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Si Maxime devait être honnête avec lui-même, et honnête avec tout le monde : il aurait préféré ne pas se souvenir précisément du moment exact où ce petit morceau calme et discret de sa vie était devenu une véritable obsession. Au mieux, il aurait voulu que sa mémoire lui fasse les mêmes tours malicieux qu'elle aimait tant lui faire, lui qui oubliait tout comme si de simples détails aux lignes les plus précieuses, tout s'abîmait dans un puits sans fond.

Maxime n'avait pas bonne mémoire, c'était un fait. Il détestait viscéralement ce défaut, la gêne qui venait quand on lui remettait en tête des choses qu'on lui avait dites il y a quelques minutes, l'exigence vaine qu'il dressait à lui-même pour ne pas refaire la même erreur. À chaque fois il semblait revenir à la case départ, aux vieilles habitudes que les personnes autour de lui abordaient avec un petit sourire indulgent.

Tout ça, il détestait. Même quand ce n'était pas les autres, quand c'était de lui à lui.

Comment ne pas s'en souvenir de toute manière ? Comment pouvait-il mettre cette soirée morose sur la même étagère poussiéreuse que les innombrables autres journées de sa vie ? La date à elle seule scellait le début d'une histoire, grandiloquente pour sa symbolique.

Le 31 décembre.

Maxime était parti sur un fil de pensées évasif au milieu de ses autres préoccupations. Il lui arrivait depuis quelques jours de contempler l'œuvre de cette année 2023. Il avait pris un soin particulier à apprivoiser les échéances comme elles venaient, à s'y plonger jusqu'à la dernière seconde, à rarement prendre le recul nécessaire. Jamais il n'aurait l'étoffe d'un artiste, jamais il n'analyserait les détails brossés sur sa toile, il se jetait dedans jusqu'au dernier coup de pinceau.

Maintenant il revenait dessus et il regardait comme un inconnu. Seul dans un lit qui paraissait faire le triple de sa capacité, les souvenirs s'épinglaient sur le plafond avec la bénédiction de son sourire le plus reconnaissant.

Les happenings les plus réussis sur le plateau de Zen, et sa participation au GP Explorer, et les cinq minutes interminables de Grim sur la scène de Kev Adams, et ses apparitions sur la chaîne de Squeezie, et toutes ces nouvelles têtes qui élargissaient la corde de son cercle d'amis, et la cérémonie des Flammes, et les émotions de leur Zénith, et le concert d'SCH, et son crash au deuxième virage sur le circuit du Mans, et le Zen Burger...

Peut-être trop de réminiscences pour la surface de son plafond.

Et encore, Maxime ne cachait pas la hâte des fins d'année. Il adorait Noël et le Nouvel An, plus que quiconque. Une seule effluve de cannelle suffisait à le griser autant qu'une bouteille entière de vodka pure. Il avait prévu des choses à partager, qui ne satisfaisaient pas son esprit ambitieux.

C'est vrai, il s'était passé tellement de choses cette année que l'idée de terminer sur une note plus simple lui creusait une ride d'insatisfaction entre ses deux sourcils. S'il avait déjà fait trop auparavant, ce n'était toujours pas assez. Mais à force de creuser, il tapait sur des surfaces rigides et autoritaires. Ses propres limites lui arguaient qu'il ne lui restait que le plus simple à faire.

Alors pour Noël il avait organisé la même chose que l'année dernière. Un dîner avec tous ses copains, ou du moins ceux qui pouvaient venir.

C'était chouette. Peut-être un peu trop simple pour lui, maintenant qu'il avait goûté à la folie des grandeurs. Il avait beau s'être paré en Louis Vuitton et de ses plus belles bagues, la frustration persistait au-delà des dernières minutes du live. Incapable de vraiment se détendre, même en serrant dans ses bras tous ses invités pour les remercier d'avoir été là.

En réalité, il aurait sûrement préféré qu'ils soient à ses côtés pour le Nouvel An. Maxime le vivait comme une épreuve. Noël était passé, et il avait pu revoir Bastia et sa famille pendant quelques jours, mais il était de retour à Paris maintenant, là où personne n'était.