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– Je reviens j'vais fumer.

– Tout ça pour pas débarrasser son assiette, j'vois...

Au milieu du restaurant, dans un brouhaha joyeux de personnalités toutes plus étincelantes les unes que les autres, Maxime n'entendit que la voix de Sidjil. Depuis quelques minutes, les arguments de Doigby et Grim, à sa table avec Elian, s'étaient fondus dans le reste, devenus des bruits de fond qu'il ne suivait pas.

À la table d'en face, Sidjil venait de racler les pieds de sa chaise pour tracer vers la sortie, sans un regard, avec une urgence qui n'inquiétait que Maxime. Ils n'étaient plus aussi souvent dans la même pièce l'un et l'autre. Leurs discussions survivaient à travers des messages désordonnés, des remises en question déchirantes qui stagnaient dans cette énorme boule de stress dans l'estomac de Maxime. Ils étaient fragiles et incertains de tout, craintifs face aux lambeaux de leur propre relation.

Maxime passa une serviette en papier sur ses lèvres par politesse, avant de reculer sa chaise. Grim pointa un doigt accusateur sur sa mine pensive.

– Tu vas où ?

Quand Maxime trouva le regard de Matthis, il décela derrière son ton tonitruant une nuance mesquine, quelque chose qui confirmait qu'il lisait son silence et ses gestes mieux que leurs deux autres camarades.

– Aux toilettes.

– T'as rien mangé Max, Elian lui fit remarquer alors que de son côté, les mies de pain s'entassaient.

Maxime goba une frite pour démentir. Son assiette était encore pleine, il était vrai, tout comme son morceau de pain et son verre d'eau. Il n'avait pas la tête à ça. Tous ses intérêts, tous ses besoins avaient été emportés par Sidjil.

Il se leva pour ne pas être retenu plus longtemps, laissant à Elian tout le loisir de lui piquer son assiette.

– Aahh je comprends, Doigby commença à sourire, c'est pour pas vomir tout à l'heure ?

– Exactement, Maxime confirma en haussant la voix. Et toi là, il s'adressa ensuite à Elian, arrête de t'empiffrer si tu veux pas qu'on sorte dès le premier tour.

– Eh...

– Gros gourmand, Grim ajouta avant qu'Elian ne le fusille du regard.

Maxime était plutôt du style à marcher rapidement, mais cette fois il était presque devenu un éclair. Même les quelques relents d'anxiété qui refaisaient surface alors qu'il traversait la pièce ne le perturbèrent pas dans sa course, ignorant les deux-trois regards posés sur lui.

En passant la porte, un air printanier lui souffla sur le visage, mais surtout cet éclat de doute. Pour des grains de sable rescapés de la plus belle plage du monde, Maxime se détachait souvent de sa culpabilité à penser que Sidjil lui sourirait comme avant. Dans l'urgence de son départ, peut-être que la rapidité des pas sur lesquels il venait de marcher ne lui était pas destinée.

Mais les trois mots scintillaient sous ses paupières : "tu m'aimes ?"

Il relut ces mots quand Sidjil le remarqua, assis sur un banc. L'attraction Tootatis tournait à vide. Les mécanismes grondèrent ses pas devenus plus modérés, moins déterminés. Il connaissait tant de ses langages corporels, des danses de ses mains, mais le plus important restait encore à apprendre. Ses yeux semblaient l'implorer de partir autant qu'ils l'imploraient de venir, partager une cigarette avec lui.

L'habitude s'immisçait dans le vide tout nouveau de leur relation. Maxime récupéra la cigarette que Sidjil lui tendait, la passa de doigts en doigts avant de s'asseoir et tirer une taffe. Comme toutes les autres fois, quelque chose changera quand les mégots auront rejoint la cendre.