LANCE
— Alors ? T'en penses quoi ? s'enquiert James.
Je plisse les yeux un instant, tends l'oreille et caresse une nouvelle fois le renflement en bois de la porte comme si les veinures du palissandre me murmuraient un langage que moi seul peux comprendre.
Je parle le Fourchelangue des portes en bois, rien que ça.
— La proprio dit que c'est de l'époque victorienne, précise mon ami, l'air soucieux.
Il tend la tête sur le côté et tente de lire le verdict sur mes traits plissés. Il tient dans ses mains le dossier de cette baraque de 140 m2, située en plein centre-ville de Cambridge, estimée pour la modique somme de 545 £ K alors que les lieux ne sont pas du tout viables.
James, ami de longue date et agent immobilier, me sollicite régulièrement pour des diagnostics. En général, je suis aisément capable de repérer quand les propriétaires mentent et encore plus souvent lorsqu'ils ignorent qu'ils possèdent de vrais trésors historiques chez eux.
La semaine dernière James a réévalué un appart de 30 £ K grâce à mon diagnostic. En général, il touche 5 à 7 % de ses ventes et me file une commission pour mes services gratuits. C'est de l'argent facile. En une heure à peine, je décèle tous les secrets qu'abritent les plus vieilles demeures de Cambridge et en retour, James me file ma part sur ses plus-values.
Mais là, ça ne vaut rien. Tout ce que je vois autour de moi, c'est de la pacotille, du rafistolage et du maquillage. Les proprios sont des menteurs professionnels qui veulent surestimer leur bien pour en tirer le plus d'argent possible. C'est compréhensible mais pour le coup, cette porte n'est pas victorienne.
— T'es sûr qu'il y a vraiment rien à en tirer ? insiste James, l'air soucieux.
Je remonte le visage vers lui et soupire. Il me fixe avec ses yeux de golden retriever et moi le premier, j'aimerais pouvoir lui dire que cette épave est exceptionnelle mais force est de constater qu'il ne s'agit ni plus ni moins d'une vieille maison abandonnée.
— Nope mais t'en fais pas, une telle superficie en plein centre de Cambridge, tu en tireras un bon prix dans tous les cas, l'assuré-je.
— Je sais ça mais je voulais m'assurer d'avoir un catalogue plus riche avec des biens d'exceptions, soupire-t-il. Et puis tant qu'à faire, gonfler un peu plus les prix. Là, y a même pas de salle de bain, rien n'est aux normes et c'est mal isolé.
— Peut-être que vous devriez envisager une petite réno avant de le proposer à la vente ? suggéré-je en haussant les épaules.
— Tu pourrais dessiner un p'tit truc rapide ? enchaîne-t-il, les yeux pleins d'espoir.
Mais je secoue aussitôt la tête. Je hais quand on me demande de dessiner un « petit truc rapide ». Soit je dessine et ça me prend le temps que ça prendra, soit je ne dessine pas du tout.
— Je ne suis pas architecte d'intérieur, contré-je alors.
— Aller mec, tu m'as déjà fait des putains de plans ! encourage James avec un grand sourire.
Il se passe une main dans ses cheveux châtains et je peux lire la malice dans ses prunelles bleues à mesure qu'il m'adresse son sourire le plus charmeur. Lui et moi, avons manigancé plus d'un projet ensemble et je le connais depuis suffisamment longtemps pour savoir que cette figure est celle du plus grand escroc de l'année. C'est aussi celle qu'il affiche quand nous sommes au bar et qu'il cherche à aborder une nana.
— Non merci.
— Même pas un tout petit coup de crayon de ton génie ? supplie-t-il en plaçant ses mains en prière.
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THE HUNT - [Sexy Dark Academia Halloween Romance]
RomanceEnnemis jurés le jour, ils se transforment en amants éperdus la nuit. Olivia et Lance, chercheurs spécialisés en Architecture, sont enlisés dans une rivalité féroce pour remporter le projet de l'année, la construction du tout nouveau bâtiment du cam...