Chapitre 14 - Un faux malade

93 3 0
                                    

Je ne savais pas quelle heure il était quand j'ouvrais les yeux. Mon téléphone m'indiquait trois heures trente du matin, et je n'avais presque plus de batterie. Lorsque je le mis en charge, j'avais deux nouveaux messages d'Emma. Je regarderais ça plus tard, il fallait que je réussisse à me rendormir. J'avais mal au dos, et mes jambes me suppliaient de ne plus faire d'effort jusqu'à au moins ce week-end. Je ne pouvais pas me recoucher habillé, alors je me dirigeais vers mon armoire pour trouver un tee-shirt et un jogging, ce qui ferait bien l'affaire. Je repensais à la lettre. Qui que soit son auteur, il ou elle savait bien plus de choses que moi. En y repensant, la description du sentier que je devais trouver correspondait grandement à celle dont Archie m'avait parlé. Et si je lui demandais s'il se souvenait où il était, accepterait-il de s'y rendre avec moi ? C'était risqué, je ne voulais pas faire resurgir de mauvais souvenirs, mais c'était une des solutions les plus envisageables pour le moment.

Le sommeil était maintenant bien loin de moi, et Morphée était repartie chercher quelqu'un d'autre avec qui passer la nuit. Tans pis, autant mettre ce temps à profit. Je pris mon sac, où il y avait encore les gâteaux que j'avais emmené hier soir. Mon ventre grondait, et je n'avais pas envie de descendre chercher quelque chose dans le frigo. Un peu de chocolat transformé à quatre heures du matin, c'était toujours un régal. Deux paquets plus tard, j'entendis mon téléphone vibrer. C'était Emma, elle non plus ne semblait pas avoir réussi à dormir. Ses deux messages précédents disaient qu'elle avait passé en revue les différents noms du carnet, sans résultat. Sauf pour Lewis, bien évidemment. Et qu'elle était désolée d'avoir agit comme ça avec moi, c'était sous le coup de la pression. Je ne lui en voulait pas, j'étais même reconnaissant qu'elle ait été courageuse pour deux.

De : Emma
Josh, t'es là ? J'arrive pas à dormir, j'ai le cerveau tout embrouillé.
À : Emma
Moi non plus, laisse tomber. Alors t'as rien trouvé ? Même pas un petit truc ? Au fait, ce soir je vais chez Charlotte, la mère de Lewis.
De : Emma
Ah ouais ? Tu vas lui dire quelque chose pour le carnet ? Je suis pas sûre que ce soit une bonne idée, si tu veux mon avis.
À : Emma
Je sais pas... C'est sa mère, elle devrait savoir ce qu'on a vu.
De : Emma
Elle elle pourrait tout aussi bien appeler les flics. On serait interrogés, nos noms passeraient à la télé, et Wolf saura que c'est nous qui sommes entrés dans la cabane.

Elle était quand même bien énervante, à avoir réponse à tout. Mais elle avait raison, encore une fois. C'était imprudent de tout dire à Charlotte, même si ça me fendait le cœur de garder ça pour moi. Je me demandais si les archives de la ville pouvaient contenir des informations sur les disparus. C'était ma déduction, étant donné que le nom de Lewis s'y trouvait. Je notais ça dans un coin de ma tête, je pouvais y aller avant d'aller voir Charlotte. Ce qui voudrait dire qu'il fallait que je parte plus tôt du lycée, ou que je n'y aille pas du tout aujourd'hui. Un mal de ventre ? Non, mon père me filerait des cachets. Une migraine ? Pareil. Les deux ? Il m'emmènerait chez le médecin, qui me dirait que je n'avais rien, à part la flemme. Alors je me dis que je me rendrais au lycée, comme tous les matins, mais que je n'en franchirais pas les portes. Il y avait une chance que mon père soit prévenu de mon absence, et je réfléchirais à ce moment-là à une excuse un minimum valable.

Les heures défilaient quand mon réveil sonna, à sept heures. J'avais quasiment fait une nuit blanche, m'étant rendormi par épisodes. En descendant vers la cuisine, les cafés étaient déjà en train de couler.

"Ça va fiston ? Tu n'es même pas venu me raconter ta soirée hier !
— Ouais, désolé, c'était super. Les parents de Jim te passent le bonjour, ils voudraient qu'on aille prendre le goûter chez eux un dimanche.
— Avec plaisir ! T'es tout pâle, t'es sûr que t'as pas bu hier Josh ?
— Oui, P'pa. Je me sens pas très bien ce matin, j'ai... j'ai mal au ventre. J'ai pas réussi à dormir.
— Tu veux que j'appelle le docteur Bren ? Je peux t'avoir un rendez-vous dans l'après-midi.
— Je sais pas, faut que j'aille me préparer pour le lycée.
— Josh, t'as vraiment pas l'air dans ton assiette. Reste au chaud, je l'appelle."

Eh bien ! Dans mon malheur, j'avais finalement de la chance. Je devais vraiment avoir une sale tête pour que mon père me croit malade en un coup d'œil. Je pris la tasse de café chaud qu'il me tendait, et remonta avec. Il fallait que je prévienne Jim que je ne viendrais pas aujourd'hui, et Emma que j'avais la journée devant moi pour nos recherches.

À : Jim
Salut mec, je viendrai pas aujourd'hui, je suis malade. Passe le bonjour à Maya pour moi.
À : Emma
Je me suis porté malade aujourd'hui, ça a marché. Je vais aller aux archives quand mon père sera parti bosser, je peux peut-être trouver des infos là-bas.

Mon père ne partirait pas avant onze heures ce matin, alors je me remis au lit, au cas où il rentrerait dans ma chambre. Je ne voulais pas qu'il me trouve en train de tuer des zombies. Je devais aussi envoyer un message à Archie, qu'il ne m'attende pas. Et lui demander s'il avait des souvenirs sur le chemin.

À : Archie
Salut Arch, je suis pas bien aujourd'hui, je pourrai pas venir. Au fait, j'avais une question à te poser si tu veux bien.
De : Archie
Rien de grave ? Merde, je vais me faire chier alors. Oui bien sûr, dis-moi.
À : Archie
J'ai dû manger un truc qu'est pas passé. Quand tu m'as raconté ton histoire, tu m'as parlé d'un chemin avec des arbres morts. Tu serais encore capable de me dire où il se trouve dans Fernwood ?
De : Archie
Ouais... Je crois. Pourquoi ?
À : Archie
Je t'explique plus en détails tout à l'heure, je vais me recoucher. Merci, Arch.

Je devais m'être rendormi quand mon père toqua à la porte de ma chambre. Il me dit qu'il n'y avait plus de place chez Bren, et que je pouvais aller à la pharmacie d'à côté, il m'avait laissé un peu d'argent sur la table du salon. Il n'allait pas rentrer tôt, un dossier devait être terminé impérativement avant demain. Le dossier s'appelait-il Linda ? Il me fit un bisou sur le front, et me dit de me reposer. J'entendis la voiture démarrer, et s'éloigner. Je fis un bond hors de mon lit et pris une douche à la hâte. Je passais des vêtements amples, pris l'argent sur la table et me dirigea vers l'arrêt de bus, en direction des archives.

C'était un grand bâtiment, ancien et imposant. Les escaliers menant à l'entée me paraissaient interminables, et une dame postée tout en haut me demanda la raison de ma venue. Je lui dis que j'avais un exposé à faire sur la ville pour les cours, et après m'avoir observé de haut en bas, elle me laissa finalement passer. L'intérieur était encore plus impressionnant ; des étagères à perte de vue, remplies de livres en tout genre. Certains semblaient prêts à s'effriter, et d'autres étaient dans des vitrines en verre, certainement historiques. Par où commencer ? Il devait bien y avoir une section avec des annuaires contenant les noms des anciens habitants.

Je flânais dans les allées, observant tout ce que je pouvais, ouvrant tous les livres possible. Soudain, un livre attira mon attention, comme caché derrière une pile de bouquins plutôt récents. Je découvris un recueil intitulé Les Disparus de Fernwood - Classé. Classé ? Ça voulait dire que des gens étaient au courant de ce qu'il s'était passé, et avaient décidé de ne rien faire, laissant à l'oubli des noms et des vies ? En feuilletant les pages, je me rendis compte que cela avait commencé bien avant ma naissance, et même celle de mon père. Il était écrit que Fernwood renfermait une bien triste légende, où les enfants qui s'y trouvaient la nuit disparaissaient dans des circonstances mystérieuses, et n'avaient jamais été retrouvés. Une page se différenciait des autres, et je compris vite pourquoi. Son titre : Edward Jr W., seul survivant d'une famille disparue.

Survivant ? Je me sentais vaseux, mon corps tanguait. Reprends tes esprits Josh, c'est pas le moment de faiblir. Comment était-il possible qu'il ait été encore en vie, alors qu'il y avait des écrits prouvant qu'il avait été tué de la main de son propre père ? Je ne pouvais pas lire ça ici, il fallait que je demande si je pouvais emprunter le livre pour mon soi-disant exposé. L'homme à l'accueil me demanda mon nom et mon prénom, et me donna la permission de le ramener chez moi pendant une semaine, avec une caution de dix dollars. C'était ce que mon père m'avait laissé pour acheter des médicaments. Je prendrai dans mon propre argent pour aller en chercher, il valait mieux qu'il voit que je ne m'étais pas foutu de lui.

Il n'était pas loin de treize heures quand je rentrais à la maison et je pris quelques dollars qui traînaient dans ma chambre. Je me dirigeais vers la pharmacie, qui se trouvait à quelques mètres de la maison. Une boîte de comprimé pour les maux de ventre et de l'aspirine, voilà mon remède miracle. De nouveau chez moi, j'étais encore une fois vidé de mon énergie. Je posais le livre sur mon bureau, et me promis d'informer Emma de ma trouvaille après une petite sieste. J'en avais vraiment besoin.

Le SentierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant