₃₃. ʟɪʙᴇʀᴛᴇ́ ᴇᴍᴘᴏɪsᴏɴɴᴇ́ᴇ

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Yael

Le hurlement frénétique et habituel de la cellule numéro cinquante-trois ne me réveil pas, ce matin, tout simplement car mon corps en a pris l'habitude, et décide maintenant de se réveiller avant lui. C'est un mec encore plus jeune que moi, qui est ici depuis cinq ans, et qui chaque matin a le droit à sa séance avec le psychiatre.

Son cri m'a toujours confirmé qu'il détestait ses rendez-vous, qui le rendaient encore plus fou qu'il ne l'était déjà.

Il est là pour meurtre. Il a buté trois mecs d'un coup, pendant un règlement de compte, et c'est drôle de me retrouver dans le meme couloir que lui. Je le mérite, au fond, car moi aussi j'ai du sang sur les mains, mais ce n'est pas pour ça que je suis rentré.

Pourtant, un dealer de drogue et d'arme se retrouve au meme niveau qu'un meurtrier.

Deux coups retentissent contre mon mur ou mon piteux lit est appuyé. Un simple drap blanc, une couverture puante sans housse et un oreiller dur comme la pierre.

Sans plus attendre, je roule pour tomber à terre, et passer en dessous.

Le visage de Kai m'accueille, un sourire chaleureux sur les lèvres.

-Ça fait trois ans qu'il gueule à la meme heure, je ne sais pas si tu te rends compte.

-C'est devenu le réveil des troupes, dis-je en rigolant.

Kaiys a été mis dans la cellule à côté de moi, par chance, ce qui m'a permis de survivre ici sans mourir. Nous nous voyons à chaque balade, celle du matin, la pause du midi, celle de l'après-midi, et le repas du soir, mais la nuit, je n'aurais pas survécu si nous n'avions pas eu cette bouche d'aération entre nous. J'en ai retiré le grillage de mon côté, et il a fait pareil, pour que nous puissions communiquer et nous voir, les nuits ou nous n'avons pas le droit de sortir. Meme si je dois me retrouver allongé au-dessous de mon lit en ferraille, j'avais besoin de ça pour me faire à la prison.

Et puis, que je dorme au sol sur mon matelas, la différence n'est pas grande.

-Il y a encore eu une bagarre, cette nuit, dis-je en repensant aux cris des gardes.

-Tu ne dormais pas ?

Je secoue la tête. Ici, meme au bout de trois ans, le sommeil n'est toujours pas de mon côté. Les murs froids et oppressants de ma cellule de six mètres carrés me compressent toujours autant qu'au début.

-Je crois que c'est Gary et Luis.

-Encore eux ?

Parfois, des mecs ont besoin de sang et d'adrénaline. Ils se donnent rendez-vous dans la nuit, ils appellent les gardes à la meme heure pour sortir, simulant une envie d'aller aux toilettes, et ils se battent là-bas, seulement pour se sentir un peu plus vivant.

La prison a pour but de nous calmer, mais c'est tout le contraire.

Ici, nous ne sommes rien, nous ne sommes plus personnes. Bien sûr, nous sommes des criminels, nous avons fait le mal. Mais le traitement infligé aux prisonniers, c'est un avant-gout de l'enfer. Certains ne voient plus leur famille, passent leur vie entre ces barreaux et dans cette cour, à répéter la meme routine, encore et encore, pendant des années entières. Ils finissent donc par ressentir ce besoin de vivre quelque chose d'autre, quelque chose qui les animent, et malheureusement, enfermé entre hommes et criminels, ils ne se calment pas, bien au contraire. De nouveau gang se créer, des nouvelles alliances, et des groupes bien distincts se font la guerre, meme entre ces murs de l'enfer.

La prison ne nous calme pas, elle alimente le feu en nous.

Personnellement, je ne parle à personne, à part Kaiys et Gin, ici. Nous sommes tombés dans la même prison, et meme s'il est du côté réservé au violeur, nous avions le droit de lui rendre visite pendant les pauses repas.

PUPILLE - BRAHMAN PARADISE Où les histoires vivent. Découvrez maintenant