Chapitre 11 - Échanges virtuels

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Par quoi commencer ? Est-ce que je devais donner ma vraie identité ? Non, il ne valait mieux pas. Je n'avais aucune idée de qui se cachait derrière l'Anonyme, qui se décrivait comme une fille en ayant employé "la seule". Mais ça pouvait tout aussi bien être un homme, un fou et j'en passe. Il me fallait donc un surnom, un pseudo. J'aurais pu reprendre celui de ma console, ZombieKillerIsInThePlace mais en y repensant, c'était tout sauf crédible pour quelque chose d'aussi grave. Réfléchis Josh, réfléchis... Je sais ! ShiversOfFear, ou "frissons de peur" si vous préférez. C'est bien ce qui me décrivait en ce moment. Je commençais mon message sans vraiment savoir où j'allais, puis les mots me vinrent les uns après les autres :

Bonjour, Anonyme. Cela fait plusieurs fois que je relis ton article et tout me laisse à penser qu'il est vrai. J'ai des informations concrètes concernant les Wolf, ou du moins l'un d'eux. Et concernant Lewis aussi. Je ne peux pas te prouver que tu peux me faire confiance pour le moment, comme je ne peux pas prouver que je peux également te faire confiance. Je ne suis pas là pour me foutre de toi, là-dessus tu peux me croire. J'ai lu que tu voulais aller à Fernwood, mais je te déconseille d'y aller seule. Il se passe des choses vraiment étranges là-bas, alors fait attention.
ShiversOfFear

Envoyé. Il était presque quinze heures et je me sentais fatigué, vidé de toute énergie. Je regardais mon lit avec envie, et faire une sieste s'imposait comme la meilleure idée que j'avais eue depuis longtemps. Je refermais mon ordinateur et alla m'installer, en mettant, au cas où, un réveil à seize heures. J'avais l'après-midi devant moi alors impossible de la passer à dormir. Mes yeux se fermaient tous seuls, l'appel de Morphée était irrésistible. Ses bras étaient si doux.

Lorsque mon téléphone me fit comprendre qu'il était temps que je me lève, je me dis qu'il fallait vraiment que je pense à en changer la sonnerie un jour. Être réveillé par des bruits de marteau-piqueur, ce n'est pas ce que j'appelais se réveiller en douceur mais au moins, c'était efficace. Cette sieste m'avait fait du bien, je me sentais reposé et prêt à affronter le monde. Enfin, prêt à descendre chercher un truc à grignoter, déjà. J'allais sortir de ma chambre quand je vis qu'un mot avait été glissé par dessous ma porte. "Je reviens fiston, je vais chercher de quoi nous faire à manger pour ce soir. J'ai plus de batterie sur mon téléphone, je l'ai laissé en bas pour qu'il charge. Si tu sors, préviens-moi s'il te plaît." C'est donc comme ça que mon père communiquait à son époque ? Ça me fit marrer. Je descendis prendre deux morceaux de brioche, sur lesquelles j'étalais une bonne couche de pâte à tartiner. Un délice.

En remontant, la pensée qu'il fallait que je sorte faire un tour me traversa l'esprit. Cela faisait une éternité que je n'avais pas fait autre chose de mon temps libre que jouer à la console, dormir, ou regarder des vidéos sur YouTube. Mais avant, je voulais voir si j'avais une réponse de l'Anonyme. Vous commencez à me connaître, l'activité balade allait attendre un peu. J'avais une réponse, je pouvais voir le petit rond de notification en surbrillance. J'hésitais à l'ouvrir, j'appréhendais ce qui allait s'afficher. Allez Josh, un peu de courage. Tu es derrière un ordinateur, que veux-tu qu'il t'arrive ?

Bonjour, ShiversOfFear. À en croire ton message, tu es du coin. En tout cas, tu connais Fernwood. Moi non plus je ne suis pas là pour rigoler, tu sais. J'étudie les crimes depuis longtemps, et cette histoire restée sans réponse et tombée aux oubliettes me répugne. Quelles-sont tes informations ? Le moindre détail est crucial, et le temps est peut-être contre nous. Si les disparations sont liées aux Wolf, il faut qu'on arrête ça au plus vite. Et si jamais tu avais pensé à prévenir les flics, oublie. Ils ne s'intéresseront jamais à une histoire aussi tordue.
L'Anonyme

Ne pas prévenir les flics. Moi qui avait pensé à leur apporter le collier, je me demandais bien où j'aurais fini. Que faire alors ? Une partie de moi me dit que je pouvais donner un minimum de ma confiance à cette inconnue. Je devais lui dire pour Wolf, lui dire pour le collier, lui dire pour nos cours en extérieur. Elle l'avait dit elle-même, le moindre détail pouvait avoir son importance.

Oui, je connais Fernwood, j'habite pas loin. Je suis élève au lycée de Moreland aussi. Je connais Lewis, on est dans la même classe. Et Wolf aussi, c'est mon prof principal. Putain, il me fait vraiment flipper, si tu le voyais. Ce taré nous a sorti un discours comme quoi il travaillait au gouvernement avant, et qu'avec les récentes disparitions, il voulait nous enseigner comment nous défendre. Il nous fait cours deux heures par semaine à Fernwood, avec des mannequins d'entraînement et tout. Y a même un élève qui s'est presque brisé la main dessus, et Wolf notait des choses dans un carnet. C'est là-bas que j'ai trouvé un collier, avec un ballon de foot au bout. Y a écrit L.M dessus, je te laisse deviner à qui il appartient. Et y a un gars dans ma classe qui a vu un truc horrible dans la forêt quand il était petit, tellement horrible qu'il en est devenu muet. Ah oui et aussi, j'ai trouvé une lettre dans mon sac le premier jour des cours. Une mise en garde. Mais impossible de savoir de qui elle vient. Voilà, je crois que je t'ai tout dit. Si je pouvais avoir deux ou trois infos te concernant, je te cache pas que ça me rassurerait un peu.
ShiversOfFear

Trop tard pour revenir en arrière, j'avais envoyé un pavé. Le doute était toujours en moi, mais tant pis. Moi aussi, il me fallait des réponses. Pour moi, pour Lewis. Je me demandais si mon dernier message arriverait à la convaincre, et si elle accepterait de me dévoiler quelques éléments sur qui elle était. J'étais là, face à mon écran, attendant une réponse. Elle devait me prendre pour un taré avec tout ce que je lui avais raconté, et, alors que j'étais sur le point de quitter ma chambre, une averse se mit à tomber. Décidément, même le temps était contre moi. Pour la balade, je pouvais vraiment faire une croix dessus. Et ne dites pas que c'est de ma faute ! Je contemplais la pluie tomber à travers ma fenêtre. C'était apaisant ; le bruit des gouttes contre les carreaux, les nuages qui devenaient de plus en plus sombres, les arbres qui se balançaient sous le vent qui grandissait. Un son me tira de ma rêverie, provenant de mon ordinateur. Le même petit rond de notification que tout à l'heure était à nouveau en train de briller. L'Anonyme était plutôt réactive, ou alors, elle allait gentiment me dire d'arrêter de lui écrire.

Je doit t'avouer que je ne m'attendais pas ça. Si ce que tu m'as dit est vrai, il faut qu'on se rencontre. Je te rassure, je suis bel et bien une fille, et pas un vieux monsieur qui va t'attacher à l'arrière de son fourgon pour te séquestrer dans sa cave. Bon, ok, ça, c'était peut-être pas très rassurant. Bref, que disait cette lettre ? Tu m'as dit que c'était une mise en garde, mais contre qui, ou quoi ? Est-ce que quelqu'un te paraît bizarre à Moreland, un prof ou un élève ? Hormis Wolf hein. Je n'ai aucune info sur Lewis, j'aurais bien contacté sa mère mais la pauvre doit être dans un état pitoyable. Et puis, je ne connais pas son fils de toute façon. Mais toi... toi, tu pourrais l'appeler. Enfin, si tu veux bien. Et pour Fernwood, je comptais y aller ce soir. Si tu veux m'accompagner, tu peux. Je te le répète, je suis pas un mec. Ni chauve, ni bedonnant, et encore moins bizarre, promis. Je m'appelle Emma.
L'Anonyme (plus trop maintenant)

Alors ma mystérieuse correspondante s'appelait Emma. C'était un bon début, même si je m'attendais à plus de détails. Dans une nouvelle réponse, je lui avais réécrit le contenu de la lettre, et expliqué plus en détail l'histoire d'Archie. J'avais aussi accepté de l'accompagner dans Fernwood, en début de soirée. Si mon père n'était pas encore rentré, je lui dirai que j'irai manger avec Jim. Concernant la partie des gens louches à Moreland, je n'avais pas le souvenir d'avoir vu quelqu'un sortir du lot, mais je n'avais prêté attention à tout le monde non plus. Je terminais en lui disant que mon prénom était Joshua, mais qu'elle pouvait m'appeler Josh.

Je pris mon téléphone, où j'avais noté le numéro de Charlotte Mayer. J'allais l'appeler, et j'espérais qu'elle ne raccroche pas au bout de quelques secondes.

Le SentierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant