14. Distance

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Même jour,
10 mai, 14h08
Institut Gustave Roussy, Villejuif

14h08.
Même le vacarme assourdissant de la ville ne réussissait pas à atténuer les pensées qui se bousculaient dans la tête de Tom. Il était épuisé, et c'est au prix de grands efforts qu'il s'était rendu à l'hôpital.

Le jeune homme était venu en taxi avec Mark. Quand Tom avait ouvert la porte à son agent de sécurité, le protecteur n'avait pu s'empêcher de jeter un regard curieux à son patron. Tom avait alors compris qu'il s'était un peu trop négligé, ces derniers temps. Il n'avait pris aucune douche depuis trois jours, il avait dormi trois heures la veille, et sa peau était plus blafarde que jamais.

- On entre ?, demanda Mark.

Tom était à quelques mètres des portes d'entrée, mais il ne pouvait se résoudre à faire un pas en avant. Alors, il resta là, immobile, les bras ballants devant ce monstre aux milles yeux vitrés. Tom avait envie de vomir à force de se sentir anxieux. La seule chose qui le ramena à la réalité fut son téléphone qui se mit à sonner dans sa poche. Il le sortit et lut le nom du contact avant de répondre. Georg.

- Allô ?, se força-t-il à dire.
- Ah ! T'es où ? On t'attend à la chimio.
- Euh... malade.
- Merde, qu'est-ce qui se passe ?

Tom eut les larmes aux yeux. Son corps tremblait de fatigue, il ne tiendrait pas plus longtemps debout. Le jeune homme commença à faire les cent pas.

- J'ai... (il hésita) une grippe... Dis à Bill que je suis désolé, mentit-il.
- D'accord. Je rentre après, je passerai à la pharmacie pour te prendre des médicaments si tu veux. C'est bizarre, on entend les voitures derrière... T'as la fenêtre ouverte ?

Tom secoua la tête et se pinça l'arrête du nez. Plusieurs voitures venaient de passer à côté de lui.

- Euh, ouais... T'occupe pas des médocs. À tout à l'heure.
- Ok, à plus tard.

Il raccrocha et passa une main sur son visage. Il sentait qu'il pouvait craquer et fondre en larmes à tout moment.

- On fait quoi ?, demanda son agent.
- On rentre, répondit-il en relevant la tête.

Un mois.
Un mois, qu'il était dans cet état. Il voulait que tout s'arrête. La douleur, la peur, les crises d'angoisse, l'état d'alerte, tout. Il voulait se souvenir entièrement de la soirée à la plage. Il aurait fait n'importe quoi pour se le rappeler. D'ailleurs, il réalisa qu'il faisait n'importe quoi.

- En fait, je vais rentrer à pied, corrigea Tom.

Son agent rit doucement. En voyant l'expression sérieuse de son patron, Mark reprit son sérieux.

- Mais c'est à plus d'une heure à pied. Peut-être même deux, objecta-t-il.

Tom lança un regard noir à son employé.

- Je vais rentrer à pied, et tout seul.
- Mon rôle est de vous garder en sécurité. Vous devez prendre la voiture.
- Putain !, lâcha-t-il dans un élan de frustration. Laisse-moi au moins marcher jusqu'à ce que j'en ai marre ! Y'a personne ici, on est au milieu de nulle part !

La célébrité replaça sa capuche sur sa tête.

- Vous ne savez pas par où aller, fit remarquer Mark.
- Alors laisse-moi juste marcher et reste loin de moi ! Putain, c'est incroyable, ça !

Il se mit à marcher, portant le poids invisible de la culpabilité en plus de ses peurs et de ses autres problèmes. Derrière lui, Mark le suivait à quelques mètres, restant en état d'alerte.

Après un temps interminable à suivre le même panneau, Tom tourna au coin d'une rue plus animée. Un bureau de tabac attira son regard. Le jeune homme s'efforçait d'arrêter de fumer, mais c'était dur. Trop dur. Avant même de le réaliser, il se trouvait déjà dans le magasin, son corps l'y ayant conduit avant que son esprit ne puisse s'y opposer. Tom pointa un paquet de cigarettes du doigt au vendeur.

SILENCE (Bill Kaulitz)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant