Chapitre 5

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C'est le grand jour pour Andie ; dans ses yeux, j'ai vu la tension et l'excitation s'accumuler au fil des heures, à tel point qu'elle est prête à exploser. Elle patiente nerveusement devant une pile de cartons de la taille de la pyramide de Khéops et lance un regard noir à la pendule toutes les cinq secondes. Booker est à la bourre avec le pick-up et il va le sentir passer, le pauvre.

Ricky tourne en rond dehors. Avec sa main immobilisée, il ne va pas être très utile pour déménager le bazar de sa sœur, et j'ai l'impression que ça le rend triste. Depuis l'accident, il est moins rieur, plus tendu, je dirais même que je le trouve un poil dépressif.

Bon Dieu, c'est deux doigts cassés, c'est pas la fin du monde !

Il parvient à mener à bien la plupart des tâches qu'il entreprend, mais j'avoue que quand il me demande de venir l'aider à re-scotcher une boîte recalcitrante, admettant sa faiblesse avec une timidité adorable, je vole, j'accours à son aide avec allégresse. C'est la première phase de mon plan de sauvetage. J'essaye de lui rendre le sourire.

Malheureusement, je n'ai que deux bras, et Andie en a besoin pour soulever les cartons et finir de les empiler dans la cour. J'irais bien lui faire un câlin pour le consoler, mais j'entends les crissements de roues dans l'allée. Et puis, je ne suis pas ce genre de fille.

Après les cinq minutes de remontage de bretelles en règle endurées par Booker, il est enfin temps de fourrer le bazar d'Andie dans le coffre du pickup. Jessica et Craig sont dans la maison vide et aideront au déchargement et au déballage. D'une main de maître, Andie donne les ordres, et nous obtempérons. La planificatrice de l'extrême en moi voue une admiration sans bornes au code couleur qu'elle a mis en place pour indiquer à la fois quelles boîtes doivent faire partie de quel voyage, et dans quelle pièce de la maison il faut les déposer. Non, parce que j'ai beau être super organisée, à la limite de la névrose, aucun de mes déménagements ne s'est passé comme prévu. Pas un seul.

Une fois le tout chargé, je saute sur la plateforme parmi les boîtes, direction la nouvelle maison d'Andie. Je n'ai pas encore eu l'occasion de la voir et j'ai hâte de découvrir son chez-elle. Après dix bonnes minutes de voiture, on s'arrête devant une superbe bâtisse de deux étages, flambant neuve. Sur tout le tour du premier étage, Booker a construit une terrasse couverte large de trois ou quatre mètres, parfaite pour y installer un jacuzzi – il faudra que je glisse l'idée à Andie. Je me vois bien habiter dans une copie conforme du bâtiment qui me fait face. Mais soyons honnêtes : en Suisse, une baraque pareille, il faut cinq vies de salaire pour se l'offrir. Les cris de mon amie me rappellent à la réalité.

— Booker ! J'ai dit vert dans la cuisine !

Je m'empare d'un carton au hasard, jette un œil à la feuille d'explication du code couleur et passe le perron. Le hall d'entrée est une merveille ; large comme deux fois mon appartement, lumineux, il mène d'un côté à une cuisine super équipée – cadeau des parents de Booker – et de l'autre à un jardin d'hiver. En face de l'entrée, une double porte s'ouvre sur une salle à manger immense. Je monte l'escalier et me retrouve sur une mezzanine qui donne sur trois chambres. Le rose sur l'étiquette de la boîte, c'est justement la mezzanine. Je pose mon chargement et décide de visiter l'étage. Les pièces sont spacieuses et fraîches. Toute la décoration reste à faire : le rêve. Un chez-soi à son image. Et quand on en a marre, on change tout.

De là où je suis, je vois arriver par la majestueuse baie vitrée un gros camion, qui se gare avec précaution devant la maison. En redescendant, je constate que le salon est vide. Ils sont tous regroupés dehors pour décharger. Le conducteur manœuvre encore quelques minutes ; Craig ouvre la bâche. Andie pousse un cri d'excitation en découvrant le contenu : des meubles en bois tellement neufs que le véhicule embaume le vernis frais. Ils n'attendent que d'être éparpillés avec goût dans la maison. Franchement, je n'y connais pas grand-chose en menuiserie, mais pas besoin d'être une experte pour se rendre compte que c'est du très beau travail. Andie en pleurerait presque. Alors que je suis hypnotisée par la vision d'une adorable commode en bois clair, le conducteur descend de son habitacle. Je l'entends avant de le voir et l'appréhension me saisit quand je comprends que je vais enfin rencontrer le fameux Tiago, et mettre un visage sur cette voix. Je plaque un sourire sur mes lèvres, et m'avance timidement vers l'attroupement qui se forme.

TornadesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant