Chapitre 15 - Un sale quatre heures

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La sieste semblait avoir duré des heures mais lorsque j'ouvris les yeux, il en était à peine quinze. J'observais ma chambre dans ses moindres recoins, me disant que j'avais peut-être rêvé ce qu'il s'était passé. Malheureusement, non. Le livre était bien sur mon bureau, me faisant face, insistant pour que je l'ouvre. Avant toute chose, il fallait que je prévienne Emma.

À : Emma
J'ai trouvé un truc aux archives. Un bouquin sur les disparus de Fernwood. Mais y a écrit que c'est classé. Genre, affaire oubliée.

Je lui avais envoyé un second message, avec une photo de la couverture. J'avais envie de l'ouvrir, de tout lire, mais je ne pouvais pas faire ça sans Emma. En vérité, j'avais peur de ce que je pouvais y découvrir. Je n'avais pas insisté tout à l'heure, de peur qu'on me demande pourquoi je lisais ça aux archives, alors que ça n'avait rien à voir avec mon prétendu exposé. Si Edward était toujours en vie, -ce qui me paraissait complètement dingue, je vous l'accorde - j'espérais qu'il soit indiqué comment cela était possible. Il aurait plus de cent ans maintenant, mais... Mais Wolf, lui, était bien là. Et quelque chose me dit qu'il n'était pas au courant de la survie de son frère.

J'allais m'installer devant ma console, pour décompresser, quand j'entendis mon téléphone tinter.

De : Emma
Bah merde alors ! Tu vas voir Charlotte à quelle heure ? Je peux passer chez toi avant, si tu veux. Pour voir le livre hein, te fais pas d'illusion. ;-)
À : Emma
J'sais pas, je devais y aller après les cours mais vu que j'y suis pas allé... Je pense pas trop tarder. Et t'inquiète, les tarées, c'est pas mon truc. :-)
De : Emma
Pfff, t'es vraiment con. File ton adresse, j'arrive.

Une vingtaine de minutes plus tard, la sonnette retentit. Emma était là, adossée au mur, habillée en noir. C'était vraiment sa couleur préférée, on dirait. Quand elle se retourna vers moi, je sentis un éclair me parcourir le corps : je ne la pensais pas si jolie, de jour. Enfin, je veux dire, si, mais... Bref. Ses yeux étaient d'un vert clair étincelant, et ses petites taches de rousseurs étaient accordées à la couleur de ses cheveux.

"S-Salut, rentre !
— Salut. C'est sympa chez toi.
— Ouais, merci. Le livre est à l'étage, je l'ai laissé sur mon bureau.
— Dans ta chambre ? Je t'ai déjà dit de pas te faire de faux espoirs.
— Et je t'ai déjà dit que les tarées dans ton genre m'intéressaient pas. Je monte en premier, comme ça t'auras pas à avoir peur que je te matte dans les escaliers."

Qu'est-ce qu'elle s'imaginait, au juste ? Je la connaissais à peine, j'allais pas tomber amoureux en un regard, adolescent ou pas. Elle s'installa d'elle-même sur ma chaise, et pris le livre dans ses mains. Elle le parcourait des yeux, et le tourna. Je n'avais même pas pris la peine de regarder s'il y avait quelque chose d'écrit derrière... Apparemment, rien.

Après ce qui semblait être une éternité, elle l'ouvrit enfin. Les pages étaient jaunes, et l'écriture manuscrite. Encore un détail auquel je n'avais pas prêté attention, tout à l'heure. On pouvait y voir des noms semblables à ceux observés dans le carnet à Fernwood, avec des dates également. Puis vint le paragraphe sur Edward, qu'Emma se mis à lire à voix haute.

Edward Jr. W., seul survivant d'une famille disparue - extrait d'une lettre trouvée lors d'une expédition à Fernwood (1960)

Si vous trouvez cette lettre, c'est que je suis toujours en vie. Je m'appelle Edward Junior Wolf, et j'ai été assassiné par mon père et mon frère. Du moins, c'est ce qu'ils croient. Lors d'un rituel censé leur donner la vie éternelle, ils n'ont pas pris soin de vérifier si j'étais bien mort, après m'avoir frappé à la tête. Ils m'ont laissé là, dans un coin, et se sont enfuis. Ce qu'ils ne savaient pas, c'est que la légende de la fée dont m'avait parlé mon père le soir où il m'a emmené mettre fin à mes jours était bien réelle.

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