Debout sur le parvis de la Tour Luisdel, Luis ne semblait plus si sûr de vouloir y pénétrer ; il hésitait à rencontrer le milliardaire et, comme à l’accoutumé, il se posait mille et une question : Comment est-ce que l’homme le recevra-t-il quand il saura qu’il est au courant de tout, le séquestrera-t-il afin qu’il ne lui échappe plus jamais ? Le journaliste pensait être l’acteur principal d’une sorte de film d’horreur surtout lorsqu’il se rappela du visage effroyable que leur avait montré Amabell devant la fenêtre de son salon. Il avala la salive qu’il déglutit mal, regardait autour de lui cherchant en vain un secours qu’il savait qu’il n’aurait pas ; les gens allaient et venaient dans tous les sens, vaquant à leurs occupations dans une insouciance qui l’effrayait ! Aucun d’eux ne savait que le monde était encore plus mystérieux qu’il paraissait, il fallait en faire l’expérience pour accepter une telle réalité. Les filles le regardaient avec appétit et gloussaient devant ce corps qu’elles appréciaient sans gêne, certains hommes le regardaient du coin de l’œil et semblaient eux aussi apprécier ce qu’ils voyaient et même si toute cette attention lui apportait un petit souffle de gaité dans le cœur, Luis avait l’esprit ailleurs.
Son téléphone portable vibra dans sa poche et le fit sursauter ; il le sortit et vit un message de Sabine qui voulait de ses nouvelles. Il lui mentit qu’il se portait bien puis, elle le remercia de l’avoir amenée avec lui à cette soirée. Luis se pinça la lèvre car, maintenant qu’il savait qui étaient ces invités, il s’en voulait d’avoir entrainé la « pauvre » Sabine qui s’est, apparemment, éprise d’un de ces directeurs adorateur et membre de la secte fondée par Luisdel. Il pensa d’ailleurs à son patron qui, lui aussi, devait être au courant de beaucoup plus de choses qu’il ne disait. Epuisé par toutes ces réflexions, le journaliste décida de se concentrer d’abord sur le milliardaire avant de penser aux autres.
Un pas lourd devant l’autre, il se retrouva dans le hall de l’immeuble, à la réception.
— Bonjour Monsieur Primoas, Monsieur Luisdel vous attend, l’accueillit la jeune réceptionniste arborant un sourire inhabituel qui surprit Luis.
En marchant vers l’ascenseur, Luis se demanda si elle savait quelque chose, il se demanda si elle faisait elle aussi partie de ce club de suppôts malfaisants d’ailleurs, cet immeuble de forme phallique et tous ses occupants ne lui inspiraient plus confiance surtout après les évènements de la veille en ce même lieu mais, il se devait d’avancer. En trois minutes chrono, il sentit l’ascenseur s’arrêter et s’ouvrir sur le salon de Luisdel dont les odeurs de soufre et de vanille avaient envahi toute la pièce. Il laissa pénétrer sa tête la première, regarda à gauche et à droite mais ne vit personne, la pièce semblait vide alors, il avança, elle était propre, immaculée, jamais on aurait pu croire que la veille elle avait accueilli une foule de personnes. L’odeur de soufre très présente, était de plus en plus forte ; il essaya de se boucher les narines pour ne pas trop respirer la vanille à cause des effets qu’il connaissait mais il savait que c’était peine perdu c’est alors qu’il vit les motifs sur les murs se mouvoir ; il se frotta les yeux mais, ce qu’il pensait être une sorte de papier peint luxueux et représentant des sirènes avait l’air de prendre vie sous ses yeux. Luis sentit le froid l’envahir mais, étrangement, il n’avait pas peur ; derrière lui, il entendit quelqu’un se racler la gorge alors, il se retourna et, il était là, perché là-haut sur la mezzanine, la peau toujours aussi sombre tranchant avec la blancheur de sa chemisette et de sa culotte ; le regard perçant, il le fixait sans dire un mot, les traits du visage relâchés et l’odeur de soufre mêlée à la vanille encore plus forte. Les deux hommes se regardèrent dans les yeux l’un de l’autre pendant quelques secondes avant que, soudain, Luisdel ne disparaisse pour réapparaître subrepticement devant Luis qui ne manifesta aucune peur, il se comporta comme s’il n’avait rien vu d’inhabituel :
— Tu es encore plus beau ce soir, Luis ! lança Luisdel en lui faisant respirer son haleine directement à la source puis, il se décala et se dirigea vers le bar sous le regard de Luis qui ne disait toujours rien.
Le milliardaire prit le temps de leur servir deux verres de whisky avant de se retourner et de lui tendre un verre en disant :
— Tiens ! J’imagine que tu en as besoin après ce que tu viens de découvrir. Je suis heureux de constater que tu n’as pas peur de moi malgré ça !
— C’est donc vrai ! s’exclama Luis.
— Quoi ? Qu’en dehors des humains il existe d’autres êtres sur terre ?
— Jamais je ne l’aurais accepté si je ne l’avais vu de mes propres yeux, répondit Luis qui ignora le verre que lui tendait Luisdel.
— Tu ne bois pas ? demanda le milliardaire en fronçant les sourcils.
Le regard suspicieux que lui lança le journaliste l’amusa, il ricana avant de dire :
— Ce verre est tout ce qu’il y a de plus sain, enfin, si on peut dire d’un verre de scotch qu’il est sain, je n’ai rien ajouté dedans.
— Je ne boirai plus jamais rien qui vienne de toi. Tu te souviens de cette potion à Kribi…
— C’était un rituel de passage, c’est tout et c’est aussi grâce à ça que tu as cette apparence aujourd’hui…
— Ma véritable apparence, n’est-ce pas ? Tu n’as fait que libérer ce qui était déjà là, enfoui sous le nain hideux que j’étais, ce dont tu m’avais privé pour tes propres desseins !
— Tu devrais me dire merci…
— Parce que tu l’as fait par pure gentillesse ?
— Je te sens hostile, dit Luisdel la voix chantante.
— Comment te sentirais-tu si tu venais à apprendre que ton existence même n’a pour seul but que l’ascension sociale d’un être maléfique ?
— Aïe ! Pourquoi « maléfique » ? Ai-je déjà fait quelque chose de malsain ou de pernicieux en ta présence ?
— Tu le fais seulement en mon absence, c’est ça ? répondit Luis du tic au tac.
Luisdel sourit, vida l’un des verres qu’il posa sur la table basse et s’installa sur un fauteuil puis, croisa les jambes majestueusement.
— Tu es sûr que tu ne veux pas boire ?
— Je veux des réponses.
— Tu veux des confirmations puisqu’Axel et ta mère t’ont tout dit…en tout cas, au moins une bonne partie de l’histoire.
— Inutile de te demander comment tu le sais, n’est-ce pas ? Tu utilises certainement ces pouvoirs anormaux pour m’espionner…
Sans crier gare, Luisdel disparut de nouveau et se manifesta devant Luis qui fit un mouvement de recul mais fut retenu par la main puissante mais étrangement douce de son hôte.
— Je ne suis pas humain, c’est sûr, je peux être très dangereux, ça aussi c’est un fait mais, si on y réfléchit très bien, toi aussi tu n’es pas si humain que ça vu comment tu as été conçu et puis, les humains sont l’espèce la plus dangereuse qui existe sur cette terre, tu n’es pas d’accord avec moi ? Vous passez votre courte vie à courir après le gain, à vous battre, à vous entretuer pour des choses inutiles, vous vous détestez par pure jalousie, vous êtes perfides, égoïstes, cruels entre vous et envers les autres espèces ! Même quand on pense que vous avez de la passion, de la compassion, de l’amour en vous, vous réussissez toujours à vous montrer plus bestiaux que la bête la plus vile !
— Et toi avec tes nageoires et tes écailles tu penses être mieux ? osa Luis en le regardant droit dans les yeux.
Luisdel sourit et se rapprocha encore plus du journaliste puis, murmura :
— Je ne savais pas que tu avais autant de caractère la première fois qu’on s’est vus ! Tu me plais comme ça !
Cachant le plaisir qu’il ressentait en écoutant ces paroles sortir de la bouche du milliardaire, Luis demanda :
— C’est quoi cette histoire de Complément et pourquoi m’avoir choisi moi ?
— Je ne t’ai pas choisi, mon père l’a fait pour moi. répondit Luisdel.
— Pourquoi ?
— Ça ne te regarde pas ! répliqua abruptement le milliardaire.
— En quoi consiste cette fusion ? Je vais mourir dans le processus ?
Luisdel garda le silence car, cette question le mettait mal à l’aise, il se servit un autre verre de scotch et en but entièrement le contenu avant de s’en resservir un autre.
— Tu es sûr que tu ne veux vraiment rien ?
— Donc je vais mourir, c’est inévitable ! réalisa Luis en se laissant choir sur le fauteuil capitonné le plus proche.
— Je suis sincèrement désolé, Primoas Luis…
— Je le suis encore plus pour toi parce que je n’accepterai jamais une telle chose et quel que soit la puissance que tu veux avoir grâce à ma virginité, tu devras te trouver autre chose !
— Sais-tu seulement ce que signifie ton nom ? demanda Luisdel avec arrogance. Je l’ai compris récemment, ton nom est une petite anagramme qui, dans l’ordre, signifie PROMIS A LUI et le « lui » en question se réfère à moi…
— Donc je t’appartiens, j’ai bien compris maintenant mais pour que je sois vraiment à toi, faut que je sois consentant, n’est-ce pas ?
— Tu n’as pas d’autre choix. dit Luisdel qui s’assit près de Luis, éveillant ainsi ses sens. Tu comptes me résister ?
— De…de toutes mes forces…je tiens à la vie…
— Tu as surtout envie de profiter du corps que je t’ai offert en faisant des folies avec d’autres ! dit le milliardaire en se levant, rompant ainsi le lien sexuel qui était en train de se former entre eux.
— J’en ai le droit, non ? Je suis une personne à part entière, j’ai des droits, j’ai le droit de vivre et de décider de vivre ou mourir ! se rebella Luis.
— Crois-moi, je ne suis pas homme à aimer faire du mal aux gens d’ailleurs vous les humains, vous êtes très insignifiants à mes yeux ! Il n’y a que toi qui compte…
— Parce que ma vie t’est utile.
— Parce que je n’ai pas d’autre choix ! Tu es venu au monde pour moi, tu es l’ultime cadeau que m’a fait mon père afin que je sois au même niveau que mes frères ! gronda Luisdel qui perdit presque le contrôle.
— Tu es défaillant ? se moqua Luis.
— Je suis un bâtard, répliqua Luisdel essayant de dissimuler sa peine sous la colère, il n’y a pas que toi qui vit une situation familiale compliquée. Dans mon monde, sous l’eau, je suis le fils bâtard du plus grand roi des mers, le roi au-dessus de tous les autres et, à cause de ma condition hybride, je ne suis pas naturellement éligible au trône royal. Des Compléments, chaque sirène en a naturellement sur terre parmi les humains, mes frères en ont un chacun et pourront donc ainsi se battre pour le trône mais moi, je suis finalement le seul de mon espèce puisque je suis mi-sirène et mi-…
« Mon frère ! »
Amabell venait de se rendre visible aux seuls yeux de Luisdel, il tenait au bout de ses griffes le corps inconscient et meurtri d’Alex.
« Pas besoin de lui dire ça. Tu pourrais l’effrayer pour toujours. »
— Manifeste-toi, Amabell, nous avons un invité et je n’ai plus l’intention de lui cacher quoi que ce soit.
Le frère aîné de Luisdel se manifesta sous les yeux exorbités de Luis qui se précipita sur le corps inerte d’Alex qu’Amabell venait de jeter par terre comme un vulgaire sac sans valeur.
— T’inquiète, il est encore en vie. Plutôt robuste pour un humain ! dit Amabell.
— Tu aurais pu mettre un plastique avant, il va me saloper le parquet ! gronda Luisdel qui guettait la réaction de Luis.
— Je croyais que tu ne faisais de mal à personne ? reprocha Luis.
— Je t’ai dit aussi que je suis dangereux, que les humains m’indiffèrent. Cet humain m’a donné beaucoup de fil à retordre avec ta mère, il mérite de mourir mais avant, je veux qu’il me dise d’où il tient toutes les histoires qu’il connaît sur mon monde. répondit Luisdel avec indifférence froide.
— On se rencontre enfin, joli garçon ! Mon nom est Amabell et je suis le frère aîné de ton soupirant…
— Il n’est pas mon soupirant…
— Pas encore mais ça, c’est parce qu’il est mou du genou ! ricana Amabell.
— Tu as bientôt fini ? gronda Luisdel. A-t-il parlé ?
— Il n’a rien dit ! Il n’a même pas poussé un seul cri alors que je lui ai planté mes griffes dans la chair plusieurs fois. J’ai trouvé ça bizarre pour un simple humain. Il m’ennuyait alors, je te l’ai amené.
— Effectivement, il a quelque chose de différents des autres humains, dit Luisdel en se rapprochant d’Alex qui émergeait à peine.
— Alex, ça va ? Luisdel, ne t’approche pas ! interdit Luis.
— Allons, allons, qui va m’en empêcher ? se moqua Luisdel en soulevant Axel d’une main puissante. Qui es-tu ?
— Je…je n’ai pas peur de toi, balbutia Alex la bouche ensanglantée, le visage boursoufflé.
— Ts ts ts, tu n’es pas humain, en tout cas pas comme les autres, ça c’est sûr ! Ouvre les yeux, regarde-moi ! exigea Luisdel mais Alex gardait à présent ses yeux obstinément fermés.
— J’ai failli lui arraché un bras tout à l’heure avec cette attitude, dit Amabell en se servant un verre de scotch.
— Moi, c’est la tête que je vais lui décoller des épaules tout de suite ! Tu es déjà mort, petit, je n’ai besoin que de savoir qui t’a fourni tant d’informations sur nous et finalement, ce que tu es m’importe peu alors, parle, sinon tu ne m’es d’aucune utilité et donc, je t’étriperai sans hésiter ! menaça calmement le milliardaire dont le regard scrutait Alex.
— Devant ton Complément ? Tu n’oseras pas lui montrer quel monstre tu es ! défia Alex les yeux toujours fermés alors qu’il était suspendu dans l’air tel un pantin au bout des doigts de Luisdel.
— Puisque tu en sais tant sur nous, tu dois savoir que le parfum vanille fera le travail qu’il faut pour qu’il se donne à moi volontairement et puis, j’en fais mon affaire toi, parle !
— Je ne dirai rien…
Il avait à peine terminé sa phrase que le regard de Luisdel prit sa teinte écarlate naturelle, sa patience ayant atteint ses limites et, de son autre main, il saisit un des bras d’Alex sur lequel il tira avec force tout en y plantant ses griffes acérées ce qui eût pour effet de forcer Alex à pousser un cri strident qui déchira l’air alors que Luis se joignait à lui pour supplier le tortionnaire qui, surpris, semblait éprouver quelques difficultés à détacher ce bras du reste du corps.
— Parle ! répéta Luisdel qui accentuait la pression sur le bras dont les os craquaient de plus en plus.
— Quel dommage de devoir torturer un si joli p’tit lot ! Mon frère a beaucoup moins de patience que moi, Alex ; qui est le traitre qui t’a donné des informations sur notre monde ? demanda Amabell en sirotant calmement son whisky comme si la situation était des plus normales.
— Jamais, je ne dirai rien !
— Luisdel, je vous en supplie…suppliait Luis.
— Voilà que tu me vouvoies à nouveau ! s’étonna Luisdel un rictus carnassier à la lèvre.
Les os du bras d’Axel craquaient de plus en plus sous l’effet de la puissance de Luisdel et les chairs semblaient se détacher à leur tour quand, tout d’un coup, le jeune homme se mit à grossir et se libéra de l’emprise de son tortionnaire avant de prendre sa forme naturelle sous les regards ahuris de toute l’assistance :
— Ça devenait évident, Karab !
— J’aurais dû m’en douter ! s’exclama Amabell. Co…comment est-ce possible ?
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S.A.R MILAN F. LUISDEL
ParanormalUn couple qui n'arrive pas à avoir des enfants par tous les moyens traditionnels et médicaux mis à leur disposition et, dans le désespoir, il décide de se tourner vers des pratiques occultes. C'est ainsi qu'il fait un pacte de sang avec une entité à...