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Maxime n'était pas un fervent appréciateur de la grande terrasse de Webedia. S'il traînait ici, entre les longues lattes de bois et les plantes, le souvenir devenu lointain de la fin de la première saison de Zen, il persistait aussi le souvenir amer de soirées qui dataient du temps où il n'était encore rien dans ce paysage immatériel.

Des coupes de champagne diluées dans ses masques les moins timides, alors qu'il était encore tout jeune et intimidé par ces présences prestigieuses, lui et ses jeans skinny qui n'avaient même pas suffi à repousser le regard de certaines personnes. Il avait commencé à flirter avec quelqu'un ici, à une soirée dont le seul souvenir résidait dans ce sourire un peu tordu qui l'avait abordé.

À côté de cette plante-là, enracinée dans cette jardinière qui faisait la moitié de sa taille.

Il n'était pas là pour amasser une quelconque sérénité, ni pour faire comme ce gars plus loin qui alternait entre café et clope de gestes mécaniques si déprimants. Maxime s'était retrouvé là pour regarder Paris depuis cette terrasse, espérant trouver un brin de distraction dans cette matinée criarde.

Il n'avait toujours pas mangé, bu une seule gorgée de Volvic avant d'être dégoûté par l'amertume de l'eau. Quelque chose déduisait dans sa tête que l'anxiété mordant chaque organe de son corps était la grande responsable de son appétit disparu. Si les semaines d'avant n'étaient qu'un espèce de sprint erratique pour tenter de fuir tous ses démons endurcis, alors celle-ci était un cache-cache.

Un cache-cache où il semblait excessivement nul. Il semait le stress sous ses draps, il y trouvait le rictus sadique de ses insomnies. Il semait ses insomnies sur Tiktok et il y trouvait ses insécurités disséminées dans chaque clip de ses lives volé par Peepobestof. Même en regardant le vide, assis en tailleur sur son canapé, Maxime se faisait vampiriser par une quantité de pensées qu'il n'avait jamais su apprivoiser.

Ici, le vent soufflait calmement et emportait avec lui quelques-unes de ses défaites. Il en oubliait l'emprise des réseaux sociaux sur sa santé mentale, l'intrusivité des uns et l'aigreur des autres. Il trouvait dans sa taille modeste un seul plaisir : celui d'être minuscule au-dessus de cette ville qui ne sera jamais la sienne, perché sur une terrasse avec des bons et des mauvais souvenirs.

La première saison de Zen et Trotski de Winnterzuko qui résonnait sur cette même terrasse, le sourire railleur d'un mec oublié, aussi chatoyant que l'éclosion d'un flirt oubliable, un mélange de thé glacé et de rhum et le silence de cette matinée.

Maxime ne dirait pas qu'il était "bien" à ce moment-là, simplement qu'il aurait aimé retrouver dans chacune de ses conversations le même vent rassurant qui chatouillait le bout de son nez et l'ensemble de ses faiblesses.

– Max !

Puis Maxime n'aurait jamais pu dire qu'il était "bien" si Grim l'appelait depuis la baie vitrée.

Il se trouva idiot de penser ça au-delà des miroirs déformants de leur amitié, qui avaient réussi à convaincre bien des gens qu'il détestait Grim. C'était la chose la plus faussée de tout l'éventail de blagues récurrentes sur Zen.

En connaissant Matthis depuis bientôt trois ans, le comique de leurs personnages s'était imprimé dans la lumière de leur relation aussi fort que leur sincérité cachée s'était peu à peu dévoilée dans le trouble de leur affect. Au-delà de Grimkujow, de cette photo de poisson peu reluisante, Maxime arrivait presque à voir Matthis comme un petit frère, pas assez con pour être détestable, trop bavard pour être inintéressant, trop drôle pour ne pas être attachant.

Et en vrai Maxime l'aimait beaucoup.

– J'ai une nouvelle de fou furieux, il s'approcha avant de s'assoir sur le bord de la jardinière.

maxi string [maxime&djilsi]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant