CHAPITRE 32

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Les coups pleuvaient sur Amabell qui avait de plus en plus de mal à les stopper tant la fureur de Louis était grandissante ; sans dire un mot, le regard terrifiant, il tapait encore et encore faisant saigner son adversaire plus d’une fois jusqu’à ce que le triton royal se décide à passer à l’offensive faisant trembler, à son tour, les murs du penthouse. Férocement, Amabell se défendit face aux assauts impitoyables de Luis sous le regard toujours amusé de Luisdel qui enchaînait verre de bourbon sur verre l’air de rien, admirant le spectacle. Jamais Luis n’avait éprouvé autant de colère et de haine, jamais il n’avait expérimenté cette fureur dévorante qui semblait sur le point de consumer toute humanité en lui. Tel un chien enragé, il s’acharnait sur le frère aîné de Luisdel, ses coups n’avaient pas de retenus et étaient calculés, il le projetait violement dans tous les sens ; pensant à la boucherie qui a mis fin à la vie de Priscille, au meurtre récent et inutile de sa mère et à la souffrance d’Aymeric, le journaliste se sentait capable d’affronter le diable lui-même et de lui faire ployer le genou ! Son regard passa du noir au rouge écarlate, caractéristique du démon Lilith et de Luisdel ce qui fit lever un sourcil du milliardaire tant la force du journaliste venait de décupler dangereusement. Les coups de Luis avaient de plus en plus de conséquences très fâcheuses sur son adversaire et lorsqu’il ne réussissait pas à l’atteindre ni avec ses poings ni avec ses pieds, il utilisait ses dents qu’il resserrait dans les chairs d’Amabell qui, alors, hurlait tel un putois sous l’effet de la douleur lancinante.
— Luisdel, je vais le tuer, prévint Amabell dont le regard vert intense marquait à présent la colère extrême qui l’animait.
— Je doute que tu le puisses, chien galeux ! l’insulta le journaliste alors qu’il flottait dans l’air, ombrageant la lumière de la pleine lune qui rentrait dans la pièce.
— Tes nouvelles capacités physiques te montent à la tête, minus ! répondit Amabell en crachant sur le sol marbré, du sang vert.
Sans dire un mot, Luis chargea de nouveau Amabell et d’un geste aussi élégant qu’inattendu, il fit apparaître une boule de feu qu’il lança en direction de son adversaire qui l’esquiva de justesse. L’explosion était telle que le sol fut détruit à l’endroit de l’impact, les murs se fissurèrent et les baies vitrées furent soufflées, les exposant ainsi à la rudesse du vent en altitude. Le choc dans le regard des deux tritons n’était pas encore arrivé à son apogée que Luis lança furieusement une nouvelle boule de feu qui alla détruire tout le bar. A cet instant, le milliardaire réalisa qu’il était temps de mettre un terme à cette entrevue musclée.
— Assez ! ordonna-t-il d’une voix puissante et autoritaire mais, aucun des deux bagarreurs ne lui obéit au contraire, après s’être défiés de leurs regards mauvais, se promettant sourdement la mort ultime, ils se chargèrent l’un l’autre à une vitesse inouïe qui provoqua encore plus de dégâts dans le salon de Luisdel qui, enragé, trouvait que c’en était trop alors, il entra dans la danse et, de ses mains puissantes, il sépara difficilement les deux bagarreurs joints l’un à l’autre par leurs dents sur la peau de l’autre, refusant avec force et énergie de lâcher prise.
— Assez, j’ai dit ! répéta Luisdel qu’il les balança chacun d’un côté.
— Laisse-moi lui arracher le cœur à ce jeune impudent ! cria Amabell.
— Viens-là, sardine pas fraîche, tu vas me payer cher la mort de ma mère !
— Ta mère ! Tu ne l’as connue que deux heures de ta vie…
— Et alors, c’était ma mère et tu l’as tuée pour rien ! Je te croyais un peu différent mais au final, tu n’es qu’une bête cruelle comme ton frère Karab !
— Et pas Luisdel ? ricana Amabell alors que Luisdel le foudroya d’un regard glacial.
— Ça suffit ! dit le milliardaire.
— Sa colère est justifiée, Luisdel mais, il y a plus important en jeu que sa petite existence, rappela le frère aîné dont les yeux reprirent une teinte plus humaine alors qu’il atterrissait sur le sol fissuré.
Luisdel en fit de même et, le regard qu’il lança à son Complément força celui-ci à suivre le mouvement.
— Regardez-moi ça, ils ont tout détruit, plus une seule bouteille pleine ! se plaignit Luisdel au milieu des décombres. Il regarda autour de lui et constata l’ampleur des dégâts dans la pièce ; ses regards étaient électriques à leur endroit mais, Luis semblait s’en foutre ce qui, contrairement à ce qu’on aurait pu penser, amusait intérieurement le milliardaire.
Il s’installa dans ce qu’il restait d’un de ses fauteuils et dit :
— Luis, je pense que tu as assez profité de ma puissance grâce à la pleine lune de ce soir. Ce qu’Amabell a fait à ta mère…il a mérité que tu t’en prennes à lui mais, il est temps que nous regardions dans la même direction si nous voulons éviter que tu perdes la vie à la prochaine pleine lune et venir à bout du plan de Lilith.
— Tu penses encore que c’est possible ? Non seulement le premier est impossible parce qu’une fusion réussie absorbe forcément le Complément et tu ne peux pas te dérober sinon nous en souffririons tous mais encore, le second l’est encore moins ! Venir à bout du plan de Lilith, elle nous massacrerait tous sans pitié…
— Aie la foi, mon frère…
Amabell pouffa d’un rire gras avant de dire :
— Je reviens de Maestria et tu sais quoi ? Ils ont célébré ta courte agonie et priaient tous les dieux pour que tu meurs, ils étaient heureux de se débarrasser du bâtard et de la déesse en même temps par la main d’un humain… 
— Quand tu dis « ils » tu parles de tout le peuple ou bien du Grand Conseil et nos frères ?
— C’est quoi la différence ? Le peuple les écoute et se laisse manipuler par leurs mensonges à ton endroit. Ils ne connaissent vraiment de toi que l’histoire peu glorieuse du début de ta vie parmi nous et, les dégâts causés par Lilith lors de sa dernière apparition ne leur donne pas vraiment envie d’avoir un démon à la tête des océans. Tu ne prendras part à cette cérémonie de fusion que parce qu’ils craignent Lilith et, connaissant Karab, il doit être en train de fomenter un plan pour te nuire même si tu venais à prendre le trône.
— Tout ça pour un trône que je ne veux pas, quelle tristesse ! murmura Luisdel les épaules las.
— Ai-je la permission de tuer Alex ? demanda soudain, Luis qui n’avait pas ouvert la bouche depuis quelques minutes.
— La vengeance c’est donc tout ce que tu éprouves en ce moment ? demanda Luisdel.
— La pleine lune c’est pas tous les jours, minus…se moqua Amabell.
— Quand on va arriver dans l’eau, Luisdel, la cérémonie ne commencera pas à cet instant, si ?
— Non…
— Je veux pouvoir lui prendre sa vie avant, confirma Luis sur le ton le plus froid mais très calme qu’avaient jamais entendu les deux autres.
— Mais…
— Je serais ravi de te tuer aussi, Amabell mais, tu es le seul soutien de Luisdel et si je dois disparaître, il lui faut un compagnon d’armes pour affronter la colère de Lilith après avoir déjoué ses plans d’une façon ou d’une autre.
— Il est très sûr de pouvoir me tuer, le petit Complément, se moqua de nouveau Amabell avant de prendre congé du salon en désolation sous les recommandations télépathiques de Luisdel dans une langue que ne pouvait comprendre Luis.
— Qu’est-ce que tu lui disais ? demanda Luis après le départ du frère aîné.
— Des chses que tu n’as pas besoin de savoir pour le moment. Je suis désolé de ce qui est arrivé à ta maman, tu le sais.
— Ça ne la ramènera pas. Elle a dit que j’avais en moi la solution…
— Et elle n’a pas tort. Je l’ai vu, je l’ai senti en toi lorsque nous nous sommes connectés, confirma Luisdel.
— Qu’est-ce que j’ai en moi ? questionna Luis intrigué.
— Une force que Lilith a caché dans l’essence même de ton être certainement un bonus pour moi. Je pense que cela peut nous être utile le jour-j…
— Tant que ça me permet de me débarrasser de Karab…
— Ne parlons plus de lui ni de personne d’autre que nous. dit Luisdel dans une voix empreinte de douceur.
Il se leva, ses ailes de chauve-souris se déployèrent majestueusement et, son regard brillait soudain de mille feux. Il avança vers la personne vers qui toute son énergie se concentrait à présent :
— Qu’est-ce que tu fais ? demanda Luis debout près de la porte coulissante à la vitre brisée.
—  Ta man n’est plus mais, ton frère va bien, il est intact, Lilith me l’a assuré. La semaine qui va commencer sera peut-être la dernière ensemble alors, avant la prochaine peine lune, je voudrais qu’on passe du temps ensemble, rien que tous les deux.
— Ce sera difficile vu nos obligations familiales, rétorqua Luis alors que le milliardaire s’était fortement rapproché de lui.
Le regard plongé dans celui de son Complément, Luisdel s’y noyait volontairement ; il détaillait chaque trait du visage du journaliste. Il pouvait voir en lui et savait que malgré le calme apparent, son Primoas Luis était brisé à l’intérieur. Toute la colère qu’il ressentait ne tenait qu’à un fil et il lui fallait trouver le moyen de canaliser cette énergie ou au moins, apaiser son esprit. Le vent soufflait fort et pénétrait dans la pièce sans vitres, la nuit était de plus en plus avancée et les effets de la pleine lune sur Luis se dissipait peu à peu, la tristesse, une immense tristesse naissait près de cette colère qu’il ressentait. Son expression et son attitude devenaient molles, son regard dans celui de Luisdel redevenait un appel à l’aide. Il suffit au milliardaire de lui effleurer les lèvres de ses doigts pour que le journaliste laisse échapper quelques larmes qui fendirent le cœur de son hôte. L’envergure protectrice du milliardaire aidant, Luis se colla à lui et fondit en larmes dans ses bras tandis que les ailes de l’hybride battaient doucement afin de ne rien soulever dans la pièce. Tout était calme, le souffle à l’unisson était une douce musique pour le triton qui était tout aussi heureux de sentir son cœur battre au même rythme que celui de son Complément.
— Pleure, Promis A moi, pleure, je suis là pour toi. chuchota Luisdel alors que leur deux corps, se déplaçant vers la terrasse hors du penthouse, s’enveloppaient d’une lumière faible mais assez vivace et chaude.
Luis sanglotait dans les bras de l’hybride et n’avait pas remarqué tous ces changements. Lorsqu’il ouvrit les yeux, les deux hommes flottaient tous les deux au-dessus de la Tour. Leur peau devenue translucide et très lumineuse donnait l’impression qu’une étoile brillait au sommet de la Tour. Le journaliste regarda vers le bas et dit :
— La ville est belle tard dans la nuit ! Toutes ces lumières, c’est magnifique !
— C’est toi qui es magnifique ! corrigea Luisdel dans sa voix de crooner. Je suis si heureux que tu sois mon Complément et pas un autre.
— J’aurais souhaité un autre être à compléter…le taquina Luis.
— Amabell ou Karab ? demanda le milliardaire dans la même humeur.
— Touché ! reconnut Luis. Ils m’ont vraiment fait du mal Luisdel, Karab c’est une chose mais Amabell…je pensais qu’il s’était tout de même créé un lien entre nous depuis tout ce temps ! Il a tué ma mère, Luisy, il l’a arraché à la vie, entre les mains de ses enfants, jamais ils ne m’aimeront ! Tout ça me rend si triste ! Une chance que je sois appelé à disparaître très bientôt, ils m’oublieront facilement…
— Je suis désolé, Promis A Moi…si je pouvais ramener ta mère et ta sœur, je le ferais…
— Lilith, elle, le pourrait, tu ne penses pas ? Avec toute cette puissance je…
— Elle est très puissante c’est vrai mais, elle n’a de pouvoir sur la mort que celui de la donner et, la vie humaine, elle ne la crée pas, elle crée les conditions adéquates dans lesquelles s’épanouit la vie ou rend son milieu d’épanouissement inadéquat mais elle ne crée pas la vie humaine ; elle peut faire des aller-retour entre le monde des vivants et le monde des morts, elle peut corrompre une âme humaine mais elle ne peut en aucun cas là créer ni là ramener du séjour des morts. Elle n’a vraiment de contrôle que sur les démons.
— Elle a pourtant réussi à me fabriquer…
— Non. Elle a créé les conditions qui ont favorisé ta conception par tes parents et, vu son mode de fonctionnement, elle t’a juste insufflé quelque chose de surnaturel pour que tu sois la personne qu’il me fallait, celle que j’ai cherché jusqu’à présent. Tu ne le ressens peut-être pas comme moi mais, ta présence m’apaise bien plus que je ne le montre.
— Attention, tu deviens mielleux…
Le journaliste avait à peine fini sa phrase que l’hybride s’empara de ses lèvres avec passion. L’homme fondit dans la bouche de son Complément tel une douceur sur sa langue ; la passion qui les animait était si forte que la lumière qu’ils avaient en eux brilla de plus en plus. Luis s’abandonna à ce baiser en plein air, le vent caressant leur peau, le désir naissant dans leur corps collés l’un à l’autre. Emporté par la fougue de son amant hybride, il ne remarqua pas que leurs corps se déplaçaient à une vitesse impressionnante ; comme une étoile filante, il se retrouvèrent en quelques minutes sur les berges de la plage de Kribi où tout avait commencé pour Luis. Ses yeux s’ouvrirent quand il sentit qu’ils avaient amorcé une descente qui mettait plus de temps qu’il se l’imaginait.
— De l’eau, où…où sommes-nous ?
— La Villa Blanche.
— Kribi ! Mais…
— Chuuut, le coupa Luisdel alors qu’ils posaient le pied sur la terrasse de sa chambre.

S.A.R MILAN F. LUISDELOù les histoires vivent. Découvrez maintenant