Chapitre 30 - Le Medical Center

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— Tu devrais le rejoindre, m'encourage Peter, après de longues minutes passées à observer l'entrée empruntée par Matthew quelques minutes plus tôt.

— Je ne crois pas que ce soit une bonne idée, lui avoué-je après avoir vu combien il pouvait mal réagir quand ça concernait sa mère.

— Et moi je pense que si, il a besoin de quelqu'un à ses côtés dans ce genre de moment. Je ne suis pas censé te dire ça, mais chaque fois qu'il va voir sa mère il est dévasté. Il redevient l'homme qu'il était il y a quelques années. Mais quand tu es là, il est apaisé. Fais-moi confiance et rejoins-le, je sais qu'il ne te le demandera jamais par fierté, mais il aimerait ne pas affronter cela seul.

Au vu de sa réaction précédemment, j'ai du mal à croire que Matthew aimerait que je sois là, mais après tout, Peter le connait depuis plus longtemps que moi. C'est pourquoi je le questionne :

— Et il était comment il y a quelques années ?

— Je ne peux pas te répondre Elyssa, ce n'est pas à moi de t'apprendre cela. La seule chose que je peux te dire c'est que tu devrais le rejoindre.

Je pèse alors le pour et le contre, deux secondes dans la voiture puis j'ouvre finalement la portière, envoie un message à Alexia pour lui raconter la situation et la prévenir que je ne mangerais pas avec elle, et marche vers la même entrée qu'a pris Matthew quelques minutes plus tôt.

Lorsque j'arrive devant la porte vitrée, je ne parviens pas à l'ouvrir. Cependant un jeune homme arrive à ce même moment et m'indique que la porte est codée, pour éviter que les résidents ne parviennent à s'enfuir. Il me montre alors le code, et je parviens dans un petit jardin où plusieurs résidents sont avec leurs familles, assis sur des bancs. Je n'imaginais pas ce genre d'endroit comme cela. Je m'imaginais un endroit beaucoup plus froid, comme un hôpital. Mais en réalité, c'est beaucoup plus chaleureux, comme le hall d'entrée d'ailleurs. Le jeune homme m'indique l'accueil qui se trouve dans un petit renfoncement et je me retrouve face à une dame de mon âge, très souriante, qui me demande pourquoi je suis là.

— Bonjour, je suis avec Monsieur Clayton, l'informé-je pour qu'elle me laisse entrer.

Néanmoins, elle ne semble pas me croire car à peine ai-je prononcé ces mots qu'elle elle part chercher sa deuxième collègue qui était occupée avec un autre couple. Pendant ce temps, je regarde autour de moi et remarque à quelques pas de l'accueil un groupe de personnes âgées en train de jouer à un jeu de carte. La première chose qu'il me vient à l'esprit est qu'ils ont l'air d'être en pleine possession de leurs moyens pour des personnes dans ce genre d'établissement. Mais, peut-être que ce sont juste des personnes qui ne souhaitent plus vivre seuls, songé-je. Cependant, je n'ai pas le temps de plus m'interroger sur eux, car la deuxième hôtesse d'accueil me demande :

— Quel est votre nom, mademoiselle ?

— Tunson, Elyssa Tunson.

— Et qui êtes-vous par rapport à Monsieur Clayton ?

— Euh...Je suis sa femme, réponds-je sans réfléchir, la seule phrase qui, me semble-t-il, me permettra de le rejoindre.

Si Matthew m'entendait dire cela, il serait déjà en train de me regarder avec son petit sourire moqueur que j'aime tant.

À mes mots, les deux dames se regardent entre elle, puis j'entends la seconde chuchoter :

— C'est la même femme que dans l'article, laisse-la passer.

La première dame me lance alors un grand sourire, m'informe que c'est la chambre 402 et que les ascenseurs sont juste à côté de l'accueil, avant de me souhaiter une bonne journée. Je leur réponds alors avec un sourire forcé, avant de me diriger vers les ascenseurs.

Moi qui critiquais, encore il y a quelques jours, les journalistes, il faut reconnaitre que sans leur article à la noix lorsque nous étions au restaurant — où après nos mains enlacées une photo de nous deux s'est aussi vu rendre publique — je ne serais jamais rentrée aujourd'hui. Je pense d'ailleurs que c'est une des rares fois que je vais les remercier.

L'ascenseur qui s'ouvre est immense, comme ceux que l'on trouve dans les hôpitaux. Je pense que c'est pour pouvoir manipuler des lits quand c'est nécessaire, mais le fait est que j'ai rarement vu des cages aussi grandes.

Lorsque j'arrive au bon étage, les couloirs sont sombres. Je croise plusieurs personnes âgées dans des fauteuils roulants, avec des cannes ou des déambulateurs. L'ambiance n'est pas la même qu'au rez-de-chaussée. Cela sonne comme le dernier lieu de vie de ces différentes personnes avant la mort. Et cela me replonge dans les souvenirs de tous nos allers-retours à l'hôpital avec Jason, quand papa et maman étaient malades. Les journées passées entre leurs chambres et la cafétaria, les couloirs qui sentent le désinfectant, les bouteilles de gel hydroalcoolique à chaque coin de porte, l'odeur de la mort qui règne partout en soin palliatif. Je me rends compte que je déteste être ici. Mais je ne peux plus reculer, je sais il est horrible de voir ceux qu'on aime dans ce genre d'endroit, et je ne sais même pas comment il a fait pendant tout ce temps pour venir ici tout seul, sans soutien. Je pense qu'à sa place, j'aurais craqué depuis longtemps. Le cœur lourd, je marche donc en direction du numéro indiqué. Je passe d'abord devant une petite salle pour les repas, salue un infirmier sur mon chemin, puis arrive enfin au niveau des chambres.

400, 401... 402. C'est ici ! La porte est ouverte. Je m'approche donc doucement, aperçoit Matthew debout face à une dame en fauteuil roulant que je ne vois pas bien car il la cache de son corps. Je toque alors délicatement à la porte, mais sans se retourner Matthew répond :

— Nous n'avons besoin de rien, merci.

Il doit penser que ce sont les infirmiers, songé-je. Je pense alors à rebrousser chemin, mais maintenant que je suis là, je ne peux plus reculer.

— Matthew, c'est moi, dis-je délicatement sur le pas de la porte, comme si je craignais sa réaction.

— Elyssa ?! s'exclame-t-il quand il se retourne. Qu'est-ce que tu fais là ?

Son regard passe alors de sa mère à moi dans un regard froid. Il passe également sa main dans ses cheveux comme lorsqu'il est contrarié. Je commence donc à paniquer. Peut-être que j'ai été trop intrusive ? Peut-être que je n'aurais pas dû écouter Peter ? Peut-être aurais-je dû rester dans la voiture et le laisser voir sa mère tout seul, comme il semble le faire depuis un moment ?

Comprenant que je n'ai pas ma place ici et que je n'aurais pas dû m'imposer, je me confonds en excuse :

— Je suis désolée, Peter m'a dit que cela te ferait du bien de ne pas être seul, alors je suis venue. Mais c'était une mauvaise idée, on se retrouve dans la voiture.

Je tourne alors les talons, marche quelques pas dans le couloir avant que Matthew ne me rattrape :

— Non, Elyssa. Ne pars pas ! me crie-t-il désormais devant la porte de la chambre.

Je le regarde alors, ne comprenant plus ce que je dois faire ou ne pas faire. Voyant mon désarroi, il me prend par la main, me conduit jusque dans la chambre où je l'ai retrouvé et ajoute :

— Elyssa, je te présente ma mère, me montre-t-il avec envers elle, un regard tendre que je lui ai rarement vu arborer.

Mon mystérieux patronOù les histoires vivent. Découvrez maintenant