Chapitre 17

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Je me réveille vaseuse et complètement désorientée, recouverte par un lourd manteau qui sent la poussière. Je comprends en tâtonnant que je suis allongée sur un matelas fait de vieux habits d'hiver mangés aux mites. Un gros bouton métallique s'enfonce dans mes côtes et m'arrache un rictus. Je vais avoir un bleu. Mais le plus important, c'est que j'aie chaud. Dans la pénombre, j'ai une grimace de douleur en tentant de me redresser sur mes coudes ; tous les muscles de mon corps me font souffrir le martyr, j'ai l'impression d'avoir passé des heures dans une machine à laver géante. La douleur me ramène à la réalité : la tornade, la cave, la terreur. Je porte la main à mon visage ; aucune trace de sang poisseux, moins de terre ; on dirait que j'ai repris forme humaine. Prise d'un doute, je tâtonne le long de mes cuisses, de mon ventre ; je ne suis vêtue que d'une chemise qui me démange affreusement et qui n'est définitivement pas à moi. Et je suis au sec.

— Tiago ? j'appelle timidement dans le noir.

— Je suis là, me répond la voix grave, à quelques mètres seulement.

— C'est fini ? La tornade est passée ?

— Oui, elle est passée.

Son timbre chaud me rassure instantanément, et j'exhale mon inquiétude en un long soupir. J'aurais pu rêver mieux comme compagnie, mais au moins je ne suis pas seule. Je m'étale sur ma couche de fortune, soulagée, et un rire nerveux m'échappe. On a vraiment eu chaud.

— J'ai une mauvaise nouvelle, reprend-il, tendu, me coupant dans mon élan. Je n'ai pas réussi à ouvrir la trappe.

— Tu veux dire qu'on est coincés ?

Je me redresse d'un coup et lâche un cri de douleur.

— Doucement, me dit-il en se rapprochant, ou tu vas encore tomber dans les vapes. On va passer la nuit ici. De toute façon, il n'y a rien à faire. Plus tard, on tentera de sortir, quand tu te seras remise du choc. Peut-être qu'à nous deux on y arrivera...

J'entends le scepticisme dans sa voix et ma gorge se noue. Je sens la peur saisir ma chair, coincer mes muscles dans un étau, et serrer. Mon cerveau est embrumé.

— Est-ce qu'on a de l'eau ? J'ai super soif.

— Ça c'est la bonne nouvelle, répond-il avec un rire acide dans l'obscurité. On n'a pas d'eau, mais on a du vin. Des litres de vin. Et des conserves. Des tonnes de conserves.

L'incongruité de notre situation me fait sourire malgré tout. Quand j'y pense, ça pourrait être bien pire. Heureusement que je suis tombée sur sa maison, sinon, je me serais fait avaler toute crue. Et lui aussi ! J'en frissonne.

— Tiago, je reprends, un peu gênée, où sont mes habits ?

— Je les ai étendus dans l'espoir qu'ils sèchent, mais c'est pas une réussite. Tiens, mets ça.

Il me lance un vieux pantalon de jogging bien trop grand pour moi, mais ça fera l'affaire. Je sais bien que ça n'est pas tellement le moment de préserver ma pudeur, mais l'angoisse monte d'un cran à l'idée qu'il m'a déshabillée et vue à moitié nue, alors que j'étais inconsciente. Une envie de vomir monte en moi en imaginant ses mains sur ma peau, et je ne peux pas m'empêcher de penser au baiser que Ricky m'a imposé. Pourtant, l'idée de mes habits mouillés et froids collant à ma peau m'est largement plus répugnante.

J'ai besoin de me lever et de me faire une idée plus nette de ce qui m'entoure. Tiago a accroché la lampe de poche au plafond et elle n'éclaire qu'une petite portion de la cave, au centre. Il explore le contenu d'un carton ; je me lève prudemment et longe les hautes étagères. C'est comme si toute une vie était entassée là, bien rangée dans des boîtes étiquetées, et cette vision me déprime.

TornadesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant