Chapitre 22 - Cheffe de gang

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Je regrettais déjà mes paroles ; un (ou deux) verre de whisky, à mon âge, ça donnait surtout mal au crâne. J'émergeais vaseux, sans la moindre idée de l'heure qu'il était. Je m'étais endormi sur une chaise en plastique, j'avais mal au dos, et mes cervicales étaient en compote. Tony n'étais pas là, peut-être était-il allé dormir dans sa voiture, ou parti sortir quelqu'un d'autre du pétrin. Il faudrait que je pose plus de question sur lui à Emma.

Plus je passais de temps ici, plus je me rendais compte que ce lieu n'avait rien d'un cabinet vétérinaire. Il n'y avait pas de salle d'attente, pas de réception, pas d'équipement médial adéquat, pas de friandises, et encore moins de poils de chien ou de chat qui traînaient un peu partout. Je me dirigeais vers l'entrée, où se trouvait sur la droite une porte verrouillée, et sur la gauche, des escaliers menant à un étage. J'avais l'impression d'être dans un repère de bandits, comme dans les films. Vous savez, ce lieu clandestin où viennent se faire soigner les criminels en tout genre qui ne peuvent pas aller dans un hôpital classique parce qu'ils viennent de commettre un délit. 

Emma dormait dans une petite pièce non loin de l'entrée. Je m'approchais doucement, ne voulant pas faire le moindre bruit. Sa jambe était soutenue par traction, sûrement pour faire circuler son sang et éviter qu'elle ne bouge. Elle semblait paisible. Je m'assis à côté, la regardant, longuement. Une de ses mains pendait par-dessus le lit et je la pris dans la mienne. Elle était égratignée. Lorsqu'elle s'était débattue pour tenter de retirer son pied du piège, elle avait dû s'érafler. Je caressais son dos avec mon pouce, et je sentis sa main se resserrer entre mes doigts. À en croire la lumière qui traversait le store de la fenêtre, il y avait encore quelques heures à passer avant qu'il ne fasse jour. 

"Debout, marioneta." Eh bien, il semblait que Tony était d'humeur matinale. "Tu l'aimes bien mi pequeña, hein ?", me demanda-t-il, une tasse de café fumante pointée dans ma direction. Je la pris avec gratitude. Je me grattais l'arrière de la tête, nerveux. Il avait dit plus tôt : le pote de ma pote, c'est mon pote. Mais putain, il me faisait quand même sacrément flipper. Il me fixait, attendant une réponse. Allait-il s'en prendre à moi si je lui disais que j'appréciais vraiment "sa petite" ? 

"Ouais, je tiens à elle. J'ai eu vraiment peur cette nuit.
— Écoute-moi bien, niño. Emma, c'est pas une nana pour toi. Z'êtes pas du même monde.
— Elle m'apprécie aussi, enfin je crois.
— Mh... Dis pas que j't'avais pas prévenu."

Qu'est-ce qu'il voulait dire par là ? En l'espace d'une soirée, j'avais découvert qu'Emma m'avait menti sur pas mal de choses. Pour commencer, elle n'avait pas de parents. Pourtant, quand je lui avais parlé de son parfum, elle m'avait dit que sa mère lui avait donné. Ensuite, l'arrivée de ce gars, Tony-les-gros-bras, qu'elle-même qualifiait de pas clair, qu'elle aurait connu sur son blog. Je n'étais pas en train de le juger - j'avais trop peur de lui pour ça, mais... Ce n'était certainement pas un mec mordu de lecture, qui passait son temps sur des forums d'enquêtes et de crimes, à débattre sur des théories loufoques. 

"Tony ? 
— Ouais ? 
— Vous vous êtres rencontrés comment, avec Emma ? 
— Ah niño, c'est une longue histoire. 
— C'était pas sur son blog ? 
— C'est quoi ça, blog ? Nan. J'lui ai sauvé le cul plus d'une fois. C'est qu'c'est une dure à cuire, elle s'laisse pas faire.
— Ça veut dire quoi pequinia ?
Pequeña, cabrón. Ça veut dire petite. Elle arrivait toujours à s'faufiler pour échapper à la policía."

Échapper à la police ?... Emma était-elle une délinquante ? Une voleuse ? Ou pire ? Non, impossible. Elle m'aidait dans mes recherches, n'avait rien dérobé dans la cabane ni même chez moi. Tant de questions se bousculaient dans ma tête, et je savais que je n'aurais pas de réponses avant un moment. Le plus important était qu'elle se remette, et moi, il fallait que je trouve une solution pour Charlotte. Aujourd'hui était le dernier jour de son ultimatum, et je ne savais absolument pas quoi faire. Il fallait que j'en parle à Emma car désormais, elle avait son mot à dire dans cette histoire. 

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