Chapitre 7

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Il y a déjà une semaine que nous avons inauguré Millers' Mill et rien n'a changé. À mon grand désespoir, Ricky n'a pas tenté de nouveau rapprochement. Soit je me suis complètement fait des films, soit il était encore plus ivre que ce que je pensais, ou alors, il regrette. Aucune de ces raisons ne me convient. Ce qui est sûr, c'est que son humeur reste maussade. La fossette au coin de ses lèvres me manque terriblement.

Je m'étire dans mes draps blancs et chauds. Dehors, il y a du mouvement. J'entends des hennissements ; une barrière métallique claque violemment, me tirant de mes désagréables réflexions. Je m'habille à la va-vite, dégringole l'escalier et tombe nez-à-nez avec mon cowboy blond. Il a la mine sombre.

— Salut, je dis, bien dormi ?

Il répond par un grognement.

— Il se passe quoi dehors ?

Il lève les yeux au ciel ; sa réaction m'ôte toute patience. Pas envie de faire d'efforts aujourd'hui. Il doit remarquer mon changement d'attitude, parce qu'il se reprend et crache.

— Le Mexicain est là pour débourrer Crésus.

Ah.

— Il s'est passé quoi pour que tu le détestes autant ?

J'ai mis les pieds dans le plat, autant continuer :

— Je veux dire, il est arrogant et condescendant, mais franchement, l'appeler le Mexicain... C'est limite non ?

Ricky me fixe, le regard mauvais. J'ai fait une bourde. Mais une fois encore, son expression change, et son adorable sourire en coin fait irruption pour éclairer son visage sombre.

— On ne s'est jamais très bien entendu. Il est convaincu de tout faire mieux que tout le monde. Et il est malhonnête. Je suis convaincu qu'il a arnaqué mon père, et ce vieux fou ne s'en est jamais rendu compte.

Je suis surprise qu'il me déballe ça comme ça. Il doit être particulièrement vulnérable pour ne même pas tenter d'esquiver. Ou alors, il en a marre de me cacher des trucs ? Il me laisse entrer dans sa tête ?

Toujours est-il qu'au-delà de la surprise que sa franchise déclenche, les mots ne prennent pas tout de suite leur sens. J'imaginais une incompatibilité entre deux personnalités parfaitement opposées, une jalousie, une rivalité pour rendre fière la figure paternelle de ce petit monde rural. Mon cerveau est un peu lent, et je n'ai pas le temps de réagir. Ricky reprend, manifestement conscient d'en avoir dit plus que ce qu'il aurait voulu :

— Tu devrais rester loin de lui, c'est pas quelqu'un de bien.

Puis il me laisse en plan, aux pieds de l'escalier, pour monter à l'étage.

Je suis une fille curieuse. Et même si je ne porte pas Tiago dans mon cœur, je suis intriguée de le voir à l'œuvre. Je l'ai recroisé plusieurs fois et systématiquement, j'ai droit à un "Salut Geneva" qui a le don de me faire monter immédiatement dans les tours. Nos interactions s'arrêtent là, et c'est déjà trop à mon goût.

J'enfile donc ma doudoune sans manches et je suis les hennissements jusqu'au rond de longe. Je trouve, accoudés aux barrières métalliques, Craig, Jessica, Booker et Andie qui échangent avec enthousiasme sur le spectacle qui se déroule sous leurs yeux. Crésus rue, balance la tête, essaye de dominer Tiago, qui reste imperturbable. Le dresseur porte un pull à capuche qui ne parvient pas à dissimuler sa carrure, et je ne peux pas m'empêcher d'admirer la grâce de ses mouvements. C'est comme s'il était entré dans une danse complexe avec son adversaire. Je vais m'installer aux côtés de Booker.

— Ce mec est un magicien, m'annonce-t-il en indiquant Tiago du menton, sans le quitter des yeux. Il a un truc avec les chevaux, je ne comprendrai jamais.

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