₅₅. ᴅᴇs ᴠᴇ́ʀɪᴛᴇ́s ϙᴜɪ ᴇ́ᴄʟᴀᴛᴇɴᴛ

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Yael

Ce matin, je me suis réveillé en meme temps que la ville et le soleil, en entendant les marchants prendre place sur les rues, ou simplement les plus matinaux déjà en train de profiter de l'eau. Un poids sur mon torse, j'ai constaté avec mal que ce n'était rien d'autre que Lyviee, endormie contre moi.

Sa respiration été lourde, et son visage endormi laissé croire qu'il n'y a que dans ses rêves qu'elle se sent bien.

Difficilement, je me suis défais de sa prise en faisant attention à ne pas la réveiller, j'ai enfilé mes chaussures et attrapé ma sacoche dans la voiture, pour m'aventurer à la recherche d'une boulangerie. Je me suis revue il y a quelques années, après notre première nuit passé côte à côte, avec chou, ne me doutant pas une seule seconde de ou nous mènerait tout ça.

Quand je reviens sur la plage, Lyviee est assise, les genoux remontés contre sa poitrine, les yeux rivés sur les vagues mouvementés et les enfants qui y plongent sans crainte. Mon premier réflexe est de la prendre en photo, pour ne surtout pas oublier de retranscrire ça sur mon papier.

-Bien dormi ? je demande en m'asseyant à côté d'elle et lui posant les sachets de pâtisseries sur ses genoux.

-Pas aussi bien depuis longtemps, répond-t-elle en massant sa nuque.

Elle a les yeux encore endormis, et le visage aux traits de la nuit, mais n'en reste pas moins atrocement jolie et attirante. Je repense à ses lèvres contre les miennes, son corps bouillant en harmonie avec le mien et ce que nous étions prêts à faire, ici, dehors et sur un ponton... putain, rien que d'y penser, le rouge me monte aux joues, gêné de ma propre indécence.

Je croque dans un pain au chocolat, en dévore deux et une brioche au sucre, et tout le long, Lyviee ne pipe pas mots, les yeux toujours fixés vers l'horizon, avec une lueur de tristesse et d'inquiétude qu'elle ne réussit plus à cacher.

D'un coup de genoux, je la force à décrocher et me regarder.

-A quoi tu penses ?

-Je n'ai pas envie de rentrer, répond-t-elle simplement.

Sa voix est monotone et faible, loin de l'euphorie de la veille, elle m'a l'air ailleurs voire totalement absente.

-Tu veux visiter ? On peut rentrer ce soir, si tu veux.

Elle met un temps fou à réagir et a quitté le point imaginaire qu'elle fixe, avant de me lancer un regard un peu plus illuminé, mais toujours aussi triste.

-Tu es sur ?

-Oui.

Un jour de plus loin de ma famille ne va pas me tuer. Alyah n'est pas toute seule, Farid non plus. Et puis, s'il se passait quoi que ce soit, ils m'auraient appelé depuis longtemps.

Il est temps d'accepter que je puisse faire autre chose de ma vie que de rester collé à ma famille. Passer une journée à San Andres ne nous tuera pas, bien au contraire, j'ai l'impression que cette perspective rallume un petit peu le regard de Lyviee.

-J'ai l'impression de retourner en prison, en rentrant à Tepic.

-Je comprends. Je l'ai aussi.

Doucement, j'attrape son menton pour la forcer à me regarder. Ses yeux gris ont toujours été remplis d'une profonde tristesse dans laquelle je me perdais instantanément. Mais depuis que je l'ai vu s'illuminer, je ne supporte plus ne pas la voir briller.

-Profitons d'une petite journée de répits, ça te dit ?

Elle hoche la tête doucement, comme indécise et apeurée, et j'embrasse le bout de son nez délicatement avant de la forcer à se lever.

PUPILLE - BRAHMAN PARADISE Où les histoires vivent. Découvrez maintenant