₁₃. ʟᴇ sᴀɴᴅᴡɪᴄʜ

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Yael

Continuer à dessiner été stupide, enfin de compte. J'ai essayé de me faire à l'idée que c'était la chose à faire, pour elle, mais à chacune de mes œuvres, fier de ce que j'ai pu faire, c'est encore un coup de massue m'enfonçant un peu plus, me rappelant que je ne lui montrerais jamais.

A chaque œuvre terminée, ma seule et unique envie, si ce n'est besoin, est d'entendre les compliments de maman ou son avis, comme avant. J'ai continué dans le but de rester connecté à elle, et de la rendre fier, mais à chaque silence qui m'enveloppe en concluant mon dessin, je reviens à la meme conclusion, celle que maman n'a aucune idée que sa passion est devenue mienne.

Elle ne prononcera plus les mots qui me donnaient envie de faire encore mieux, quand j'étais plus jeune et que je débutais, et je ne verrais plus son regard brillant, fier de moi.

Mes dessins sont assombris par la peine qui a déteint sur mon imagination qui voit aujourd'hui le monde au couleur maussade et triste, et exprime la solitude et le vide laissé par le manque de celle qui leur ont permis de vivre en moi.

Ils ne sont plus que le souvenir et les traces de celle qui leur a donné la chance de voir le jour.

Sarah a finalement raison. Je ne sais pas pourquoi j'ai continué. Le dessin me fait du bien. C'est un peu comme un cocon éloigné du monde, qui me permet de souffler et de m'exprimer à ma manière le temps d'un instant, mais une fois terminé et que mon cœur attend toujours la voix de maman pour me féliciter, cette passion devient lourde, comme des chaines autour de mon cœur, m'empêchant finalement d'etre réellement apaisé.

C'est un bien pour un mal.

Je déchire le visage que j'étais en train de dessiner, tout simplement car les yeux qui se créer sous mes doigts sont ceux du fantôme qui hante ma vie.

Pas un jour sans que je ne dessine maman, ses yeux, ses mains ou sa silhouette dans le jardin. Je dois avoir des milliers de dessin d'elle depuis le jour où elle est partie, et des centaines représentant cette nuit ou on me l'a enlevé.

Si ma famille tombait dessus, il se dirait surement que je suis encore plus flippant que je le suis. Heureusement, rare sont les fois où ils me rendent visite dans mon cabanon. Alyah n'y met pas un pied, car si moi il m'aide à me sentir prêt de maman, elle, c'est son pire cauchemar. Celui qui lui rappelle qu'elle n'a jamais eu le temps de le voir, car on lui a retiré la vie avant.

Kaiys ne vient pas souvent non plus, mais lui, c'est seulement pour me laisser tranquille, chose dont j'ai besoin quand je m'enferme ici. C'est-à-dire, très souvent.

Fatigué, je m'allonge au sol, abandonnant les dessins. Hier, j'ai travaillé toute la journée au garage, et je suis resté tard au cercle avec Max et Yann, pour régler quelques soucis. Notamment nos plans pour récupérer nos mafias que les Corsica nous ont prises.

Encore des moments qui me forcent à penser en boucle à ce qu'aurait été ma vie si elle n'avait pas basculé cette soirée-là.

Et encore des pensées qui me fatiguent, me donnant envie de tout arrêter pour ne plus les entendre. Car au bout de plus de dix ans, j'ai bien compris qu'elles ne partiraient jamais. Elles se sont encrées en moi, elles sont devenues mon ombre, une seconde nature qui me colle à la peau. Rien, meme les bons moments, a réussi à les éloigner. Elles ne s'effaceront pas, je le sais pertinemment, mais j'osais espérer qu'un jour elles seraient mises à l'écart.

Ce ne fut jamais le cas, et c'est cette simple unique raison qui fait de moi l'homme que je suis. Pour eux je suis désagréable, désintéressé, aigri. Alors que je suis simplement fatigué, assommé constamment par mes pensées qui me détruisent intérieurement, m'empêchant de briller ne serait-ce qu'un petit peu. Elles m'emprisonnent, c'est tout.

PUPILLE - BRAHMAN PARADISE Où les histoires vivent. Découvrez maintenant