Chapitre 10

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Nous entrons dans un vaste hangar, parfaitement vide de monde, mais qui sent la bière, les bêtes, la sueur et la friture. J'avance entre les travées en bois et en métal ; Ricky ouvre une barrière et nous débouchons sur une espèce d'arène entourée de stalles. Dans une si petite ville, je ne m'attendais pas à trouver un bâtiment aussi imposant dédié au rodéo, mais il semblerait que c'est un peu une religion ici.

Il me montre l'endroit où les chevaux attendent leur cowboy, la table des juges, et je vois dans ses yeux une envie intense, une candeur teintée de regrets. Il caresse les barrières, les courroies de cuir et me parle de sa passion. Je suis touchée qu'il ait envie de me faire entrer dans son monde, qu'il partage avec moi cet aspect de sa vie. D'autant qu'il est particulièrement vulnérable, puisqu'à cause de sa blessure, il ne pourra pas participer à la compétition. Et c'est évident que ça le rend triste. Pauvre Ricky, il a le moral dans les Santiags. Je comprends qu'il ait eu besoin de disparaître un peu.

Le fait d'entrevoir cette faille dans le cowboy sculptural m'excite étrangement. Puis, son baiser près du petit bois me revient en mémoire et tord désagréablement mon estomac. Je croyais avoir réglé ça, j'engueule mon cerveau. Ce sentiment indéchiffrable et incompréhensible qui a fait naître mon malaise revient à la charge. Je devrais probablement l'écouter et essayer de faire le point au calme. Au lieu de ça, je me rapproche de Ricky et effleure sa main. Sa réaction est immédiate. Il se tourne vers moi, plante ses iris brûlants dans les miens, et m'attire contre lui pour m'embrasser furieusement. On aurait dit qu'il attendait le signal ; comme un bronco qui découvre l'arène en ruant. Dans mon dos, je sens la barrière métallique, dure et froide. Les mains du cowboy sont sur moi, partout, envahissantes, avides ; il caresse ma bouche avec sa langue experte, il laisse ses doigts descendre le long de mon dos jusqu'à la ceinture de mon jean mouillé. Imperceptiblement, mes muscles se crispent et je suis prise d'un frisson. Je sens mes tétons durcir sous ma veste épaisse, mes cuisses se resserrent. Ses mains descendent sans hésitation vers mes fesses, qu'il saisit brusquement. À travers le jean, il suit du pouce le contour de ma culotte à fleurs, un sourire victorieux contre mes lèvres. Il est en contrôle, parfaitement calme, sa respiration est à peine rapide. Ses mèches blondes chatouillent mon cou, qu'il dévore du bout des dents. Moi, je panique. J'ai tenté de fermer les yeux pour profiter du moment, mais la possibilité que quelqu'un nous surprenne est trop angoissante. Je jette constamment des regards rapides autour de nous, en priant pour qu'il ne le remarque pas. Je ne suis pas à ce que nous faisons. Mon corps réagit à ses caresses, mais mon cerveau hurle son malaise.

— Hé vous deux, qu'est-ce que vous faites là ?

— Salut Terry ! marmonne Ricky en relevant la tête, pas gêné le moins du monde qu'on nous surprenne dans cette situation torride.

— Ah, Ricky, je t'avais pas reconnu. J'ai appris pour ta main, ça va se remettre ?

Je suis propulsée dans un autre univers ou quoi ? Ils discutent comme si de rien n'était. Combien de fois le prénommé Terry a-t-il surpris Ricky dans ce genre de situation ? Je me rends compte que je suis bien trop mortifiée pour être jalouse.

— Oui, je devrais être capable de courir sans selle cet été, si tout va bien. Mais c'est cuit pour cette semaine.

Pris dans sa discussion, Ricky me regarde à peine quand je lui dis que je vais tenter de mettre la main sur Andie. Écarlate, tremblante, je retourne dans le froid, le vent et la pluie battante, avec la conviction que ce qui vient de se passer entre Ricky et moi ne devrait pas se reproduire.

La compétition de mangeurs de saucisse m'a mise en appétit et je m'achète un gros hot-dog et une barquette de frites, avant d'aller déambuler entre les stands de jeux. On propose du tir à la carabine, des jeux d'adresse, de force, il y a même une voyante et un petit manège pour les plus jeunes. Je repère justement Andie au milieu de la foule au stand de tir et la rejoins d'un pas rapide.

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