CHAPITRE 18

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L’air était lourd, le silence pesant, la peur comme la colère étaient grandissantes et faisaient leur petit bout de chemin dans l’esprit de Rachel dont le regard allait de Karab à Amabell. Elle repensa au scénario horrible qu’avait décrit Karab si elle lui jetait encore du sel mais, la colère l’emportait sur la peur et l’effroi alors, d’un geste rapide, la dame fourra une main dans l’une de ses poches et en ressortit une poignée de sel qu’elle aspergea en éventail sur les deux humanoïdes en face d’elle en criant :
« Allez au Diable, démons ! »
Les deux tritons évitèrent de justesse ce sel et, Karab dit :
— Tu recommences avec ton sel de cuisine ?
— Franchement, je ne vous veux aucun mal, vous êtes d’ailleurs trop pitoyables pour que je m’intéresse à vous mais la situation veut que je me frotte à vous, malheureusement. Je suis venu réclamer ce qui nous revient de droit soit vous vous montrez raisonnables, soit je vais m’amuser à vous étriper tous dès ce soir et je commencerai par tes frères, les pauvres, annonça Amabell dans un calme froid et sentencieux en regardant Luis dans les yeux.
— Je ne reviens de droit à personne, regimba Luis.
— Oh, que si, mon petit, oh, que si. Tu nous appartiens, tu es très important pour la suite des évènements en fait, tu es la pièce la plus importante mais ça…tu le sais déjà. On attend juste que tu l’acceptes et que ta mère arrête de nous emmerder avec ses vaines tentatives pour t’empêcher de tomber dans les bras de Luisdel. Que tu le veuilles ou non, tu lui appartiens, Promis A Lui !
— Tu n’es pas au courant de la dernière ? Tout comme je pourrais me faire dépuceler par le premier ou la première venue pour contrecarrer vos plans, je pourrais aussi dire non, juste en éprouvant de la colère contre lui et, pour le moment, je n’ai aucune raison d’éprouver autre chose que ça pour vous…surtout quand j’entends toutes ces menaces contre moi et ma famille…
— C’est quoi cette histoire de colère ? demanda Karab.
— Qui t’a parlé de ça ? demanda Amabell qui peinait à présent à garder une attitude stoïque.
— C’est ça, mon fils, juste la colère ? jubilait Rachel.
— Mais c’est quoi cette histoire de colère ? répéta Karab. Tout ceci est très intéressant !
— Tu le saurais si tu prenais un peu plus au sérieux tes lectures sur le sujet, tu le saurais si tu savais quels sont réellement les enjeux de cette histoire au lieu de ne voir que ta petite jalousie contre ton frère !
— Il n’est pas mon frère ! se refusa Karab.
— Comment tu l’as su, mon fils ?
Tous  retournèrent vers Luis dont la grande gêne soudaine trahit les idées qui lui passaient dans la tête. Amabell l’observa et sourit avant de dire :
— Il semblerait que le rapprochement entre les deux tourtereaux soit acté…
— Quoi, qu’est-ce que ça veut dire ? demanda Rachel inquiète.
— Ça veut dire que ton fils chéri éprouve des choses compliquées pour Luisdel, répondit amèrement Karab en foudroyant Luis du regard.
— C’est vrai ce qu’ils disent, mon fils, c’est vrai ? demanda Rachel au bord des larmes alors que le journaliste se murait dans un silence éloquent et coupable.
— Mais tu veux mourir, Luis, tu veux mourir, disparaître ?
— Non, non, non ! répondit Luis à sa mère.
— Quelle est donc cette histoire ? Un homme ? Mon fils, ce sont des monstres !
— Pas Luisdel, défendit le journaliste avant de le regretter la seconde même où il l’avait dit.
— Quelle déception ! s’exclama Karab.
— Quelle tristesse ! s’effondra Rachel dont les yeux déversaient des flots de larmes devant la réalité amère.
Amabell les regardait, se fendit d’un rire sataniquement joyeux avant de s’évaporer sous leurs yeux. Les trois autres restèrent là, dans cette ruelle finalement sombre malgré les quelques lumières qui l’éclairaient. Un vent glacial étreignait Rachel dont les larmes ne cessaient de couler. Elle dit :
— Prends cette potion, fils, verse-là dans une boisson qu’il aime, utilise-là pour vivre et rencontrer tes frères.
Elle lui tendit la fiole remplie de cette substance censée opérer un miracle, il la prit non sans hésitation et la  fourra dans une de ses poches en silence. Ses yeux rencontrèrent le regard de Karab qui affichait une mine déçue au plus haut point.
— Je pourrais te tuer là, tout de suite et tout ceci s’arrêterait là…ou mieux encore, je pourrais simplement te violer…
— Fais-le, tue-moi qu’on en finisse ! cria Luis.
— Arrête, Alex… Karab, quel que soit ton vrai nom ! Il y a 30 ans, j’ai été amenée à faire un choix, un choix difficile dont les conséquences sont terribles aujourd’hui, c’est autour de Luis, c’est à lui que revient le choix de décider sur sa vie maintenant. Je t’en supplie, fils, quel que soit ce que tu penses…éprouver pour cette bête sauvage, tu sais qu’il te manipule grâce à ce parfum et cette mixture que tu avais avalée, rien n’est réel ! C’est du suicide, fils, choisis la vie, la vie ! le supplia Rachel toujours en pleurs.
Le silence envahit la ruelle quelques secondes. Karab regardait de gauche à droite, de droite à gauche, de Louis à Rachel et sentait la colère grandir en lui jusqu’à ce qu’elle déborde par ses lèvres :
— Alors quoi, c’est tout ? Tu le laisses décider de notre sort à tous ? Amoureux comme il doit déjà l’être et toi tu le laisses décider ? Avec les effets de tous ces produits dans son système tu penses qu’il va se passer quoi ? Il n’aura bientôt plus aucun raisonnement, aucun libre arbitre, il sera bientôt prêt à donner sa vie pour ce sauvage ! De mon point de vue, il n’y a plus qu’une seule solution, la mort du Complément !
—  Non ! s’écria Rachel qui se mit entre les deux hommes. Je ne peux pas lui avoir donné la vie, l’avoir sacrifiée et décider encore de la lui reprendre, je suis sa mère, il doit lui-même choisir la vie…
— Tu dois être folle ! Le moment est très mal choisi pour avoir des remords. Si tu es prête à le perdre parce que tu l’avais déjà sacrifié, moi je ne suis pas prêt à prendre le risque de voir ce connard monter sur le trône qui me revient de droit, ça jamais ! Il y a trop de choses en jeu et j’ai donné de ma personne pour lui mettre des bâtons dans les roues ! Que crois-tu qu’il se passera pour moi s’il monte sur le trône ? Il est déjà plus fort que moi de par sa nature mais sa force et ses pouvoirs vont décupler après la fusion, il va me faire des…des choses horribles ! 
— Je ne peux pas te laisser faire du mal à mon fils, on trouvera une autre solution…s’interposait Rachel en pleurs mais le corps prêt à défendre Luis telle une poule défend ses petits.
—  Tu as été gentille avec moi durant tout le temps que tu croyais que j’étais Alex mais sache que rien ne m’arrêtera si je dois défendre ma vie ! Je t’écorcherais vive sur le champ si je dois le tuer ou alors…après réflexion, j’ai mieux, si je ne peux pas tuer ce fils-ci, tu en as encore trois autres que je me ferai…
Il ne vit pas arriver la poignée de sel qu’il prit en plein visage. Karab poussa un hurlement qui provoqua un mini tremblement de terre autour d’eux tellement le sel lui transperçait les chairs et, en une fraction de seconde, il perdit ses jambes et son immense queue de poisson apparut sous le regard horrifié de Rachel qui saisit le bras de son fils puis, la mère et l’enfant prirent la clé des champs.
— Tu m’as brûlé le visage pour la dernière fois, Rachel, je sais où tu te caches avec tes enfants ! cria Karab alors que sa queue l’empêchait de courir après eux et que les fenêtres autour de lui s’ouvraient, laissant apparaître des têtes qui voulaient comprendre tout ce tohu-bohu.
Seuls dans une autre ruelle, Rachel demanda à son fils de se réveiller et de mettre fin à ce qui devenait de plus en plus inquiétant mais, le journaliste répondit :
— Je ne sais pas comment faire, Ma…Rachel, je n’ai pas peur de lui ; je le regarde et je me rends compte qu’il n’est pas si monstrueux qu’on le pense…
— Quoi ? s’écria Rachel. Mais c’est une créature surnaturelle, un monstre marin doublé d’un croisement avec quelque chose que nous devrions nous aussi craindre si son propre frère le déteste autant !
— Karab ne déteste Luisdel que parce qu’il est plus fort, plus beau, plus majestueux, parce qu’il est né d’une union adultérine, parce qu’il est très probable que la fusion avec son Complément fasse de lui un être encore plus supérieur à tous et que celui-ci prendra le pouvoir dans leur monde.
Sidérée, Rachel écoutait son fils sans mot dire avant de claquer des doigts :
— Tu en parles avec un tel calme, de l’admiration même on dirait que tu n’es pas directement concerné mais, mon fils, il s’agit de ta vie, réveille-toi ! S’il réussit à monter sur ce trône ou je-ne-sais-quoi, ce ne sera que parce qu’il t’aura absorbé et j’ai mal parce que tu sembles résigné !
— A qui la faute ? La nature vous a refusé des enfants à ton mari et à toi mais vous en vouliez à tous les prix au point de frayer avec l’innommable, au point de sacrifier un enfant ! Tout ce que je suis c’est le résultat de votre obstination, de votre obsession…je ne devais pas exister, Rachel, jamais je n’aurais dû naître, pleurait Luis qui se jeta dans les bras de sa mère.
— Je suis désolée, mon fils, tu as raison sur toute la ligne : tout est de notre faute à ton père et à moi. Nous aurions dû nous contenter de la vie que nous avions et adopter un ou deux enfants. Nous aurions moins de problèmes et peut-être serait-il encore en vie aujourd’hui. Nous sommes allés mettre la main là où il ne fallait pas… ton père l’a payé de sa vie et moi je suis obligée de te regarder suivre ta destinée.
— Je ne le vois pas comme un monstre, même si je suis en colère contre lui, je ne le vois pas comme un monstre, maman, je vois au plus profond de son être et ce que j’y vois, c’est de la souffrance comme moi, de la solitude comme moi, de la bonté, de la fureur et du sang aussi et tout ça me pousse à me rapprocher de lui…
Assis par terre tous les deux la tête de l’un collée à la poitrine charnue et moelleuse de l’autre, Rachel serra encore plus fort son fils contre elle alors qu’elle réalisa qu’il venait de la désigner par le mot « maman » sans s’en rendre compte. Les larmes ne cessaient de couler alors qu’elle comprenait son fils, qu’elle revoyait à regret tout le spectacle du début de ses maternités. Elle ne regrettait que d’avoir dû accepter le pire pour obtenir ce qu’elle voulait de la vie. Tout le monde devrait avoir des limites qui empêchent l’ambition de prendre le pas sur la raison, l’éthique et la morale, pensa-t-elle alors qu’elle pleurait avec son fils dans les bras. L’idée de perdre un de ses enfants lui était insupportable et elle ne savait que faire contre ça.
— Fils, tu m’as appelée maman, tout à l’heure.
— Tu penses le mériter ? demanda Luis en se mouchant tout en se relevant.
— C’est ton cœur qui a parlé…
— Un ridicule moment de faiblesse, la coupa le journaliste.
— Choisis la vie, mon fils, choisis la vie. Tu pourras m’en vouloir encore après et peut-être pourrions-nous régler ce différend…
— Rentre chez toi, Rachel, mon studio n’est plus loin. Par contre, je veux voir mes frères…
— Choisis la vie, pense aux bons moments que tu pourrais passer avec eux…
— C’est une condition ? 
— Non mais…J’aimerais rencontrer une fois calmement ton mons…ton Luisdel.
Devant les yeux écarquillés de Luis qui ne s’attendait pas à une telle demande, elle s’expliqua :
— Tu dis que tu vois de la bonté en lui et tu sembles résigné à lui donner ta vie ; cette cérémonie, cette fusion est comme un mariage, il faut au moins que je connaisse mieux en qui mon fils sera absorbé pour l’éternité. Pour le moment je ne vois en lui que l’horreur et pourtant je serai en quelque sorte sa belle-mère.
Le regard qu’elle lui lança en prononçant ces mots ne plut à Luis qu’à moitié.
— Qu’est-ce que tu me caches ?
— Rien, juste une belle-mère qui veut rencontrer son beau-fils sur un terrain plus calme afin d’avoir avec lui une discussion moins…disons houleuse.
— Ce revirement de situation me surprend, dit Luis.
— Je ne vois pas pourquoi. Tu es prêt à mourir pour lui dans moins d’un mois, je me dois de me faire à l’idée de perdre un autre être cher.
— Quand veux-tu le faire ?
— Demain soir ce serait l’idéal, répondit instinctivement Rachel.
— Bonne nuit, Rachel, voilà mon immeuble.
— Ne t’inquiète pas pour moi, fils, je prendrai un taxi.
Ils se séparèrent sur ces mots. L’attitude de sa mère l’intriguait fortement et plus il avançait vers le bâtiment qui abritait son studio, plus il se demandait pourquoi une telle demande de sa part après avoir insisté plusieurs fois pour qu’il choisisse de vivre.
Plus tard dans la nuit, luis sentit une présence dans sa chambre, il ne la voyait pas, elle semblait s’être mêlée à l’air même de la chambre. Un parfum délicieux lui emplissait les narines tout en réveillant son désir. Il ouvrit les yeux et ne vit personne pourtant, il se sentait observé, il en était sûr. Couché sur le dos, sous le drap et les jambes écartées de part et d’autre du lit, il sentit une présence se rapprocher de plus en plus de lui, la peur l’envahit soudain, il était tétanisé, il sentit le drap se soulever au niveau de son pied gauche et, tout de suite après, il sentit une main chaude effleurer la peau de sa cheville en remontant doucement, sensuellement le long de sa jambe jusqu’à la partie intérieur de sa cuisse droite qu’on couvrit aussitôt de baisers d’amour. Il regarda et voyait une forme humanoïde sous le drap, un corps immense ; il poussa un gémissement lorsque la Chose engloutit son membre déjà bien raide dans sa bouche puis, il laissa le nom « Luisdel » lui échapper des lèvres.
— Tu aimes ? demanda la Chose.
— J’adore, continue, murmura le journaliste au bord du plaisir alors que les mains chaudes de la Chose se baladaient à présent sur son ventre.
Ses mains jouaient avec les tétons du journaliste, revenaient saisir son membre que la bouche ne cessait d’aspirer quand les lèvres étaient fatiguées des va-et-vient. La Chose le retourna sur le ventre avec vigueur, passion et, de sa langue épaisse, remonta des mollets jusqu’à ces deux bulbes fermes et velus qui cachaient son intimité encore vierge. Luis poussait des gémissements et cambra sa croupe qu’il offrait à la Chose dont le souffle léger se baladait sur la peau et pénétrait le petit trou offert. Le plaisir du journaliste se décuplait de plus en plus et, prenant possession de son corps qui se déchaînait, il dit :
—  Faisons-le, tout de suite !
Les doigts musclés de la Chose se baladaient sur son dos jusqu’à se retrouver entre ses bulbes velus et un doigt forçait déjà l’accès de son trou paradisiaque lorsque, tout d’un coup, la Chose disparut et Luis se réveilla en sursaut, en sueur sur son lit. Le journaliste regarda autour de lui et ne vit rien n’y personne. Il était seul dans sa chambre, il se rendit compte qu’il venait de faire un rêve mouillé, le deuxième depuis la nuit de pleine lune avec Luisdel. Il transpirait à grosses gouttes, sa respiration était forte, son souffle était saccadé et son membre était encore tout dur. C’est alors qu’il sentit son corps vibrer et qu’il entendit :
— Promis A Lui, ouvre-moi, s’il te plaît.
Luisdel regarda dans la direction de la fenêtre et aperçu la créature ailée qui s’y trouvait. Il se leva comme un automate, sans prendre la peine de couvrir sa nudité ni même de laisser à son membre le temps de ramollir, il se dirigea vers la fenêtre.
— Je suis encore fâché contre toi, dit-il lorsqu’il ouvrit la fenêtre aux battants coulissants.
Le milliardaire pénétra dans la chambre et referma derrière lui alors que Luis se tenait à distance.
— Pourtant tu rêves de moi et, à en juger par ce que j’ai ressenti mais aussi ce que je vois, ces rêves sont plutôt plaisants ! dit Luisdel, un sourire carnassier aux lèvres.
— C’est toi le responsable de ces rêves ? Ça fait partie de tes manipulations pour que je te tombe dans les bras ?
— Non, je les fais moi aussi.
— Ce serait donc un effet de cette nuit de pleine lune où tu m’as piégé ? demanda Luis.
— Je le pense aussi mais je ne t’ai pas piégé, je ne l’ai compris moi aussi que ce soir-là... Nous devrions être très prudents afin de ne pas succomber à la tentation avant…
— Parce que tu crois que je vais accepter de me donner à toi ?
— Primoas…
— Qu’est-ce que tu es venu faire ce soir ?
— Je veux arranger les choses entre nous…
Luis pouffa de rire avant de dire :
— Tu veux arranger les choses entre nous, tu dis ? Je vais mourir, disparaître pour toi et toi, tu te pointes là, la gueule d’ange noir et tu veux arranger les choses entre nous ! Il n’y a rien à arranger puisque je te suis soumis quoique je fasse ou dise, tu attends juste le bon moment, la bonne nuit de pleine lune afin que je sois assez amoureux de toi pour que la fusion se fasse sans anicroches.
— Tu n’es plus soumis à aucune potion depuis et je ne t’ai pas fait respirer de parfum vanille depuis donc, tout ce que tu pourrais ressentir : de la colère ou…de l’amour, tout cela t’appartient, tu en es le seul maître.
— Je suis censé te croire quand tu as dressé et fertilisé le terrain pour que j’éprouve de l’amour pour toi ? La colère m’appartient oui mais, ces autres sentiments, tu les as faits naître en moi à dessein !
— Je…
— Qu’est-ce que tu es réellement venu faire ici ? gronda Luis.
— Je suis venu te montrer mon vrai visage, te dire qui je suis réellement en dehors du triton que tu connais déjà. Je pense que tu mérites de savoir avant tout à qui tu as réellement affaires.
La colère que ressentait Luis nu devant le milliardaire diminua plus rapidement qu’il l’eût cru pour laisser place à la curiosité.     

A SUIVRE

S.A.R MILAN F. LUISDELOù les histoires vivent. Découvrez maintenant