Le Sentier

Chapitre 16 - Le début des ennuis

Charlotte mangeait sa part de gâteau et sirotait son thé, tout en me regardant. Elle attendait que je parle, que je dise quelque chose, mais rien ne sortait. Elle savait que j'avais vu Lewis le soir de sa disparation, avec son sac de football à l'épaule. Et si elle pensait que je lui mentais ? Je n'avais aucune idée de comment lui prouver mon honnêteté. Et il m'était impossible d'alerter Emma, mon téléphone était dans la poche de mon pantalon et Charlotte aurait trouvé ça vraiment bizarre que j'envoie un message à quelqu'un au moment où elle attendait des réponses.

"Tu ne manges pas Josh ? Si ça peut te rassurer, je n'ai pas mis de mort aux rats ou autre là-dedans. Je n'ai pas du tout l'intention de te nuire, je veux juste... je veux juste retrouver mon Lewis."

Ses yeux étaient rivés dans les miens, rouges, mouillés. Cela avait fini de me convaincre ; me convaincre de tout lui dire.

"Charlotte, écoutez... Je ne veux pas vous mentir, ou vous cacher des choses. Si mon père était à votre place, il aurait tout fait pour avoir des réponses lui aussi. Par où commencer..."

Je me mis à lui raconter tout ce qu'on avait vu à Fernwood avec Emma, mais toujours sans l'évoquer, ni parler de Wolf. Le carnet, les noms, les dates... Lewis. J'avais toujours les photos dans mon téléphone, que je m'empressa de lui montrer. Elle fondit en larmes, et un cri de douleur me transperça les tympans. Elle tremblait, et ses genoux avaient heurté le sol sous le poids de la tristesse. Charlotte était là, agenouillée par terre, et moi, je me demandais bien comment j'allais pouvoir la faire revenir à elle. Je m'empressais d'aller prendre sa tasse de thé, en me disant que ça lui ferait du bien de boire un peu.

"N-non... La police... Il faut..."

La police ?! Elle m'avait promis de ne rien dire aux flics ! Je lui pris la main, la chaleur de la mienne contrastant avec la froideur de la sienne.

"Charlotte, on ne peut rien dire à la police ! Ils vont nou- m'embarquer, je suis rentré par effraction dans cette cabane ! Je ferai tout mon possible pour retrouver Lewis mais s'il vous plait, ne leur dites rien... Je vous en prie..."

Elle sanglotait, mais semblait retrouver peu à peu ses esprits. Elle s'était levée, et se dirigeait vers la chaise la plus proche pour s'y asseoir. La tasse de thé qui se trouvait devant elle ne fumait plus, mais elle en pris quand même une gorgée. Ses yeux étaient d'un rouge vif, je me demandais si elle voyait encore quelque chose à travers ses larmes. Elle repris une gorgée, en me fixant. 

"Si je comprends bien, Joshua, tout ce qui t'inquiète, c'est que la police sache que tu à forcé la porte d'une cabane ?"

Alors là, je ne m'attendais pas à cette question. Évidemment que je m'en foutais, ce n'était pas le fond du problème. S'ils apprenaient ça, ils sauraient pour Emma, Charlotte saurait que je ne lui avais pas dit toute la vérité, et ils apprendraient aussi pour Wolf. Et je me retrouverais dans un sacré merdier, sûrement mort avant même d'avoir eu le temps de faire quoi que ce soit. Il fallait que je me sorte de là, d'une manière ou d'une autre.

"Pas du tout Charlotte ! Mais comprenez que si je me retrouve au poste, mon père va me tuer ! Enfin, façon de parler... Je vous ai dit tout ce que je savais, et je suis sûr que je peux trouver d'autres informations si vous m'en laisser le temps. 
— Mais je n'ai pas de temps ! Mon fils a disparu, DISPARU !"

Une idée me vint soudainement en tête. J'allais être dur avec Charlotte, mais c'était ma dernière solution. Si ça ne fonctionnait pas, je pouvais dire adieu aux restants de mes jours.

"Imaginez qu'il n'ait pas disparu et qu'il soit retenu quelque part ? Si son ravisseur apprend que les flics sont au courant pour le carnet, il va... il va peut-être vouloir le faire disparaître pour de bon.
— ... Tu as peut-être raison, mais je ne peux pas rester sans rien faire ! Que comptes-tu faire pour retrouver Lewis, dis-moi ? 
— Je vous ai partagé toutes les informations que j'avais, Charlotte. Il faut que je retourne à Fernwood, et que j'aille plus loin. Cette forêt est immense, mais je pense avoir une chance de retrouver sa trace.
— Je te laisse jusqu'à dimanche soir, Joshua. Au-delà, je serai obligée de faire intervenir la police dans cette histoire. Tu comprends ? 
— Oui, Charlotte... Je vous promets de faire tout mon possible."

Sur ces mots, elle me laissa quitter la table et par la même occasion, sa maison. Je devais avouer que je ne m'attendais pas vraiment à ce que cela se passe de cette manière. Charlotte était terrifiée, à bout de force et surtout, triste. Je la comprenais, j'avais ressenti les mêmes émotions lorsque ma mère commençait à devenir un peu trop malade, il y a quelques années. Il était dix-huit heures quand j'atteignis enfin le devant de ma maison, sous la pluie, les fesses engourdies par la selle bien trop vieille de mon vélo. Il faudrait que je pense à en racheter une si je m'y remettais vraiment.

Mon père n'était pas encore rentré, et il ne rentrerait sûrement pas avant quelques heures, au vu du message qu'il venait de m'envoyer : 

De : Papa
Salut fiston, tu vas mieux ? Ne m'attends pas ce soir, je risque de rentrer assez tard. 

Bon, j'avais la soirée devant moi pour retourner à Fernwood, si Archie acceptait de me reparler du lieu où il se trouvait quand il était enfant. Il allait certainement me questionner sur pourquoi je voulais absolument savoir tout ça, et je ne savais pas si je pouvais lui dire la vérité, ou du moins une partie. Emma n'accepterait peut-être pas que je lui en parle, mais j'avais confiance en lui, je sentais que je pouvais.

À : Emma
Je reviens de chez Charlotte, c'était merdique. Elle me laisse jusqu'à dimanche pour trouver Lewis, sinon elle prévient les flics. Pour la cabane, pour le carnet, pour tout.
De : Emma
Hein ??? Tu lui as tout dit ? Putain Josh, t'es sérieux ?!
À : Emma 
J'avais pas le choix ! Elle m'a limite retenu de force chez elle ! Mais je lui ai rien dit sur toi si ça peut te rassurer. Si je finis chez les flics, ça sera tout seul. Bref, faut que je te demande un truc.
De : Emma 
Ouais, dis-moi.
À : Emma
J'ai besoin de savoir l'endroit où se trouvait Archie quand il était petit et qu'il a vu ce gamin se faire tuer.
De : Emma 
Oui, et ? C'est quoi le soucis ? 
À : Emma
Bah... Il va vouloir savoir pourquoi c'est si important que ça pour moi de savoir. Et j'ai pas envie de lui mentir, en fait.
De : Emma 
Fais comme bon te semble Josh, de toute façon y a des chances qu'on finisse en taule d'ici peu. Parce que ouais, je te laisserai pas prendre tout seul, si ça peut te rassurer. ;-)

Elle était marrante, Emma. Ce n'était pas elle qui avait été chez Charlotte, pas elle qui avait dû la ramasser, ni elle qui avait dû tout avouer sous peine que la police débarque. Au moins, elle n'avait pas bronché pour Archie, c'était déjà ça. La nuit commençait à tomber et c'était maintenant où jamais qu'il fallait que je lui demande. J'avais prévu d'aller à Fernwood ce soir, il ne me restait que deux jours pour trouver le moindre indice sur où se trouvait Lewis. Je repris mon téléphone, et envoya un message à Archie.

À : Archie
Yo Arch, j'ai besoin de toi pour Fernwood.
De : Archie
Pourquoi ça te tient tant à cœur de savoir ? C'est pas contre toi, mais je pige pas.
À : Archie
Bon, écoute. Je sais de source sûre que Lewis s'est pas enfui et qu'il a été enlevé, ou pire. Il se trouve quelque part dans la forêt, et j'ai besoin d'un endroit où commencer à chercher.

Il ne me répondit plus pendant un certain temps, et je me dis que j'avais dû lui faire remonter des souvenirs douloureux du passé. J'en étais désolé, sincèrement. Mais c'était le seul moyen pour moi d'avancer, je n'avais aucune autre piste.

De : Archie
De source sûre ? Tu veux dire quoi par là ? 
À : Archie 
Je te promets de t'en parler si tu veux, mais pas par message. Le temps est compté, mais je ne t'en voudrais pas si tu ne veux rien me dire. 
De : Archie
Bon... Ça serait vraiment trop compliqué à t'expliquer par message, de toute façon. Je suis libre ce soir, mes parents sont pas là. On peut se rejoindre à l'entrée de Fernwood dans une heure si tu veux. Je t'y emmènerai directement.
À : Archie
T'es sûr ? Si c'est trop dur pour toi, tu sais...
De : Archie
T'en fais pas. Je peux pas rester éternellement dans la peur, ça me permettrait peut-être de débloquer certaines choses.
À : Archie 
Mec, je sais pas comment te remercier ! Je viendrai pas seul, je t'explique tout ce soir. 

J'eus tout juste le temps de passer un sweat plus épais et de prévenir Emma qu'elle devait se rendre à Fernwood d'ici peu, qu'il fallait déjà que je parte. Je repris mon sac à dos, avec la lampe torche, le couteau, et les mêmes gâteaux que l'autre soir. Cette fois, j'espérais ne pas avoir les jambes en feu en arrivant, surtout s'il fallait encore escalader le muret de pierre ou courir pour s'échapper. Ce soir, je sentais qu'il allait se passer quelque chose.