PUPILLE - BRAHMAN PARADISE

₄₅. ᴘʟᴏɴɢᴇᴏɴs ᴅᴀɴs ʟᴇ ᴠɪᴅᴇ

Yael

C'est une Sarah transformée, qui sort préparer de mon cabanon. Mes yeux s'attardent sur sa robe en soie que je tenais dans mes mains il y a encore cinq minutes, mais surtout sur sa nouvelle perruque blonde et ses lentilles vertes. Adossé à mon mur, je tire sur ma cigarette quand elle s'approche de moi, mon regard la toisant de haut en bas.

-Un souci ? demande-t-elle froidement.

-Je n'aime pas tes perruques.

-Tu n'aimes pas grand-chose, et encore moins chez moi, sourit-elle en rangeant son sac à main à paillette.

-Peut-être, mais je te dis que je n'aime pas quand tu es... comme ça.

Malgré ses lentilles, son regard est le meme posé sur moi, avec cette meme manière de m'observer avec intensité. Si fort, que je suis obligé de détourner le mien et la dépasser.

-Allons y.

Elle s'exécute en silence, et très vite, le bruit de ses talons claque contre le goudron pour combler le silence qui tombe sur nous jusqu'à mon scooter.

-Tu ne devrais pas m'accompagner, fini-t-elle par lâcher en s'arrêtant derrière moi.

-J'ai besoin de me détendre.

Après cette soirée chaotique, ce n'est pas un puzzle et encore moins un joint qui va m'aider à le faire. J'ai besoin d'occuper mon esprit pour de vrai.

-En te mettant en danger ?

J'attrape mon seul casque et me retourne vers elle pour le poser sur sa tête.

-En évitant que tu crèves bêtement, oui.

-Excuses moi de ne pas etre une professionnelle dans l'art de tuer...

Elle lève les yeux au ciel pendant que je me penche pour accrocher le casque, mes doigts frôlant sa peau chaude au passage.

-Ce n'est pas facile ce que tu as à faire, Sarah. Tu n'as pas à t'excuser de ne pas y arriver. Personne n'est fait pour ça.

Ses deux nouvelles iris vertes fondent dans les miennes, attendant mes mots comme dans un besoin.

-C'est pour cela que je t'accompagne. Au moins, tu n'es pas seule.

-Et je ne meurs pas.

-Et tu ne meurs pas, aussi. C'est sympa.

Je ferme sa visière, monte sur mon scooter, et me prépare à démarrer quand elle entoure mon corps de ses bras et pose son casque contre moi.

-Je pensais que tu voulais me voir morte.

Ses mots sont presque inaudibles, mais je les perçois sans aucune difficulté. Ils se tournent et retournent rapidement en moi pour me faire réfléchir, et chercher aussi des explications qu'elle aimerait avoir, mais je n'en ai aucune.

Je la déteste du plus profond de mon cœur, mais je suis incapable de la laisser partir sans moi.

-Je pensais aussi.

Nous nous sommes arrêtés à cinquante mètres de l'adresse. Debout à coté de mon scooter, elle me remontre la photo de sa cible.

-Jason Slevator. Il a 33 ans et gère un trafic de femme. Protégé par des gangs importants de la zone, me répète Sarah une dernière fois.

Elle tourne en rond devant moi, passant et repassant ses mains dans ses cheveux ou sur sa robe qu'elle remet en place pour la dixième fois en une minute.

Sarah est une femme forte, et elle aime le montrer. La faiblesse n'a surement jamais eu sa place dans son monde, mais ce soir, elle a beau tout faire pour ne pas la montrer, elle prend le dessus sur toutes les fois où elle n'a pas pu la laisser prendre le dessus. Elle est morte de peur, et je n'ai pas besoin d'etre moi pour le voir.