13. Absent

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Le lendemain,
10 mai, 12h03
Institut Gustave Roussy, Villejuif

- Alors tu connais déjà Jacques, le doyen, et voilà Christine, dit Didier en s'installant à table. Elle ne parle pas anglais mais elle peut comprendre certains mots.
- Bonjour, dit cette dernière en français.

Bill chercha la seule phrase qu'il connaissait dans cette langue.

- Bonjour. Malheureusement, je ne parle pas très bien...

Le jeune homme avait mal à la gorge. Il sentait qu'il forçait trop sur sa voix. À contrecœur, il prit son carnet et réalisa qu'il ne savait pas écrire en français. Il posa alors son stylo à bille, frustré.

- Qu'est-ce qui se passe, Bill ?, demanda Didier.
- Je sais pas l'écrire, répondit le brun d'une voix enrouée.

La femme sourit. Elle avait une voix rauque et à chaque fois qu'elle parlait, elle bouchait d'un index le trou sur sa gorge.

- Bravo d'avoir fait l'effort. Tu sais, j'ai beaucoup entendu parler de toi.
- Elle te félicite d'avoir essayé et dit qu'elle a beaucoup entendu parler de toi, traduit Didier.

Bill sentit ses joues s'échauffer sous le regard de Christine. Il songea qu'il devait fortement contraster avec le reste des patients, de part ses cheveux noirs hérissés sur sa tête, son maquillage et son style vestimentaire.

- Ah ?, demanda Bill en feignant un intérêt poli.
- Christine a une tumeur au stade 3. Elle a eu une laryngectomie totale, c'est pour ça qu'elle a la voix comme ça. Oh d'ailleurs, elle était professeure de musique !

Le chanteur sourit jusqu'aux oreilles. Il ouvrit son carnet et y écrivit en anglais pour répondre à Didier.

« Elle faisait quel instrument ? »

- Leon demande quel instrument tu apprenais aux enfants. C'était pas un instrument à vent ?
- Si, c'était la flûte traversière. J'ai commencé à sept ans quand une place s'est libérée dans l'école de musique de ma ville. Puis j'ai eu des prix pendant la période où je passais mon bac, premier prix de solfège, musique de chambre, entre autres... J'ai changé de conservatoire pour aller à Paris, et j'ai vécu de ma passion.

Didier retranscrivit chacune des phrases de l'un à l'autre, du français à l'anglais et de l'écrit à l'oral.
Christine apprit que Bill avait 18 ans, qu'il aimait chanter avec son jumeau et deux amis tous musiciens, et que Bill était en France pour se soigner. Il chantait du rock, il aimait les viennoiseries françaises, la tisane de la maman de son ami Gustav, et il ne se voyait pas faire autre chose que de la musique.

Bill, lui, apprit que Christine avait 68 ans, qu'elle était née à Figeac, un village du sud de la France, pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle avait été professeure de flûte traversière pendant quarante-et-un ans, elle avait deux enfants qui s'appelaient Marc et Jean (comme les apôtres, disait-elle), et elle était veuve. Elle était aussi curieuse d'écouter la musique de Bill.

Jacques, lui, mangeait sans dire un mot. Il ne souhaitait pas parler avec Bill. Son regard resta froid et son expression glaciale durant tout le repas.

Après leur repas, les patients retournèrent dans leurs chambres. Jacques, Didier et Bill avaient une séance de chimiothérapie prévue à quatorze heures, et Christine avait sa séance de rééducation habituelle. Bill, lui, devait être accompagné par Tom et Georg.

À treize heures cinquante, Georg se présenta à l'accueil et on lui indiqua la salle d'administration des traitements de chimiothérapie en intraveineuse. Il fut impressionné par la stérilité de l'endroit. Lui qui aimait d'ordinaire les choses simples, se sentait plutôt mal à l'aise dans cette structure. En toquant à la porte, il fut pris d'une grnde envie de quitter cet endroit. Mais pas question de rebrousser chemin. Georg attendit quelques secondes avant d'entrer dans la salle.

SILENCE (Bill Kaulitz)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant