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C'était comme une crise d'angoisse... sans l'angoisse ? Sans crise ? Est-ce que Maxime pouvait appeler ça une crise ?

Il n'était pas en train de pleurer, même pas en train de trembler. La seule chose qui se rapprochait sensiblement de ce qu'il avait pu vivre sur le parquet de sa cuisine se trouvait dans ses poumons. Sa respiration était devenue lourde, à l'image de tout son corps, de sa silhouette pourtant frêle dont les deux jambes semblaient s'enfoncer dans le sol brillant de la cabine.

Les cabines d'essayage n'avaient jamais été un endroit agréable pour Maxime tout au long de sa vie. C'était ici, enfermé entre un rideau bancal et un miroir, que l'adolescent s'était plu à imaginer des traits plus en chair, qu'il posait ses yeux sur son reflet déformé. Les complexes se cachaient derrière chaque cintre, chaque petit pan de rideau qui l'isolait.

Cette fois Maxime se regardait et ce n'était pas son corps qui retenait son attention.

– Et après tu passes ce bout-là dans la boucle.. t'es pas obligé de faire une boucle trop serrée, c'est comme tu veux en vrai. Mais j'trouve que t'es mieux comme ça, ça fait moins coincé du cul.

Les bras de Sidjil autour de son cou le compressaient plus que le début de noeud de cravate qu'il lui faisait. Parce que ce n'était pas juste ses bras pédagogues qui lui apprenaient à faire un bon noeud de cravate, c'était ses doigts qui effleuraient sa peau, son parfum qui l'étranglait, sa présence qui éclipsait la sienne.

Maxime n'avait pas vraiment de mots. Il était juste troublé. Et pour une fois, il observait le visage concentré et délicat de Sidjil sans une once de désir dans les yeux. Autrefois, une telle proximité l'aurait fait rire. Il aurait su la tourner en sa faveur, la tordre en quelque chose de marrant. Dans sa prunelle, tous les souvenirs les plus intenses se cachaient derrière les filaments de ses iris.

Le baiser dans son cou sur le plateau de Top Score semblait dater du siècle dernier. Il y avait une vie entre eux, une vie avant le Nouvel An.

Et l'aigreur tapissait son palais au fil du temps, l'acidité d'un regret que Maxime refusait pourtant de s'avouer. Ce serait donner raison à ses psychoses, les mêmes que Sidjil réprimait.

Parce qu'au fond, la situation était-elle vraiment parfaite pour une scène de regrets, pour un renfermement aussi contrastant avec l'intimité de ses mains autour de lui ? Maxime ne pouvait-il pas juste copier ce rictus sur ses lèvres et prendre une grande inspiration ? Il avait été si souvent fou de cette brume trouble autour d'eux. Elle était encore là. Plus trouble encore, trop trouble peut-être...

– Tu m'écoutes, Maxime ?

La voix de Sidjil résonna au creux de son oreille, d'apparence strictement inquiète, presque taquine sur les bords. Quiconque espionnant leur cabine croirait que le petit sourire au coin des lèvres de Sidjil relevait d'une bienveillance fraternelle entre eux.

Pourtant Maxime voyait ce sourire, et cette buée dans les yeux de Sidjil, comme une menace, comme l'avènement de la houle. C'était à croire qu'il avait laissé un mouchard s'infiltrer dans le corps de Sidjil, qui lui dictait les véritables intentions derrière chaque geste qu'il lui adressait.

– Tu m'écoutes pas.

Par exemple que quelque chose le dérangeait lorsqu'il lui posait une question mais ne lui laissait même pas le temps de répondre. C'était un détail qui agaçait Maxime, frustré de voir sa propre parole confisquée en un battement de cils, quand bien même il comptait persister dans son mutisme. Juste une question de fierté.

Fierté qu'il n'avait pas, ou trop, ou pas du tout, quand Sidjil se tenait aussi près de lui.

Ses mains se posèrent sur ses épaules. Maxime en ressentit tout le poids. Sa cravate était nouée, arrangée dans un noeud las et suffisamment négligé pour devenir beau. Elle accentuait encore plus la longueur que prenait le haut de son corps avec les pans d'une chemise blanche à découvert au-dessus de son jean. Il n'était pas tellement convaincu.

maxi string [maxime&djilsi]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant