Le Sentier

Chapitre 12 - Une rencontre éprouvante

La tonalité s'était déjà fait entendre trois fois. J'étais sur le point de raccrocher quand une voix, faible et tremblante, me dit : 

"Allô ?
— B-bonjour Madame, vous êtes bien Charlotte Mayer ? 
— Oui, qui est-ce ?"

Les mots n'arrivaient plus à sortir de ma bouche. Je n'avais qu'à lui donner mon prénom, mais je n'y arrivais pas. Un sentiment de peine m'envahit le corps, et la même boule que j'avais appris à déloger de ma gorge plus d'une fois y avait repris place. Mais lorsque j'entendis à nouveau la voix de Charlotte, elle disparut sans même que je m'en rende compte.

"Il y a quelqu'un ? Si c'est encore une mauvaise blague, la police sera au courant avant même que vous ayez raccroché !
— N-non Madame, je suis désolé, c'est que je ne sais pas comment vous annoncer ce que j'ai à vous dire. Je m'appelle Joshua Grimm, et je suis en cours avec Lewis. On est tous les deux dans la 1A.
— Oh... Tu as vu quelque chose ? Tu sais où est mon fils ?
— Non, et croyez-moi que je fais tout mon possible pour le retrouver, moi aussi. Je le connais que depuis lundi mais à la fin des cours, il m'a fait un signe de la main et il avait son sac de foot avec lui.
— Oui, comme tu le sais sûrement il avait son entraînement. Il y va trois fois par semaine, il n'en rate jamais un. Il me manque tellement, je suis morte d'inquiétude...
— Écoutez, on a fait un cours dans Fernwood avec Monsieur Wolf mercredi. Il y avait une petite cabane et derrière, j'ai..."

De nouveau, impossible de parler. Cette fois, ce devait être de l'appréhension. Si je lui disais que j'avais trouvé le collier de Lewis, j'avais peur qu'elle ne comprenne pas pourquoi je n'avais rien dit dès le début. D'un autre côté, je n'avais rien fait de mal. Je ne savais juste pas quoi faire, mais il fallait que je lui dise. Et tant pis si je finissais en interrogatoire après ça.

"Joshua ? Tu as quoi ? S'il te plaît, je t'en prie, dis-moi quelque chose ! 
— J'ai trouvé un collier. Doré, avec un ballon de football. Et dessus... dessus, il y avait les initiales de Lewis. Je n'ai rien dit avant parce que j'avais peur de finir au poste, ou qu'on croit que j'ai quelque chose à voir là-dedans. C'est la vérité Madame, et je suis sûr que c'est le sien parce que je l'ai déjà vu avec en cours.
— ...
— Madame Mayer ? Vous êtes là ? 
— Oui, pardonne-moi. Tu l'as trouvé à Fernwood ? Mais... enfin... je ne comprends pas, il n'avait rien à y faire, le stade se trouve à l'opposé de la forêt ! Peux-tu me le rapporter s'il te plaît ? Je ne dirai pas à la police que c'est toi qui l'a trouvé, si cela peut te rassurer. Il ne quittait jamais son collier, même la nuit. C'était un cadeau qu'on lui avait fait pour ses quinze ans, après une saison incroyable à son ancien club. Peut-être l'avait-il laissé là pour montrer qu'il se trouve quelque part dans cette immense forêt...
— Je ne sais pas, Madame. Mais vous devez savoir qu'il y a une trace sur le collier, rouge. Je ne sais pas ce que c'est, ni même si elle était là avant. Mais ça me semble pas bon du tout...
— Une trace rouge ? Mon Dieu, penses-tu que ça puisse être du sang ?"

Ses mots résonnèrent, emplis de larmes. Pourquoi lui avais-je donné ce détail ? J'avais été vraiment trop con sur ce coup. En même temps, je ne pouvais pas lui mentir, c'était sa mère.

"J-je sais pas, j'espère pas.
— Je t'envoie mon adresse, si tu veux bien. Il y a toujours une foule de journalistes devant la maison alors dis-moi quand tu voudras venir, je te ferai passer par la porte de derrière.
— Aucun soucis Madame Mayer. Je peux venir demain après les cours, si vous voulez.
— Merci Joshua, merci du fond du cœur. Et, je t'en prie, appelle-moi Charlotte."

Elle avait raccroché. La boule dans sa gorge devait ressembler à une boule de bowling, et pas à une balle de ping-pong comme la mienne. Je pensais être soulagé de lui avoir dit, mais pas du tout. J'avais l'impression d'avoir ressenti son désarroi et sa tristesse à travers le téléphone, et je sentis mon cœur se serrer. Je n'osais imaginer ce que ça devait faire de perdre un enfant, et je me mis à penser à la réaction de mon père si cela venait à m'arriver. Il remuerait ciel et terre pour me retrouver, et se sacrifierait lui-même pour me sauver s'il le fallait.