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Sidjil, 2h54. Le dernier message, espacé des autres, isolé des bruits environnants. Brute et éraillée, sa voix titubait entre le chuchotement et le dépit.

"Je sais plus pourquoi j'étais en kiff sur toi à la base. Tout le monde t'aime Max, je crois que tu t'en rends pas compte. Peut-être que je t'aime comme les autres, je sais pas... Tout le monde te trouve drôle, mignon et j'en passe. T'es mon plus gros coup de foudre amical.... en fait juste mon plus gros coup de foudre.

Quand tu m'as embrassé j'ai cru que c'était pas une vanne et que t'avais un truc à me dire. J'ai cru que j'avais de la chance, t'sais. Mais j'suis juste devenu ton plan cul et toi comme un con tu pensais vraiment que, déjà, ça allait avoir aucune conséquence sur notre relation. Tu crois que c'est un truc normal de branler son pote plusieurs fois par semaine ? T'as fait pareil avec Elian pour croire que ça passerait crème ?

C'est comme ça que j'me suis dit que t'avais un souci. Et que je peux me faire autant d'illusions que je veux, c'était tout ce que je pouvais être pour toi et même si j'ai essayé de te le dire sans te brusquer, toi tu le faisais comprendre comme ça. Combien de fois tu m'as dit que j'étais con ? Fin... t'en avais tellement rien à foutre que je sais même pas si tu t'en souviens.. T'as jamais voulu t'intéresser à moi, t'as toujours été un peu égoïste avec moi. Je sais que tu vas pas bien, et je dis pas que je t'en veux pour ça, mais j'ai l'impression que tu t'es juste servi de moi pour te changer les idées. Et tu pourras pas me faire changer d'avis."

Quand la lueur cristalline de l'aurore perça les fenêtres du salon, Maxime leva les yeux de son téléphone. Il était dans sa bulle : indiscernable, méconnaissable. Comme d'habitude, ses yeux alertes et brillants laissaient l'impression qu'il avait pleuré. Sauf que cette fois-ci ce n'était pas une impression.

Ses joues pouvaient témoigner de l'ardeur et de la violence de ces rivières qui avaient nourri la nuit. Maxime avait le visage tiraillé maintenant, une joue plus rose que l'autre parce qu'il s'était acharné à se débarrasser du souvenir rouge qu'il avait été condamné à porter jusqu'ici. Il s'efforçait de ne pas regarder dans le vide, de se frayer un chemin dans sa vision floue, seulement pour apercevoir nettement les lettres insignifiantes d'un post Instagram.

Post Instagram après post Instagram, Tweet après Tweet et partie de Doodle Jump après partie de Doodle Jump, la nuit lui avait joué des tours. Elle n'avait fait que le suivre lui dans son esprit évitant. Maxime avait évité les heures, les repères d'une réalité dont la dernière péripétie le jetait hors de lui.

Il ne voulait pas réécouter les messages vocaux de Sidjil. Il ne voulait pas entendre son nom, il ne voulait pas qu'on le confronte à quoi que ce soit qui, de près ou de loin, était en lien avec lui.

C'était tellement obsessif qu'il trouverait même une once de sérénité à regarder Grim dormir sur son canapé avec un tee-shirt Wankil et le bas de son pantalon qui remontait sur ses mollets, l'air de s'être battu avec les deux plaids que Maxime lui avait donné. Il avait tenu à rester, l'avait guidé d'un bras sur son épaule tout au long du chemin, même pas plaintif de devoir faire quarante-cinq minutes de marche. Il n'avait rien dit quand Maxime avait reniflé plusieurs fois au bout de quelques mètres seulement, ne s'était ni ému ni foutu de sa gueule. Il était juste là et il suffisait.

Poser ses yeux fatigués sur Matthis atténuait un peu la tension dans les paupières de Maxime. Son corps devait suivre. Son corps devait suivre l'insomnie persistante qui le frappait et la douleur complexe qui lui lacérait le coeur. Une pensée tournait en boucle dans sa tête : ne pas retourner sur la discussion.

Parce que ça le referait pleurer, parce qu'il avait l'impression de devoir résoudre des casse-têtes de mots pour concevoir tout ce que Sidjil ressentait pour lui, parce qu'il le traitait de con et qu'il n'y avait pas eu de mot plus juste pour le qualifier depuis longtemps, parce qu'il était sept heures et demie du matin et que Grim ne savait toujours rien – à priori.

maxi string [maxime&djilsi]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant