Chapitre 12

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Je suis invitée à prendre le petit déjeuner chez Andie le lendemain matin. Encore une idée bizarre des Américains, mais bon, mon amie a insisté. Je n'ai rien contre l'intimité de bon matin. À peine j'ai posé le pied sur son parquet nickel chrome qu'elle met Booker à la porte sans ménagement. Je soupire ; je la vois venir à des kilomètres. Je suis coincée et je vais devoir lui raconter dans le détail ma soirée. Et le trajet en voiture. Waw, quelle excitation... Hier soir au téléphone, j'ai réussi à esquiver ses questions en répondant par monosyllabes. Le bruit de la fête autour d'elle l'a vite découragée et elle a lâché prise relativement rapidement. Mais ce matin...

L'air de rien, avec la délicatesse d'un taureau de rodéo, elle me fait remarquer, tout en tartinant un bagel :

Tu sais qu'à peu près toutes les filles du comté essayent de mettre le grappin sur Tiago ? À force de se prendre des vents, elles ont compris et elles ont laissé tomber... mais toi !

Zéro préambule. Agression totale. J'encaisse.

Moi rien du tout. C'est un connard arrogant, tu te rappelles ? Et puis franchement, toutes les filles ? Il doit bien y en avoir quelques-unes assez malignes pour voir à quel point il est désagréable non ?

Pour la première fois, je me sens moins convaincue de ce que je dis. Je ne sais pas trop à quel moment, si c'est son humour, le fait de danser avec lui, ou qu'il me laisse entrevoir sa tristesse, mais mon agacement le concernant s'est un peu dilué. Et honnêtement, ça ne me plaît pas trop qu'il essaye de sortir comme ça sans prévenir de la case de mec détestable dans laquelle je l'ai collé.

Mouais... eh bien moi je ne le vois jamais danser avec personne. Et il a ri aussi. Et Tiago ne rit pas souvent.

Je me défends comme je peux entre deux gorgées de thé.

Tu devais vraiment t'ennuyer, je rétorque un poil énervée. Tu avais rien d'autre à faire que de nous regarder danser ? Moi je ne lui demande rien ! Mais il est toujours là. Partout où je vais, il est là ! Au marché, à la fête de la saucisse, dans la cuisine de tes parents... Je ne peux quand même pas être systématiquement déplaisante avec lui non plus ! En plus, il a ri à sa propre blague.

Son regard dubitatif allume la mèche ; j'explose d'exaspération.

Et puis il ne faut pas exagérer hein ! On a dansé deux pauvres slows et après il m'a parlé de son père mort. On a déjà fait mieux comme soirée romantique. Après, il m'a déposé chez tes parents et voilà. J'ai eu des entretiens d'embauche plus intimes.

Il t'a parlé de son père ?

Andie n'a retenu que ça de ma plaidoirie défensive enflammée ? Elle fronce les sourcils et un tic soulève un coin de sa bouche.

Et alors ? je dis avant de prendre une grosse bouchée de tarte aux pommes. Dans la voiture quand il me ramenait, c'était le silence total. Sans exagérer, on n'a pas échangé un mot après ça. Je te dis, aucun intérêt !

Andie pose sa cuillère et croise les mains sur la table, avant de rétorquer, très sérieusement.

Ma vieille, tu es au niveau dix.

Pardon ?

Qu'est-ce que c'est encore que cette histoire. Andie, ma belle, je t'aime mais là...

Avec Booker, on avait ce petit jeu au lycée, m'explique-t-elle avec espièglerie. À chaque fois qu'il avait une nouvelle copine – ce qui à l'époque arrivait relativement souvent – après environ une semaine de relation, on essayait de prédire combien de temps elle allait tenir, en plaçant la fille sur une échelle qu'on avait créée.

TornadesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant