MILAN F. LUISDEL
CHAPITRE 19
Le regard vif tel celui d’un chat dans l’obscurité, les sens en éveil et la curiosité aiguisée, Luis recula de quelques pas et attendait impatiemment le prochain mouvement de son invité. Le journaliste s’empara de son peignoir qui trainait là, il se glissa dedans mais ne prit pas la peine de le nouer. Luisdel, quant à lui, ne bougeait pas, il le regardait avec ses yeux en amandes, il observait son Complément et cherchait dans les yeux de celui-ci on-ne-sait-quoi. Luis se sentait déstabilisé par cette attitude silencieuse et pourtant si éloquente. Son peignoir toujours ouvert, le journaliste ne s’inquiétait pourtant pas le moins du monde pour sa nudité, il fixait à présent Luisdel comme s’il cherchait à relever une sorte de défi tacite. De ses yeux curieux, il lui intimait sourdement l’ordre de se dépêcher d’accomplir enfin la tâche qui l’avait amené. Quelques secondes passèrent sans qu’ils ne bougent ni n’émettent le moindre son et Luis remarqua la gêne de son invité, il semblait se sentir coupable de quelque chose, une expression de honte traversa même son visage avant de disparaître ; le milliardaire semblait s’en vouloir de toute la misère du monde et se mettre à nu comme il voulait le faire ne devait pas être facile. Luis le comprenait et il sentit son cœur se fendre ; il aurait même voulu courir dans sa direction, se rapprocher de lui et l’entourer de ses bras mais, il se retint. Au lieu de ça, il demanda sur un ton détaché :
— Alors, ça vient ?
— Comment me concentrer quand j’ai sous les yeux ton corps nu qui me distrait ? Tes courbes son magnifiques, Luis et j’adore cette toison sombre sur ton pubis, elle me donne envie de me jeter à tes pieds et la humer à en perdre la tête !
— Mais…qu’est-ce que tu racontes, pervers ! Reste concentré ! reprocha gentiment Luis qui, au fond, se sentait flatté.
— Tu as pourtant l’air d’apprécier ce que je dis vu la taille que prend de plus en plus ton membre. répondit Luisdel sur un ton coquin tout en désignant de son regard lascif l’appendice de plus en plus dur, de son Complément, qui pointait légèrement vers la gauche.
— La ferme ! lança Luis. Tu penses que je suis en bois ?
— En tout cas, elle a l’air de durcir comme du bois, ajouta Luisdel qui ne cessait de ricaner, affichant une dentition blanche qui ravissait le journaliste.
— Malheureusement tu n’y aura pas droit, tu n’es qu’un vilain garçon qui m’a manipulé, rétorqua Luis en couvrant sa nudité.
Le journaliste était surpris de ressentir ce petit sentiment de liberté en la présence du milliardaire qui pourtant devait mettre fin à sa vie en l’absorbant. Il observa de nouveau l’homme qui ne bougeait toujours pas de là où il se tenait depuis quelques minutes. Celui-ci lui adressait à présent un de ces regards concupiscents accompagné d’un rictus de circonstance. Luis en avait lui aussi plein la vue mais retenait les pulsions de tout son être qui le poussaient à aller satisfaire ses envies. Il avait en face de lui la définition même de l’homme : noir tel de l’ébène, la musculature saillante telle une statue sculptée dans le roc, la mâchoire carrée et ornée par ce sourire ravageur, les jambes athlétiques et nues dans cette culotte de pyjama que portait la créature qui semblait être directement sortie de son lit sans la Tour Luisdel pour faire une balade nocturne. Luis se retint de fixer avec insistance la forme plus que révélatrice de cette arme de destruction massive que recouvrait la culotte et jeta le visage à droite dans une attitude snobe qui amusa le milliardaire. Le journaliste sentait son âme vaciller face à tant de beauté offerte.
— Je suis heureux de voir que je te fais de l’effet, Promis A Lui, je vois dans ton regard que tu as envie de moi…
— On peut passer à la partie où tu me montres ton vrai visage ? rappela Luis dont la délicieuse gêne avait atteint des cimes.
Une fois de plus, le milliardaire rigola puis, directement après, il reprit un visage plus sérieux, plus triste et le plus coupable du monde avant de faire apparaître, en un clin d’œil, une figure sombre qui aurait fait peur au plus normal des êtres humains mais que Luis regardait, observait en même temps que tous les changements qui venaient de s’opérer sur le corps de Luisdel. La créature resta figée là, devant le journaliste et celui-ci pouvait encore voir la tristesse à travers son expression corporelle. Une odeur de soufre remplit la pièceet blessait les narines de Luis dont le regard restait braqué sur Luisdel. Le milliardaire avait grandi d’au moins quinze centimètres et avait pris encore plus de muscle en l’espace d’un battement de cils ; la peau de son corps avait disparu sous une fourrure de fauve sombre et fournie. De haut en bas jusqu’à ses genoux, son corps était recouvert d’une armure de bronze et ses jambes protégées par des cuissardes qui lui donnaient l’allure d’un guerrier ; il gardait recroquevillées dans son dos, une immense paire d’ailes majestueuses et encore plus sombre que la fourrure sur sa peau. Il avait déjà vu les aimes de Luisdel mais, elles avaient, cette fois-ci, quelque chose de différent, de plus démoniaque que jamais. Sous la cape que portait le milliardaire, Luis ne voyait qu’un vide, il n’arrivait pas à définir les contours du visage de la créature alors, sans peur, il se rapprocha doucement de lui et, lorsqu’il fut assez près, il leva la main pour lui toucher le menton mais Luisdel détourna le visage et recula d’un pas. C’était sans compter sur Luis qui se rapprocha de nouveau, intrigué par ce vide :
— Regarde-moi, Luisdel, ne me cache pas ta face.
Luisdel tourna la tête et, soudain, deux flammes rouges apparurent dans le fond de ses orbites avant de se rapprocher de plus en plus et d’occuper tout l’espace de ses orbites creuses, éclairant ainsi son visage squelettique. Luis eût alors un mouvement de recul devant la tête de mort aux yeux rouges qui venait d’apparaître sous cette cape. Le milliardaire recula de nouveau et cacha son visage à son Complément qui se rapprocha de nouveau, lentement.
— Qu’est-ce…tu n’as plus rien d’un triton ! Tu es majestueux !
— Tu es bien le seul à me voir comme ça, répondit Luisdel dans une voix encore plus grave qu’elle ne l’était habituellement.
— Tes frères t’ont déjà vu sous cette forme ?
— Oui, quelques rares fois où ils m’ont vraiment mis en rogne, répondit le milliardaire.
— Je comprends mieux pourquoi ils te détestent ! Tu es magnifique ! s’exclama sincèrement Luis.
— Tu…je suis hideux ! Même moi je me répugne ! Je déteste cette tête que j’ai, c’est…
— Démoniaque ? termina le journaliste.
— Oui, Luis, confirma Luisdel. Je suis un croisement entre un triton métamorphe et une créature démoniaque…
— Laquelle ? demanda Luis.
— Ne me force pas à le dire, Luis, murmura Luisdel.
— Si, je veux le savoir…
— Tu le sais déjà, regarde mes ailes…
— Je veux l’entendre de ta bouche, renchérit le journaliste.
— Ma mère est un démon des enfers, Luisdel, un démon…
— Quel…quel est son nom ? le coupa Luis impatient.
Luisdel aurait voulu échapper à cet interrogatoire plus que tout. Il se sentait déjà responsable de la vie solitaire qu’avait dû mener son Complément et, maintenant qu’il commençait à s’attacher à lui, il ne voulait aucun obstacle entre eux.
— Ce n’est pas une bonne idée, hésita le milliardaire qui se dirigea à pas lourd vers la fenêtre.
— Je veux savoir, Luisdel, tu es venu ici pour ça et tu as fait la moitié du chemin, je veux savoir ! Est-elle la pire de toute ?
— Elle est la pire que pire ! répliqua Luisdel.
— Son nom !
— Lilith ! Elle s’appelle Lilith ! Ma mère s’appelle Lilith ! cria la voix tonitruante de Luisdel qui fit trembler les murs.
— C’est qui ça ? demanda Luis sincèrement ignorant à la surprise de Luisdel.
— La première femme d’Adam, le premier homme sur terre, la putain de Satan qui s’est faite démon ! Je te croyais plus cultivé que ça, lança Luisdel déçu.
— Au cas où tu ne l’aurais pas remarqué je ne suis pas le plus religieux. Tout ce qui a trait à la religion j’ai mis un point d’honneur à toujours m’en éloigner. Cette Lilith…
— Ma mère, le coupa Luisdel.
— Ta mère était donc la première femme sur terre, avant Eve ?
— Oui.
— Toutes ces choses de la Bible existent donc réellement ? Attends…si Satan et les démons existent, ça veut dire que Dieu existe ?
— Tout existe. Et puis, à quoi pensais-tu quand tu voyais mes ailes ou quand tu me traitais ma tête de démoniaque tout à l’heure ?
— Je t’avoue que je n’avais vraiment pas considéré la question sérieusement, répondit Luis.
— Et maintenant ?
— Qu’est-ce qu’elle a fait de si terrible ce démon ?
— Après avoir quitté l’Eden, elle est allée vivre sa vie au bord de la mer rouge et est devenue l’amante du diable avant d’accepter sa proposition de devenir démon elle-même. Elle fut le premier humain changé en démon par les soins du diable lui-même qui voulait en faire sa partenaire pour l’éternité alors, il fit d’elle un ange démon et lui confia le pouvoir de la procréer. Lilith le quitta pour une raison jamais vraiment révélée et décida d’apprécier parmi tous les mets sur terre, le cœur des enfants en bas âges ; elle séduit des hommes, des créatures mâles et se reproduit puis abandonne ses enfants depuis le premier âge. Elle est aussi le démon de l’infertilité chez les femmes…
— Tu veux dire que…
— Oui, Promis A Lui, si ta mère n’arrivait pas à faire des enfants, il est très probable que Lilith en soit la cause…
— Et que tout ceci fasse partie d’un plan machiavélique ourdi par ta mère pour que je vienne au monde pour te servir de Complément, réalisa Luis.
— Le puzzle se met en place, confirma Luisdel qui reprit sa forme humanoïde.
— Si tout ceci est avéré, quel en était le but ? Elle se serait juste servie de ton père comme de tous les mâles de chaque espèce sur son passage mais dans quel but ?
— Dans le but d’avoir à la tête des tritons un être qui lui soit acquis, un être de son sang ! réalisa Luisdel en s’asseyant sur le bord du lit de Luis.
— Ça se tient mais pourquoi voudrait-elle d’un démon hybride à la tête du monde des eaux ?
— Tu n’auras qu’à lui poser la question lors de son prochain passage sur terre dans cent mille ans ! dit amèrement le milliardaire.
Luis se rapprocha du milliardaire dont les épaules étaient basses, la souffrance palpable puis, il demanda :
— L’as-tu déjà rencontrée ?
— Une fois, répondit Luisdel, à l’adolescence et elle m’a clairement fait comprendre que des enfants, elle en a plein et que tout ce qu’elle attend de moi c’est de vivre pour…accomplir ma destinée !
— Mon Dieu, tout ceci fait vraiment partie d’un plan aux enjeux plus grands que notre imagination ! Amabell avait donc raison ! s’exclama Luis.
— Amabell ? demanda Luisdel et, sans attendre la réponse de Luis, il ajouta soudain : Je dois partir…
— Où ?
— Je te promets de t’en parler plus tard.
Il se leva précipitamment et se dirigea vers la fenêtre mais fut stoppé par le journaliste qui lui annonça le dîner prévu le lendemain avec Rachel.
— Curieux. dit Luisdel avant de déployer ses ailes et de s’envoler dans les airs dans ce ciel étoilé.
Luis resta seul dans sa chambre et, la brise nocturne le fit frissonner avant qu’il ne referme la fenêtre. Les révélations qui venaient de lui être faites l’intriguaient plus qu’elles ne lui faisaient peur. Il balaya sa chambre du regard et s’arrêta sur cette fiole que lui avait donnée Rachel plus tôt ; il se dirigea vers elle, l’ouvrit et la huma avant de la repousser loin de son nez à cause de l’odeur forte qui s’en échappa. Qu’est-ce que cela pouvait bien être ? se demanda-t-il. Il savait tout de même qu’à l’inverse des potions de Luisdel, celle-ci n’avait certainement rien à voir avec un filtre d’amour. Le journaliste se dirigea vers la salle de bains où il voulut se débarrasser du contenu mais, pour une raison inconnue, il hésita trop longtemps et referma la fiole qu’il reposa sur sa table d’études lorsqu’il revint dans sa chambre. Luis s’assit, alluma son ordinateur portable et se lança dans des recherches sur internet qui lui prirent une bonne partie de la nuit.
POINT DE VUE DE RACHEL
En larme sur son lit, Rachel ne cessait de se remémorer son passé trouble et les choix qui ont conduit son premier fils à préférer les hommes pire encore, à hésiter devant le choix de la vie ou de la mort. Elle se tournait et se retournait sur son lit comme une toupie, la culpabilité la rongeait et elle ne voyait pas comment sortir tous ses enfants de ce cercle infernal ; elle maudissait de toutes ses forces cette femme rencontrée dans le bus qui lui avait donnée le conseil de faire appel à des entités surnaturelles pour avoir des enfants. Rachel adorait ses enfants, tous les quatre mais, pensa-t-elle, jamais elle n’aurais dû accepter ce deal avec ce monstre des eaux !
Ne trouvant pas la paix de l’esprit, elle s’assit sur son lit puis, se mit à genoux par terre et se saisit de son chapelet qu’elle se mit à égrainer avec ferveur, priant la Vierge Marie de lui venir en aide en intercédant en sa faveur auprès de son fils Jésus et de Dieu qu’elle reconnaissait avoir offensé. Le flot de larmes coulait incessamment tandis que sa prière grandissait en intensité ; elle se coupa du monde qui l’entourait, priait pour l’âme de son premier fils et demanda la protection divine pour ses enfants quand elle entendit un cri strident dans le couloir. Son cœur tomba dans ses talons et, elle bondit dans la direction de la porte ; lorsqu’elle l’ouvrit, l’horreur était là, jamais elle n’avait vu une mare de sang aussi énorme de toute sa vie. L’expression horrifiée sur le visage, elle voulut crier mais aucun son ne s’échappa de sa gorge, elle tendit la main comme pour arrêter la vie qui s’échappait de ces pauvres yeux mais, celle-ci lui glissait entre les mains. Rachel poussa finalement un cri épouvantable de douleur avant de s’évanouir dans la mare de sang de cet enfant chéri depuis sa conception jusqu’à l’âge adulte alors que les deux autres criaient eux aussi devant le rire machiavélique de Karab dont la bouche dégoulinait encore du sang de sa victime.A SUIVRE...
VOUS LISEZ
S.A.R MILAN F. LUISDEL
МистикаUn couple qui n'arrive pas à avoir des enfants par tous les moyens traditionnels et médicaux mis à leur disposition et, dans le désespoir, il décide de se tourner vers des pratiques occultes. C'est ainsi qu'il fait un pacte de sang avec une entité à...