Chapitre 29 - Nouveau rendez-vous

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Ce matin, tandis que je travaillais déjà depuis une heure aux côtés d'Alexia, le chauffeur de Matthew est venu me chercher à mon bureau pour m'informer qu'un rendez-vous avec un client prévu initialement en fin de semaine venait d'être décalé, et que nous devions partir immédiatement.

— Il ne pouvait pas me prévenir lui-même ? Demandé-je à Peter, le chauffeur de Matthew que je connais bien maintenant.

Mais fidèle à son patron de longue date, il ne me répond pas. Évidemment. Malgré tout, j'estime que Matthew aurait pu me prévenir lui-même et ne pas laisser son chauffeur venir me chercher. En parlant de lui, lorsque nous arrivons au sous-sol, à l'emplacement prévu pour sa voiture, Matthew est déjà à l'intérieur.

— Bonjour mon petit diable, me lance-t-il lorsque j'entre dans l'habitacle, d'un sourire enjôleur.

— L'après-midi de la veille a laissé des traces à ce que je vois ? le taquiné-je, toujours aussi fière de ma vengeance, même si je suis sure qu'il va me le faire payer un jour ou l'autre.

Certain que je ne regrette absolument pas ce que j'ai fait, il ne prend pas le risque de me répondre et de satisfaire mon égo, et se replonge donc dans ses dossiers sans même faire attention à moi. La voiture, elle, démarre à grande vitesse en direction de ce nouveau rendez-vous.

***

Après une heure de route, nous sommes enfin arrivés à notre rendez-vous. Matthew a immédiatement pris les devants et le rendez-vous s'est très bien passé. Encore un client de plus pour Clayton Corporation.

Parfois je me demande même pourquoi il me demande de l'accompagner car généralement je ne lui sers à rien. Je le soupçonne de m'inviter à venir uniquement pour me voir. Je lui pose alors la question :

— Pourquoi me demandes-tu toujours de venir avec toi voir des clients, alors que la plupart du temps tu n'as pas besoin de moi ?

Immédiatement, il sourit à cette remarque avant de se tourner vers moi :

— Pour que tu apprennes, Elyssa. Je t'ai déjà dit que j'aimerais un jour que tu reprennes le poste d'Adam.

— Tu ne dois pas être si pressé que ça, tu l'as déjà donné à Jordan je te rappelle !

— C'est vrai, mais ce n'est que temporaire. Je sais que tu seras parfaite à ce poste, coupe-t-il comme s'il ne souhaitait pas que la conversation aille plus loin.

Cependant, je n'ai toujours pas compris d'où était sorti ce Jordan. Matthew ne m'a jamais parlé de lui et d'un coup il se retrouve à un des plus hauts postes de la société. Adam, je savais qu'il avait un CV en béton et concernant Andrew il m'a dit avoir gravit les échelons pour en arriver là, mais Jordan ne semble n'avoir rien fait de tout ça. C'est pourquoi j'interroge Matthew :

— D'ailleurs comment le connais-tu ? Je ne l'ai jamais vu ici, et c'est tout de même un poste à haute responsabilité.

— Je lui fais confiance, c'est tout, concède-t-il sans plus me donner de détail.

De plus, il change immédiatement de sujet, sûrement pour éviter que je ne revienne dessus. Son attitude est très étrange, mais à vrai dire, je l'oublie dès qu'il me propose :

— J'ai un peu de temps ce midi, après le rendez-vous, veux-tu que nous mangions ensemble ? me prend-il la main pour appuyer ses propos, comme si la discussion d'avant n'avait jamais existé.

Attendrie pas cette initiative, je ne peux pourtant pas accepter :

— J'ai promis à Alexia de manger avec elle aujourd'hui, mais demain si tu veux.

— Tu as décidément décidé de me résister, Elyssa ? grogne-t-il, frustré que je refuse encore ses avances, contre ma volonté cette fois-ci.

— Peut-être... rigolé-je, lui tapotant l'épaule pour le consoler.

***

Il ne nous reste plus qu'une vingtaine de minute de route quand Matthew reçoit un appel dans la voiture, auquel il s'empresse de répondre. Mais contrairement à d'habitude où il adopte une attitude professionnelle, là son visage se ferme.

— Elle va bien ? demande-t-il dès les premiers mots de son interlocuteur, paniqué.

Je ne sais pas de qui il parle. Néanmoins il semble écouter attentivement ce que lui dit son correspondant car il ne parle plus, acquiesce juste de la tête par moment.

— Peter, d'ici combien de temps pouvons-nous être au Médical Center ? finit-il par demander, l'air soucieux.

Le Médical Center ? Qu'est-ce que c'est ? Je ne connais pas le nom de ce centre et pourtant cela commence à faire un moment que je vis ici.

— Je dirais d'ici une demi-heure, lui affirme-t-il, sûr de lui.

Matthew répète ainsi cette même phrase au téléphone et raccroche, contrarié tandis que la voiture arbore un demi-tour à la première intersection rencontrée.

— Tu veux m'en parler ? lui proposé-je quelques minutes après qu'il a raccroché, voyant son regard se perdre dans le vide sur la route.

Je ne l'ai jamais vu comme ça, lui qui est si imperturbable d'habitude. C'est d'ailleurs cela qui m'inquiète.

— Non ! me répond-il sèchement sans même m'adresser un regard.

— C'est toi qui m'as appris que cela pouvait faire du bien d'en parler, même si au premier abord nous n'en avons pas envie, insisté-je en souvenir de la nuit passée chez moi, où il a réellement été présent pour moi.

Et, aujourd'hui, j'estime que c'est moi qui dois être présente pour lui. Je sens qu'il en a besoin. Cependant, il ne semble pas de cet avis car il m'hurle si fort que je sursaute, les larmes aux yeux :

— Elyssa, quand je te dis NON, c'est NON. Laisse-moi tranquille, bordel !

Je me tais alors, comprenant que ce n'est pas le moment. Mais, par mon expérience personnelle je sais également que lorsque la colère prend le dessus, c'est le moment où nous avons le plus besoin du soutien des autres, même s'il est impossible pour nous de le réclamer. Sans un mot, je pose donc ma main sur la sienne. Il manque d'avoir un mouvement de recul, puis regarde ma main comme pour réfléchir s'il devait accepter ou non cette marque de tendresse, puis finit par la serrer à son tour.

Et, tandis que Peter se gare sur le parking d'un énorme établissement très moderne, entouré de jardins gigantesques, Matthew me dit doucement, sans me regarder, le regard toujours fixé au loin sur la route :

— C'est ma mère, elle est tombée et s'est blessée.

Sa mère ? Il ne m'en a parlé qu'une fois, cette nuit où il a dormi chez moi, et m'a dit qu'elle n'était plus là.

— Je ne comprends pas, tu m'avais dit qu'elle n'était plus là, que tu comprenais ce que j'avais vécu avec mes parents et mon frère.

— C'est le cas, se justifie-t-il, toujours aussi sec dans ses paroles.

— Je suis désolée Matthew, mais je ne comprends pas pourquoi tu m'as dit qu'elle n'était plus là, si elle est encore en vie, insisté-je pour essayer de le comprendre.

À cet instant, j'aimerais tant pouvoir l'aider, mais je ne comprends pas ce qu'il se passe. Je ne comprends pas pourquoi il la fait passer pour morte alors qu'elle ne l'est pas.

— Parce qu'elle n'est plus vraiment là, Elyssa, concède-il, des larmes manquant de s'échapper de ses paupières.

— Je suis désolée mais je ne comprends toujours pas où tu veux en venir...

— Elle n'est là que physiquement, mentalement elle est partie depuis longtemps.

— Comment ça ?

— Elle est atteinte de la maladie d'Alzheimer, m'avoue-t-il finalement, la voix tremblante, avant de sortir de la voiture et de marcher d'un pas décidé vers l'entrée du centre médical.

Oh...

Mon mystérieux patronOù les histoires vivent. Découvrez maintenant