parce que j'allais le voir qu'il y avait quelque chose d'ambiguïe.

J'allais sans doute passer pour la pauvre fille perdu. J'allais sans doute lui mettre la honte. Mais je le fis, juste pour lui faire payer le fait qu'il ai une copine. C'était tout à fait sordide et méchant, mais mon esprit logique s'était envolé, et le démon avait l'emprise sur mes mouvements.

Déterminé, je continuai mon chemin.

-Hé, Mael, dis je à sa hauteur

Il leva les sourcils, ses yeux s'agrandirent, il s'empourpra. Il ne s'attendait pas à ce que j'ose venir le voir. Les gens autour me regardaient comme si j'étais une moins que rien, machant leur chewing-gum bruyamment et levant un unique sourcil d'une manière méprisante.

La copine de Mael me transperca de son regard de glace, m'analysant, voulant sûrement savoir qui j'étais.

-Heu, ouais ?dit il, gêné

Il avait mis du temps pour répondre, comme s'il voulait se faufiler, faire semblant qu'il ne m'avait pas vu, passer à travers le filet. Il avait voulu que je renonce après son silence et que je finisse par partir mais je me faisais un plaisir de ne pas obéir à son ordre muet.

-Tu pourras me ramener après les cours s'il te plaît ? Il n'y pas de bus pour ce soir...

Accompagné par un sourire d'ange, ça le faisait. J'eus droit au regard laser de sa copine, ainsi que de celui de Mael. Il connaissait mon plan, il savait ce que j'avais dans la tête. Ses traits afficherent sa réponse avant même qu'il ne me la dise.

-Non. Me dit, il

Plus froid, je mourrais. Malgré moi, mon sourire retomba et il vit qu'il avait gagné. Sa moue narquoise refit face

-Sérieux Mael, je vais devoir rentrer à pied ! Je te préviens, si il pleut, je cuit ta tignasse dans la casserole.

Sur ce, je repartis vers le bâtiment où allait se dérouler mon cours suivant. A quoi je m'attendais, cette réponse était évidente...Mais un frisson me remonta l'échine, quand je me rendis compte que j'étais jalouse des gens avec qui il traînait, car j'aurais voulu y faire parti. Être avec lui, juste pour lui coller un vrai sourire, juste parce qu'il le méritait. C'était un chouette mec. Un chouette mec qui me prenait pour une inconnue. Mon cœur se serra et cela me rendit horriblement triste. Triste d'être dépendante de quelqu'un qui se fichait de moi. Je secouai la tête, pinçant les lèvres. "Bravo Ava, tu t'es prise d'intérêt pour un garçon inaccessible".

Colocation écourtéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant