Chapitre 3 : La queue au restaurant

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J'ai grave envie de m'arrêter là.  C'est le pire qui me soit arrivé.  Et pour certains,  le pire est autre chose. Je vous parle bien de l'université,  de l'univers des cités.  Alors c'est quoi le pire pour les autres. Bah voilà, c’est ça le pire: de naître entouré par des gens qui te filent mal au bide, comme mon ami Saliou, qui te lacèrent l’existence de remarques putrides. Etre intoxiqué par des mollusques olympiques, fermés comme des huîtres hermétiques, productrices de fausses perles en faux plastique. Le pire, c’est d’être voué à subir la frustration de cet humain pessimiste.
Celui qui dit évoluer sur le droit chemin, mais qui en réalité, ne sait faire que du hors-piste, qui se retrouve dans des situations chaotiques, se retrouver parachuté dans un remake bon marché de la Préhistoire, à cette époque où la peine était de mort et où les règles du jeu étaient soit blanches, soit noires.

Le pire, c’est de se faire condamner par les jugements de ceux qui pensent avoir raison, genre Saliou yi rek, il le croyait en tout cas.
Subir les recommandations de ces inflexibles bourrés de principes à la con. Ce genre de personnes  qui te demandent ta confiance pour te la chérir, te l’embrasser, puis te l’acheter et qui finissent par te la broyer d’un revers de reproche, pour l’épingler à leur tableau de chasse avec audace, à grand coup de pioche et faire comme si de rien n'était.

Tout compte fait, le pire aujourd’hui, c’est de regarder ce que font les autres pour essayer d’exister. C’est croire que parce que tu es différent, tu as moins de chance d’y arriver
Et penser un truc comme ça, qui que l’on soit, c’est se tirer une balle dans le pied, c’est comme espérer gagner une course d’orientation, mais avec les yeux bandés. Et moi dans tout ça,  pourquoi cette faiblesse ? N'ai-je pas mon mot à dire ? Saliou est devenu subitement maître de mes pensées,  de mes actions et même de mes intentions.  Et si seulement je m'étais limité à traiter mon TD ? Et si seulement j'avais refusé de venir ? Et si, et si, et si quoi ? C'est maintenant que j'y pense,  foutaise.  Ce "Si seulement je savais des humains est toujours un foutu médecin après la mort du patient".

Je passe la valise à Saliou. Dans la valise il met les morceaux avec lesquels il avait nettoyé le sang. Saliou n'était au courant d'une chose, c'est que j'enregistrais tout, du début à la fin. Il n'en savait rien. Et bien à quoi servira cet enregistrement ? J'en sais rien, mais j'enregistre quand même. 
Saliou enveloppe le corps de la fille dans ses draps de lits. Et il me demande enfin de rentrer chez moi pour revenir à 4h du matin.  C'était vraiment atroce ce que cet individu me faisait vivre.  Il était 20h et je devais me rendre au restaurant. 

A 20h déjà,  je n'imagine même pas la longueur de la queue, un millier d'étudiants. Tu fais la queue plus d'une heure ou disons plus de 30 minutes pour terminer avec un plat de 3 morceaux de frites,  plus un petit morceau de viande et un morceau de pain , le tout couronné par la sauce coutumière qui ne manque jamais : "sauce soblet".  T'étais obligé d'acheter quelque chose la nuit pour bien dormir. 
Ce n'était vraiment pas une vie, à l'université.  Les serveuses qui nous considéraient comme des animaux,  et pire certains étudiants ne faisaient pas la queue.  Pour eux, nous sommes à l'université. Alors le concept du "deff louleu neixh" prime sur la souffrance des autres.  La plupart,  ce sont des étudiants de l'UFR SEFS, les athlètes,  ou encore des étudiants qui sont à l'université mais qui ne sont pas de l'université. Vous comprendrez certainement ma souffrance.  J'ai passé 3 heures de temps à nettoyer une scène de crime et je suis obligé de patienter. 

J'avais une philosophie simple et sympa à mon arrivée à l'université.  Une méthode plus sûre et plus rassurante pour réussir. C'était d'assumer d’être autrement, de rigoler quand les gens pleurent, de  chanter quand les gens se taisent, d'embrasser quand les gens se frappent et de dormir quand les gens baisent.
De défendre quand les gens attaquent, d'adorer quand les gens détestent.
De revenir quand les gens partent et de partir quand les gens restent. De marcher quand les gens courent, de regarder quand les gens occultent, de chuchoter quand les gens crient et de sourir quand les gens t’insultent.

De n’attendre  que demain redevienne hier, ni que l’automne devienne l’hiver. D'apprendre à lire l’heure à l’instant présent, mais surtout de  laisser le temps au temps, même au pied du sapin, ce n’est pas l’emballage qui fait le cadeau et pour petit rappel, de n’oublier jamais qu’un renard peut très bien plumer un corbeau. Cette philosophie a disparu au moment où j'ai accepté d'être complice des événements.  Je n'ai plus de principes. Je ne fais que semblant comme beaucoup d'ailleurs.  L'université,  l'univers des cités m'a transformé en démon qui refuse de s'assumer et qui fait croire aux autres qu'il est parfait.  A quoi auraient servi les conseils que je partage chaque jour si je ne les applique pas ? J'étais bien parti pour réussir. 

En plein milieu de la queue,  Saliou m'envoie un message.

" Fils, t'es où ? Passe stp, c'est urgent.  Nous avons un problème !"

De quoi s'agit-il encore ? Je n'ai même pas mangé.  Le village A n'était pas loin du restaurant 2. Donc je m'en vais.

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